L’Assemblée nationale s’oppose au dépôt légal des ebooks

L’Assemblée nationale s’oppose au dépôt légal des ebooks

Je panse donc j'essuie

Avatar de l'auteur
Xavier Berne

Publié dans

Droit

23/03/2016 4 minutes
13

L’Assemblée nationale s’oppose au dépôt légal des ebooks

Suivant les consignes du gouvernement, l’Assemblée nationale a refusé hier de contraindre les éditeurs d’ebooks à transmettre, au titre du dépôt légal, un fichier de leurs ouvrages à la Bibliothèque nationale de France. Les débats ont cependant été (un peu) plus constructifs qu’en commission.

« Madame la ministre, vos arguments sont erronés, je suis navrée de le dire », a fini par lâcher la députée Isabelle Attard après que le rapporteur Patrick Bloche (PS) et Audrey Azoulay, la locataire de la Rue de Valois, ont – à nouveau – donné un avis défavorable à ses amendements tendant à instaurer un véritable dépôt légal des livres numériques.

Et pour cause, la ministre de la Culture a maintenu que les éditeurs étaient « déjà soumis, sans ambiguïté, à l’obligation de dépôt pour le livre numérique, à l’instar de leurs homologues des autres industries culturelles, pour leurs propres contenus ». Or comme l’explique noir sur blanc la BNF, « à ce jour, il n'y a pas de dépôt à l'unité des publications numériques en ligne ou téléchargeables, leur collecte passe par le site web qui les diffuse ». Les robots moissonneurs chargés d’archiver le « web français » peuvent effectivement récupérer des ebooks, sauf que cette mission se révèle extrêmement difficile – sinon impossible – à partir du moment où des mesures techniques de protection sont déployées, ou lorsque l’accès aux ebooks est payant...

bloche azoulay
Patrick Bloche et Audrey Azoulay, hier lors des débats - Crédits : Assemblée nationale

« Nous devons profiter de ce texte pour combler une lacune, un angle mort de la législation » a ainsi exhorté Isabelle Attard, soutenue pour l’occasion par le député Lionel Tardy (Les Républicains). Avant d’ajouter : « Je ne comprendrais pas que nous ne profitions pas du seul créneau de ce quinquennat consacré à la culture pour faire en sorte de mettre tous les livres, en format numérique ou papier, sur le même plan. Absolument aucune contre-indication, aucun argumentaire ne saurait empêcher l’adoption d’un de ces deux amendements, afin que notre patrimoine soit encore plus riche demain et que nous n’oublions personne ».

L’insistance de la députée Isabelle Attard n’y aura cependant rien fait. La ministre de la Culture a campé sur ses positions, épaulée par Patrick Bloche. Cet ancien « mousquetaire » de la bataille Hadopi a jugé que les amendements de la députée écologiste présentaient « un certain nombre d’inconvénients », à commencer par l’utilisation « assez imprécise » du terme de « livres numériques » – étant donné que ceux-ci peuvent « revêtir plusieurs formes ». « En outre, il convient de considérer que d’autres filières pourraient légitimement réclamer un dispositif spécifique – je pense à la photographie ou aux jeux vidéo » a-t-il ajouté.

La Rue de Valois promet de « travailler » le sujet

Pour mieux faire passer cette opposition (qui a suscité l’indignation du collectif SavoirsCom1), la ministre de la Culture a néanmoins laissé entrevoir de possibles ajustements du système de collecte actuel : « Le dispositif réglementaire – issu d’une base législative très large – établi en 2011 n’est pas parfaitement adapté au monde du livre numérique. Le gouvernement et, bien sûr, la BNF partagent cette analyse et s’accordent sur la nécessité de répondre au problème. » Audrey Azoulay a plus précisément annoncé que ses services allaient « y travailler pour ce qui concerne la partie réglementaire, afin de veiller à une bonne adaptation en termes de formats, de mesures techniques de protection, de métadonnées ». Mais elle a bien insisté : « Il n’est cependant pas opportun de créer une base législative supplémentaire, qui risquerait de fragiliser l’actuelle. »

Les deux amendements d'Isabelle Attard ont finalement été rejetés (voir ici et ).

On peut désormais imaginer que l’article R132-23-1 du Code du patrimoine, qui régit les modalités de collecte du dépôt légal de l’internet, pourrait être prochainement modifié afin de mieux prendre en compte les spécificités du livre numérique. À moins qu’il ne s’agisse que d’une promesse en l’air destinée à mettre le sujet sous le tapis en attendant qu’un autre véhicule législatif permette d’aborder cette question – probablement pas avant la prochaine élection présidentielle.

Écrit par Xavier Berne

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

La Rue de Valois promet de « travailler » le sujet

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Fermer

Commentaires (13)


J’aimerai comprendre la logique… “votre idée c’est de la merde, on rejette vos amendements mais nos arguments étaient en effet mauvais et les votres bons donc on va y travailler…”



pourquoi ne pas avoir adopté les amendements direct ? à cause des lobby ? à cause des DRM ?…


Je comprend pas leur logique à ces gens là. Quel est le problème à clarifier ce point là pour que la BNF puissent récupérer SANS DRM l’ensemble des ebooks qui sont distribués en France?



Ca me sidère…


Ce qui est dingue, c’est que si on édite un fanzine physiquement, on peux littéralement être contacté par la BNF pour le déposer au plus vite (et avec des mots pas gentils gentils). Même si ce fanzine a 10 ans, c’est du vécu. Il suffit qu’un agent de la BNF tombe dessus par hasard dans un magasin de revente, une brocante…



Mais à côté de ça, alors que la production numérique n’a jamais été aussi élevée, et que les éditeurs font de plus en plus de publications uniquement en ebooks, on enterre le problème l’air de rien.


Le dépôt légal est une relique d’antan qu’il faut supprimer pour tous, pas seulement pour le numérique.








Exception a écrit :



Le dépôt légal est une relique d’antan qu’il faut supprimer pour tous, pas seulement pour le numérique.





Pas si sûr, le fait de garder une archive de chaque publication est un garant de la culture, ça peut permettre aussi d’éditer des versions accessibles si le format est standardisé… Et s’il fallait s’attaquer au reliques d’antan ce serait mieux de commencer par fouler au pied le droit d’auteur dans sa version actuelle…



si il faut déposer des ebooks, pourquoi ne pas aussi obliger à déposer des sites web ?


J’aime bien ! On ne sait pas de quoi il s’agit exactement, mais hop un commentaire négatif.

Comme le dit vince120, le dépôt légal garantit la conservation des œuvres publiées et donc du patrimoine écrit, qu’en qu’en soit le domaine : littéraire, technique, scientifique, artistique… Il permet aussi, par le biais d’échanges, à la BNF, d’acquérir des œuvres étrangères.



C’est donc un immense trésor qu’il faut absolument conserver. Par exemple, dans le domaine informatique, il est tout à fait possible que la capacité de pouvoir utiliser certaines archives informatiques oubliées (qui à un moment peuvent s’avérer extrêmement importantes) repose dans un manuel de la BNF et nulle part ailleurs. Mais pas que.


L’amendement était d’un parfait bon sens. En revanche, il aurait fallu ajouter un “cadre” plus précis pour définir un “livre” numérique quand il ne s’agit pas de la version ou adaptation d’un livre “papier”. si je fais un PDF (par exemple) de 100 pages expliquant l’installation sous différents environnements et la gestion fine d’un serveur MySQL, est-ce un livre ? Les non-professionnels sont-ils soumis à l’obligation de dépôt d’une ouvrage numérique ? Etc.



Seulement, au lieu de faire ce qu’il faut (définir ce qui constitue un livre numérique au sens de l’obligation de dépôt), on préfère être complètement stupide et refuser une disposition qui est une évidence.



Et @ Exception : commentaire typique de celui qui ne sais pas, ne veut pas chercher à savoir, mais croit savoir. (Hélas très courant aujourd’hui sur Internet). Numerid a parfaitement répondu.


Je ne comprends pas du tout la logique de la décisdion ,ca me parait ubuesque.

Et je ne vois pas non plus quel(s) intérêt(s) ont motivé ce refus.

Bref, incompréhensible.



Sinon, pas mal le sous titre.


Ouf ! On a eu chaud on était à 2 doigts d’accepter une évolution.

Heureusement qu’ils sont là !




Cet ancien « mousquetaire » de la bataille Hadopi a jugé que les amendements de la députée écologiste présentaient « un certain nombre d’inconvénients », à commencer par l’utilisation « assez imprécise » du terme de « livres numériques » – étant donné que ceux-ci peuvent « revêtir plusieurs formes ».



Ce terme est tellement mal définit, qu’il est déjà utilisé dans la LOI n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

Il y a même un décret précisant les caractéristiques d’un livre numérique comme prévu dans cette loi.

Quand il s’agit de faire appliquer les mêmes mesures de prix unique du livre pour le numérique, on sait de quoi on parle, par contre, quand il s’agit du dépôt, on ne saurait plus ?

Patrick Bloche serait-il un bouffon ?


Test.



Oui, un test de commentaire.

Car que je poste le moindre commentaire, dans n’importe quelle news et souvent pour ne pas laisser les débats monopolisés par une minorité non représentative, il y a tout de suite une ruée de contradicteurs qui souhaitent absolument dire que j’ai tort, probablement leur seul moyen d’exister.

Donc voyons voir encore.


Et Axelle Lemaire, elle n’a pas son mot à dire ?



@Exception: c’est faux <img data-src=" />