Le Conseil national des barreaux attaque la loi Renseignement devant la CEDH

Le Conseil national des barreaux attaque la loi Renseignement devant la CEDH

Et de trois !

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Marc Rees

Publié dans

Droit

28/12/2015 5 minutes
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Le Conseil national des barreaux attaque la loi Renseignement devant la CEDH

La France devra subir un nouveau front devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Après l’association de la presse judiciaire et l’Ordre des avocats de Paris, nous avons appris que le Conseil national des barreaux s’était à son tour attaqué à la loi du 24 juillet 2015 sur le renseignement.

Cet établissement d'utilité publique, qui représente l'ensemble des avocats exerçant en France, estime que l’entrée en vigueur de ce texte crée de lui-même « une menace de surveillance pour tous ceux auxquels on pourrait l’appliquer ». Selon les informations qui nous ont été communiquées par le CNB, celui-ci juge les différentes techniques de renseignement comme « particulièrement intrusives », susceptibles d’intervenir dans « des affaires particulièrement sensibles qui touchent aux intérêts fondamentaux de la Nation visés à l’article 811-2 du Code de la sécurité intérieure ».

Il y aurait ainsi violation de l’article 8 de la CEDH qui proclame le droit de toute personne au respect de sa vie privée, familiale, de son domicile et de sa correspondance. 

Trop de flous dans le texte français

La Convention autorise certes les atteintes à ce droit, mais à condition qu’elles soient prévues par la loi et constituent « une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Or, aux yeux du CNB, aucun de ces critères impérieux ne serait respecté. Le texte français souffrirait déjà d’ombres, « faute en particulier d’avoir défini la notion d’informations ou documents ». Cette notion est fondamentale car elle définit le spectre des données pouvant être alpaguées par les outils intrusifs. Certes, le Conseil constitutionnel l’a déjà auscultée sans adresser le moindre reproche, mais il n’a pas levé toutes les incertitudes sur son périmètre.

Autre grief, la situation particulière des avocats. Avec les parlementaires, les journalistes et les magistrats, ces professionnels du droit ne peuvent être visés par ces mesures dans l’exercice de leur mandat. Seulement, le CNB remarque à raison que la loi sur le renseignement ne permet pas de savoir comment se fera le tri entre ce qui relève de cette activité et ce qui en est étranger : en pratique, lorsqu’un avocat sera mis sous surveillance, les services du renseignement ne pourront par avance faire un tel tri. Ils sauront tout, mais seront priés d’oublier illico les secrets relevant des activités professionnelles qui se dévoileraient sur leurs écrans...

La liste des reproches n’est pas terminée : les très vastes finalités excèderaient le critère du « strictement nécessaire » imposé à ce type de législation par la Cour européenne des droits de l’Homme. De même, les outils de surveillance permettraient « une surveillance généralisée et indifférenciée ». Pire encore, le Conseil considère que les mesures de contrôle de ces opérations sont loin d’être suffisantes, aussi bien en préventif par la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement, qu’a posteriori par les juridictions administratives.

Pas de droit à un recours effectif

Sur sa lancée, le CNB, défendu par Me Patrice Spinosi, considère qu’il y a également une atteinte à l’article 13 de la CEDH, lequel protège le droit à un recours effectif devant une instance nationale.

Pourquoi ? La loi sur le renseignement a été déclarée presque intégralement conforme par le Conseil constitutionnel le 23 juillet 2015. Le lendemain, dans la QPC déposée par la Quadrature du Net, FDN et FFDN, ceux que l’on nomme communément les « Sages » ont ajouté qu’ « aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes » (la décision).

Or, compte tenu de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, les autres juridictions internes « ne peuvent [désormais] plus faire droit aux arguments » du CNB, « selon lesquels l’existence même des dispositifs de la loi relative au renseignement porte gravement atteinte à son droit au respect de sa vie privée ainsi qu’à son droit à un recours effectif ».

Les recours des journalistes judiciaires, de l’Ordre des avocats de Paris et maintenant du Conseil national des Barreaux devraient profiter pleinement d’une récente décision rendue début décembre par la Cour européenne des droits de l’Homme. Celle-ci a en effet accepté d’examiner la législation russe sur la surveillance des services de communications, sans attendre de violation effective de la vie privée des citoyens. 

Écrit par Marc Rees

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Introduction

Trop de flous dans le texte français

Pas de droit à un recours effectif

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Commentaires (23)


une instance européenne va examiner une loi russe? c’est quoi ce délire? on va examiner le patriot act américain aussi? remarque y a moyen de rigoler, quelqu’un a du pop corn? <img data-src=" />


… le début de l’europe !

du traité de 2005 …



Et surtout : vive l’europe.


Comme la France, la Russie a signé la convention européenne des droits de l’homme, et est donc sensé la respecter (ainsi que les décisions de la CEDH). Dans les faits, aucun de ces deux pays ne la respecte.








Bejarid a écrit :



Comme la France, la Russie a signé la convention européenne des droits de l’homme, et est donc sensé la respecter (ainsi que les décisions de la CEDH). Dans les faits, aucun de ces deux pays ne la respecte.





La France a même prévenu qu’elle ne la respectera pas “pendant l’état d’urgence”. Sachant que cette haute trahison va être entériné dans la Constitution…



+1








0xFlame a écrit :



une instance européenne va examiner une loi russe? c’est quoi ce délire? on va examiner le patriot act américain aussi? remarque y a moyen de rigoler, quelqu’un a du pop corn? <img data-src=" />





La CJUE a bien examiné le patriot act lorsqu’elle a démonté le safe harbor.



La Convention autorise certes les atteintes à ce droit, mais à condition qu’elles soient

&nbsp; prévues par la loi et constituent «&nbsp;une&nbsp;mesure&nbsp;qui, dans une société démocratique

&nbsp; est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique

&nbsp; du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection

&nbsp; de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».



à mon avis : le Gouv. va s’appuyer sur CETTE Loi, là !

et se sera “plié” !

(c’est bien d’avoir essayé quand même)


tu ne retiens qu’une partie des conditions de l’art. 8








linkin623 a écrit :



La France a même prévenu qu’elle ne la respectera pas “pendant l’état d’urgence”. Sachant que cette haute trahison va être entériné dans la Constitution…





Comme bcp l’avait fait remarqué, elle ne la respecte déjà pas de base, donc c’était juste une communication politique sans aucune valeur ajoutée, comme tant d’autres.









Bejarid a écrit :



Comme bcp l’avait fait remarqué, elle ne la respecte déjà pas de base, donc c’était juste une communication politique sans aucune valeur ajoutée, comme tant d’autres.





<img data-src=" /> Exact, mais il y a une différence entre ne pas respecter et inscrire cette pratique dans la Constitution…



Yep, l’inscrire dans la Constitution fait que, justement, les Droits de l’Homme ne seraient plus opposables aux lois liberticides… on y perdrait ainsi l’une de nos plus importantes protections contre l’Etat…








ledufakademy a écrit :



Et surtout : vive l’europe.





Oui enfin, c’est pas gagné hein…



Ça a beau s’appeler la CEDH, ça ne veut pas pour autant dire que les droits seront forcément respectés.

Ça reste des hommes derrière ces décisions et il suffit de pas grand chose pour que ces décisions en arrivent à des résultats contraire à ce qui est écrit.









Wakkun a écrit :



Yep, l’inscrire dans la Constitution fait que, justement, les Droits de l’Homme ne seraient plus opposables aux lois liberticides… on y perdrait ainsi l’une de nos plus importantes protections contre l’Etat…





La CEDH ne protège pas contre l’Etat, seul le droit inalienable à se révolter (et in fine à couper des têtes) le fait.



Rien n’oblige l’état français (législatif/executif/judiciaire) à respecter les droits de l’homme. Ce n’est qu’une question de “publicité” extérieur… Tout le monde sait que la Russie est un état totalitaire et non un état de droit, car elle ne respect pas la CEDH (ni le tribunal de La Haye, ni les embargo d’armes, etc.), d’où les investissements mondiaux négligeables (et son économie digne du tiers-monde).









Bejarid a écrit :



La CEDH ne protège pas contre l’Etat, seul le droit inalienable à se révolter (et in fine à couper des têtes) le fait.




 Rien n'oblige l'état français (législatif/executif/judiciaire) à respecter les droits de l'homme. Ce n'est qu'une question de "publicité" extérieur... Tout le monde sait que la Russie est un état totalitaire et non un état de droit, car elle ne respect pas la CEDH (ni le tribunal de La Haye, ni les embargo d'armes, etc.), d'où les investissements mondiaux négligeables (et son économie digne du tiers-monde).







Ba, en principe, la Constitution de la Vème République l’y oblige, notamment quand il est question de sûreté (cf. sens du mot sûreté) =) Voilà pourquoi inscrire l’Etat d’Urgence, la déchéance de nationalité et tout ce qui va avec ces lois dans la Constitution est une erreur monumentale empêchant d’y opposer les Droits de l’Homme. Si on ajoute tout ça il y aura conflit entre le préambule de la Constitution et ces nouvelles lois :/









Wakkun a écrit :



Yep, l’inscrire dans la Constitution fait que, justement, les Droits de l’Homme ne seraient plus opposables aux lois liberticides… on y perdrait ainsi l’une de nos plus importantes protections contre l’Etat…





c’est déjà fait









Bejarid a écrit :



La CEDH ne protège pas contre l’Etat, seul le droit inalienable à se révolter (et in fine à couper des têtes) le fait.



Rien n’oblige l’état français (législatif/executif/judiciaire) à respecter les droits de l’homme. Ce n’est qu’une question de “publicité” extérieur… Tout le monde sait que la Russie est un état totalitaire et non un état de droit, car elle ne respect pas la CEDH (ni le tribunal de La Haye, ni les embargo d’armes, etc.), d’où les investissements mondiaux négligeables (et son économie digne du tiers-monde).







“La CEDH ne protège pas contre l’Etat, seul le droit inalienable à se révolter (et in fine à couper des têtes) le fait.”

Le traité de Lisbonne autorise à tuer des « émeutiers »



http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/le-traite-de-lisbonne-autorise-…









popolski a écrit :



“La CEDH ne protège pas contre l’Etat, seul le droit inalienable à se révolter (et in fine à couper des têtes) le fait.”

Le traité de Lisbonne autorise à tuer des « émeutiers »



http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/le-traite-de-lisbonne-autorise-…





Ahah, agoravox. Ils ont toujours été manipulateurs sur ce site, me demande si ça a changé.



En passant, pour te faire plaisir, l’armée ukrainienne ne devrait pas tuer les soldats russes qui les attaquent, car ils se réclament “émeutiers” et n’ont pas d’uniformes, c’est ça ?



A vouloir trop simplifier les choses…









Wakkun a écrit :



Ba, en principe, la Constitution de la Vème République l’y oblige, notamment quand il est question de sûreté (cf. sens du mot sûreté) =) Voilà pourquoi inscrire l’Etat d’Urgence, la déchéance de nationalité et tout ce qui va avec ces lois dans la Constitution est une erreur monumentale empêchant d’y opposer les Droits de l’Homme. Si on ajoute tout ça il y aura conflit entre le préambule de la Constitution et ces nouvelles lois :/






  La constitution est écrite par le pouvoir législatif, tu m'expliques comment elle pourrait nous protéger, contre ce même pouvoir ?       






 Il faut bien faire la part des choses entre les mécanismes mit en place pour compartimenter les pouvoirs dans notre 5eme république (Constitution, loi organique, loi normal, décrets), et la possibilité de résister à cette république toute entière. La constitution Ukrainienne n'a pas empéché le parlement criméen de voter comme un seul homme (c'est à dire comme le soldat russe derrière eux)&nbsp;son annexion.      






 De plus, l'état d'urgence est déjà dans la constitution... Sinon il n'aurait pu être promulgué... Mais bon, continuez à vous préoccuper du nuage de fumé pendant le feu couve, ça arrange tout le monde j'imagine.








Bejarid a écrit :



Ahah, agoravox. Ils ont toujours été manipulateurs sur ce site, me demande si ça a changé.



En passant, pour te faire plaisir, l’armée ukrainienne ne devrait pas tuer les soldats russes qui les attaquent, car ils se réclament “émeutiers” et n’ont pas d’uniformes, c’est ça ?



A vouloir trop simplifier les choses…







Agoravox n’est pas le seul à en parler, d’ailleurs il suffit de lire le traité









Bejarid a écrit :



La constitution est écrite par le pouvoir législatif, tu m’expliques comment elle pourrait nous protéger, contre ce même pouvoir ?





Loin d’être un expert (, et après une rapide vérif sur wiki), la constitution n’a pas pour but d’être remaniée par un gouvernement.

Je crois que c’est l’état d’urgence actuel qui permet quelques libertés dans l’élaboration d’amendements, mais la constitution définissant le système de gouvernement, il y aurait une sacré faille si c’était portes ouvertes.

(pour nous défendre, reste le Conseil constitutionnel)



tiens, via un lien de wiki,

@ ceux qui prédisent l’anglais parlé par tout le monde en France “soon”



“11. Considérant que ces dispositions sont également contraires au premier alinéa de l’article 2 de la Constitution en ce qu’elles tendent à reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le français non seulement dans la “vie privée” mais également dans la “vie publique”, à laquelle la Charte rattache la justice et les autorités administratives et services publics ; “ signé le CC.








MuadJC a écrit :



Loin d’être un expert (, et après une rapide vérif sur wiki), la constitution n’a pas pour but d’être remaniée par un gouvernement.

Je crois que c’est l’état d’urgence actuel qui permet quelques libertés dans l’élaboration d’amendements, mais la constitution définissant le système de gouvernement, il y aurait une sacré faille si c’était portes ouvertes.

(pour nous défendre, reste le Conseil constitutionnel)





La constitution peut être modifié avec les 23 du congrès. Le pouvoir législatif a bien les clés de la constitution (même si c’est plus compliqué que simplement 50% du parlement comme pour les lois).

Quand au conseil constitutionnel, qui le nomme ? Le pouvoir exécutif (président de la république, via décret).



C’est pas que je cherche à vous faire peur, mais vous vous trompez de garde-fous…