Face à l'émergence des objets connectés, la FIRIP veut préparer l'avenir des campagnes

Face à l’émergence des objets connectés, la FIRIP veut préparer l’avenir des campagnes

« On construit un réseau pour les 50 prochaines années »

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Sébastien Gavois

Publié dans

Internet

14/12/2015 9 minutes
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Face à l'émergence des objets connectés, la FIRIP veut préparer l'avenir des campagnes

Le nombre d'objets connectés explosera au cours des prochaines années. Dans les zones peu denses, la FIRIP se prépare à fournir les réseaux pour tous les relier, comme le font les opérateurs nationaux en zones denses. Pour la fédération d'industriels, ces nouveaux usages sont au cœur du futur des campagnes.

La Fédération des Industriels des Réseaux d'Initiative Publique (FIRIP), qui regroupe plus de 160 entreprises, organisait récemment un colloque à la Cité de l'objet connecté d'Angers sur le thème des « territoires intelligents ». Un vaste programme. Nous étions sur place afin de suivre les échanges.

Des territoires qui vont devenir de plus en plus intelligents

Face à l'émergence des objets connectés, le but de la fédération était de réunir autour de la table les acteurs du numérique afin « d'échanger sur l'évolution nécessaire [...] pour accompagner les territoires numériques à devenir des territoires intelligents ». Au-delà de proposer de la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) aux foyers des zones peu denses, les réseaux déployés par les réseaux d'initiative publique (RIP) seront probablement utile aux objets connectés.

Ces objets ont d'ailleurs été divisés en deux grandes familles durant ce colloque. D'un côté, on retrouve ceux qui nécessitent beaucoup de bande passante, comme les caméras de vidéosurveillance. De l'autre, les petits objets connectés qui ne renvoient que très peu de données (quelques octets) : capteur de bruit, de température, de luminosité, détecteur de passage et d'ouverture par exemple.

Si dans le premier cas, l'intérêt de la fibre optique est évident (images en haute définition avec plusieurs points de vue par exemple), il faut se projeter à plus long terme afin de comprendre l'intérêt des réseaux en fibre optique pour la seconde catégorie de produits.

Des foyers aux objets connectés, les RIP visent les 50 prochaines années

De nombreuses études annoncent en effet que, dans le monde, plusieurs dizaines de milliards d'objets connectés seront reliés à Internet d'ici 2020. Une bonne partie passera très probablement par des réseaux bas débit - type LoRa ou Sigfox - afin de se connecter à des concentrateurs. Ces derniers agiront comme des « entonnoirs » en agrégeant et redirigeant les données de milliers d'objets connectés vers Internet. De quelques octets, on passe ainsi à « quelques » Mo avec 100 000 d'entre eux connectés sur un même concentrateur. Tenir une telle charge n'est pas vraiment envisageable avec le réseau cuivre, qui stagne aux alentours de 100 Mb/s en VDSL2 (à condition d'être quasiment dans le NRA).

Durant ce colloque, Laurent Depommier-Cotton, directeur du département transition numérique à la Caisse des Dépôts, explique qu'il faut donc « construire des réseaux FTTH vers les objets connectés » et ainsi « aller chercher les objets et les concentrateurs ».

Il rappelle au passage que si les RIP ont des objectifs concernant la couverture des foyers dans les zones peu denses, ce n'est pas le cas pour les objets connectés. Thierry Sachot, président de la Cité de l'objet connecté, abonde en ce sens et ajoute que les RIP peuvent « apporter dans ces zones rurales toute la connectivité nécessaire pour exploiter toutes ces nouvelles technologies ».

Pour Étienne Dugas, président de la FIRIP, l'enjeu est important car « on construit un réseau pour les 50 prochaines années  ». Une expression déjà entendue chez Axelle Lemaire lors du dernier colloque de l'AVICCA.

FIRIP Objet connecté
Une des machines utilisées dans la région d'Angers pour passer de la fibre optique

De nouveaux usages des objets connectés sont encore à découvrir

Un exemple lié aux objets connectés est souvent revenu lors de ce colloque : le déploiement de la « smart city », ou ville intelligente dans la langue de Molière. Le président de la Cité de l'objet connecté explique qu'il s'agit de « mettre de l'intelligence dans la gestion quotidienne de la ville, de ses transports, de ses déchets, de ses parkings, etc ». Laurent Depommier-Cotton ajoute que cela touche « toutes les collectivités et toutes les personnes », rappelant ainsi qu'il ne faut laisser personne sur la touche. Il indique aussi qu'il s'agit d'une opportunité pour les RIP qui « doivent jouer un rôle de réseau fédérateur ».

Le problème est qu'une partie des usages liés aux objets connectés n'existe pas encore aujourd'hui. « La portée des objets connectés n'est pas encore pleinement mesurée, mais je crois qu'il faut deviner une accélération très forte dans ce domaine » explique Jean Launay, député du Lot.

Cyrille Le Floch, président de Qowisio (concurrent de Sigfox et LoRa sur les réseaux bas débit), n'en doute pas : « on est persuadé que les cas d'application vont arriver ». Pour exemple, il revient sur le cas du Dash Button d'Amazon qui est arrivé sans crier gare. Pour rappel, il permet de passer une commande d'une simple pression sur un petit bouton connecté.

S'il utilise pour le moment le Wi-Fi, on peut très bien imaginer la même chose sur des réseaux bas débit type LoRa ou Sigfox. Un appareil de ce genre n'a besoin de n'envoyer que quelques octets, mais si l'on multiplie cela par une dizaine de boutons dans une maison, puis par le nombre d'habitations dans un rayon plusieurs dizaines de kilomètres carrés (ce qui correspond à la portée d'une antenne), on dépasse largement les quelques octets qui transiteront sur chaque antenne. Pour le directeur de Qowisio, qui est en train de déployer son réseau, la situation est simple : « on a besoin de la fibre » pour relier les antennes, « pas pour 2016-2017, mais dans 5 ou 10 ans ».

Ce dernier en profite d'ailleurs pour revenir sur le choix des opérateurs de téléphonie mobile de passer par LoRa (Bouygues et Orange on fait des annonces en ce sens cette année). Il explique ainsi qu'ils ont fait ce choix car « LoRa vend ses équipements, contrairement à Sigfox et Qowisio ».

L'Europe ne veut pas se laisser dominer par les États-Unis et l'Asie

Afin d'apporter une vision plus large, la FIRIP avait invité Laure Blanchard-Brunac de la DG Connect, la direction générale en charge des télécommunications au sein de la Commission européenne. Pour elle, il faut « arrêter de penser la fibre optique uniquement pour le FTTH et l'ouvrir à tout », y compris aux objets connectés donc. Elle ajoute également que cette explosion de l'Internet des objets ouvrira la voie à de « nouveaux acteurs purement locaux ».

Mais cet aspect local est contrebalancé par l'infrastructure des réseaux qui devra largement dépasser les frontières pour être efficace. Elle explique ainsi que si tout semble se passer relativement bien en France (enfin si on laisse de côté le blocage du plan THD par Bruxelles), il y a 28 pays dans l'Union européenne et l'explosion des services « pose des soucis concrets » pour certains.

Le déploiement des réseaux n'est pas le seul point dans le viseur de Laure Blanchard-Brunac. Elle enchaine sur un autre sujet important : la sécurité des données. Dans l'Internet des objets tel qu'il se dessine aujourd'hui, il n'est pas simplement question des informations sur une personne (ce qui mérite déjà une protection suffisante), mais de celles de toute une ville ou d'une région avec les smart cities. « Il faut les protéger », lance-t-elle à l'assemblée.

L'un des principaux risques serait de se disperser ou de se faire doubler par d'autres nations : « se faire imposer un standard ou des normes qui viennent des États-Unis ou de l'Asie ». « L'Europe doit travailler dans ce sens » conclut-elle, surtout qu'avec des sociétés comme LoRa, Sigfox et Qowisio, la France à de l'avance dans ce domaine pour le moment.

Les voeux du président de la FIRIP pour l'avenir

Afin de clôturer ce colloque, Étienne Dugas, président de la FIRIP tout juste réélu pour un second mandat, montait sur scène. Pour commencer, il s'attaquait à la définition du très haut débit en Europe. Pour rappel, il suffit d'avoir au moins 30 Mb/s en téléchargement pour être classé dans la case « THD ». Or, cela « ne veut strictement rien dire » selon lui, car ce n'est « même pas symétrique ». Bref, pour le directeur de la FIRIP : « sans la fibre, point de salut ».

Il enchaine ensuite avec une attaque vers le Comité de Concertation France Très Haut Débit (COCOF) dont la FIRIP ne fait pas partie. Après avoir demandé à ce que les « industriels des RIP aient la possibilité au sein de ce Comité de donner leur avis sur l'instruction des dossiers au même titre que la FFT [NDLR : Fédération Française des Télécoms] et les associations d'élus », sans aucun succès, elle souhaite maintenant que la FFT sorte de la COCOF, afin d'avoir une « équité » de traitement entre les deux fédérations.

En guise de conclusion (et d'avertissement), Étienne Dugas revendique que la FIRIP est « la première fédération des télécoms » en France et, qu’« un jour ou l'autre, on l'affichera publiquement ». Pour rappel, la fédération a à peine trois ans, quand la FFT a été créée en 2007 (et a bien failli mourir récemment).  Peu après, le président de la FIRIP nous précise qu'il ne s'agit pas d'attaquer frontalement la FFTélécoms qui regroupe certains opérateurs nationaux, mais de montrer tout de même que la FIRIP est bien présente et qu'elle compte prendre de l'importante dans le paysage des télécoms. Il faudra maintenant attendre de voir comment cette volonté se concrétisera.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Des territoires qui vont devenir de plus en plus intelligents

Des foyers aux objets connectés, les RIP visent les 50 prochaines années

De nouveaux usages des objets connectés sont encore à découvrir

L'Europe ne veut pas se laisser dominer par les États-Unis et l'Asie

Les voeux du président de la FIRIP pour l'avenir

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Commentaires (5)


Plein de bonne résolutions.

Reste a voir quand ca sera en place…


Comme d’habitude, entre les intentions des bonnes résolutions et leur application, il y aura eu une présidentielle entre temps, au minimum. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, faire des plans sur la comète comme ils veulent, moi la fracture numérique je la sens toujours (sans tomber dans le cas extrême du gars en montagne à 70 km d’une grande ville, non non), et tant que je la sentirais je ne croirais pas leurs belles paroles…








Nozalys a écrit :



Comme d’habitude, entre les intentions des bonnes résolutions et leur application, il y aura eu une présidentielle entre temps, au minimum. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, faire des plans sur la comète comme ils veulent, moi la fracture numérique je la sens toujours (sans tomber dans le cas extrême du gars en montagne à 70 km d’une grande ville, non non), et tant que je la sentirais je ne croirais pas leurs belles paroles…





Le soucis c’est que pour tous les objets connecté fonctionnent bien, il faudrait une interopérabilité entres eux et que pour l’instant chacun essaie de faire passer “son” interopérabilité.



Les besoins en objets connectés ne sont pas que dans les villes, loin de là.



Les stations météo très localisées (près des éoliennes par ex), les points de comptage d’énergie (réseau de transport d’énergie), les capteurs de pollution ou de débit dans les cours d’eau sont des exemples parmi d’autres qui feront le fond de commerce de SIGFOX et consort.



Tous ces exemples utilisent actuellement des MODEM GPRS, avec des coût d’exploitation bien plus élevés.



Je ne pense pas que l’on va vraiment inventer beaucoup de nouveaux besoins. Il y aura deux cas selon moi :





  • on va répondre à des besoins actuels avec ces technologies plus adaptées pour les couvrir ;

  • des besoins déjà existants mais actuellement sans solution vont pouvoir être couverts.







    Le bouton amazon, c’est fun mais cela me fait penser aux fart machines au niveau de l’utilité.


Je ne connaissais pas la FIRIP, merci pour l’article qui me l’a faite découvrir.



Oui, la fibre est indispensable, et il faut s’y mettre tout de suite. Et les arguments de la FIRIP sont pertinents.



Après, tant mieux qu’ils viennent chatouiller la FFT là où ça fait mal, ça permettra un peu de faire avancer les choses. A suivre !