En mai dernier, deux parlementaires du groupe des Républicains avaient adressé un courrier à la présidence de la Commission européenne pour s’inquiéter des dispositions du projet de loi Renseignement. L'inquiétude est visiblement partagée par Frans Timmermans, vice-président de l’institution bruxelloise, au regard de la réponse qui vient de leur être apportée.
Le 4 mai dernier, l'eurodéputé Philippe Juvin et le député Thierry Solere ont saisi la Commission européenne pour leur faire part des (grosses) zones d’ombres du projet de loi français. « Nous considérons en effet qu’[il] contient des dispositions qui portent atteinte de façon particulièrement grave aux principes énoncés dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » écrivent-ils.
Quels principes ? Tout simplement ceux protégeant les données personnelles et la vie privée de chaque citoyen. Selon les rédacteurs de la missive, en effet, les outils déployés sont tout simplement disproportionnés aux objectifs affichés, spécialement la lutte contre le terrorisme. « L’installation de boites noires chez les fournisseurs d’accès (…) expose chaque citoyen européen vivant en France à voir ses données personnelles collectées, stockées et utilisées ». Ils torpillent au passage les autres finalités qui justifient les mesures de surveillances, rendant plus vive encore cette disproportion entre moyens et objectifs.
Un effritement de la séparation des pouvoirs
Tout aussi grave, « ce projet de loi conduit aussi à l’effacement de la séparation entre pouvoirs judiciaire et exécutif. En effet, alors que la protection des libertés individuelles est confiée par la Constitution au juge judiciaire, qui peut autoriser des surveillances justifiées, le projet de loi prévoit que des écoutes pourront, quasiment sans limites, être organisées par le pouvoir administratif placé sous le contrôle du Premier ministre ». Certes, le texte français prévoit bien un droit au recours par chaque administré devant le Conseil d’État, mais qu’« a posteriori, et dans l’hypothèse improbable où ils (…) seraient informés » d’une possible surveillance au-dessus de leurs épaules.
Au passage, ils dégomment l’absence de garde-fous « efficaces », fustigeant cette fameuse Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement jugée trop peu indépendante, d’autant plus que le projet multiplie les mesures exceptionnelles permettant au Premier ministre de s’affranchir de son avis préalable (voir notre actualité). Bref, tous les ingrédients seraient réunis pour « organiser les conditions de la mise en œuvre d’une surveillance de masse de la population. »
Des inquiétudes partagées en creux par la Commission européenne
Alors que le projet de loi est désormais à deux doigts d’être voté, la Commission européenne a répondu hier à leurs inquiétudes. Frans Timmermans, son vice-président n’a certes pas évoqué de long en large la situation française, avec une explication simple : « la Commission ne s’estime pas compétente pour commenter la législation nationale d’un État membre tant que la procédure intérieure n’est pas achevée, ni la loi en question adoptée ». Seulement, il l'admet déjà, sans le déluge habituel de précautions verbales, « ce projet de loi pourrait soulever d’importantes questions de droit. »
C’est l’interprétation faite par l’eurodéputé Philippe Juvin, contacté cet après-midi: « habituellement, la commission européenne est extrêmement prudente pour qualifier le droit d’un État membre. Là, je trouve que Frans Timmermans est assez affirmatif quand il nous dit que la loi pourrait générer des problèmes de compatibilité avec la charte des droits fondamentaux. Cela me fait dire qu’elle a une analyse pas très éloignée de celle que je partage avec Thierry Solère. »
Alors oui, la Commission européenne ne peut agir officiellement face à un projet de loi non encore publié mais l’eurodéputé l’assure : « je la ressaisirai une fois la loi promulguée, comme nous le suggère la lettre ». Que pourrait-il se passer après cette saisine ? « La Commission pourrait alors instruire et conclure à une contradiction avec la charte des droits fondamentaux. Dans une telle hypothèse, elle pourrait exiger une mise en conformité de la France, sous la menace d’une possible saisine de la Cour de Justice de l’Union européenne » nous résume Philippe Juvin, avant de conclure que « la Commission sert essentiellement à ce que les États membres ne fassent pas de bêtise. »
Commentaires (47)
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Si pour une fois l’europe peut apporter quelque chose…
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Il a des jours, comme ça, où l’on est finalement content que l’UE puisse mettre son nez dans les affaires des pays membres.
Même si ça nous emmerde le reste de l’année. Coucou la Grèce.
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Encore une fois, les libéraux de l’UE vont empêcher une politique française protectionniste " />
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Môssieur, vous êtes priés de ne sortir les trolls de compéte que les ‘dredis " />
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il s’échauffe pour demain. " />
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" /> fallait attendre que ca morde avant de le dire " />
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ouep … merci brubru, on verra bien si ça fait plouf …
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Cool, papa UE va expliquer au petit garçon France que jouer avec des fourmis c’est bien, mais que passer son temps à les observer toute la journée c’est malsain d’autant plus que les pauvres fourmis elles ont rien demandé et ça gêne un peu leurs libertés.
France, tu devrais plutôt trouver un moyen de gagner de l’argent de poche " />
#10
L’amicale des exégètes amateurs est en passe de devenir une multinationale " />
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Ils pourraient nous virer de l’Europe, comme on le fait avec la Gr… ah non, zut…
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Désolé, je suis un peu rouillé côté chasse aux gros gibiers " />
Je m’auto " />
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Si c’est que l’échauffement
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”…elle pourrait exiger une mise en conformité de la France, sous la menace…”
Rappelez moi, elle a exigé combien de fois avant que la garde à vue soit mise en conformité ?
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Mieux, on fera les faux rebelles en gesticulant et en arguant que l’UE n’a pas à s’immiscer dans les affaires des États.
Quand bien même on s’écrase quand il s’agit de libéraliser toujours plus l’économie ou quand la BCE fait tout pour écraser Syriza.
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He beee…
Même la Commission européenne y met son grain de sel, c’est pourtant bien les derniers à vouloir parler de droits à respecter.
[attention comparaison goldwin à la noix]
Là, c’est un peu comme si hilter venait prendre la défense des juifs et dire qu’on abusait un peu trop.
[/fin comparaison goldwin à la noix]
C’est pour dire à quel point la pilule est grosse et les droits violés par ce texte.
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Un groupe facebook qui lui est dédié ou un autre endroit pour rendre hommage?
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En parlant de surveillance, la conf’ en cours de Manhack à PSES est très intéressante " />
http://www.passageenseine.org/fr/live
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Y a pas à dire, le programme libre en trollerie est quand même plus sympa à suivre que le programme imposé sur certains sujets.
Je n’ai qu’une chose à dire “Môssieur ActionFighter” " /> le tout sans swordage en règle… C’est là qu’on voit qu’il y a un monde entre l’amateur et le professionel, qu’il y aura un avant et un après ActionFighter " />
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Point Godwin
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Il doit surement parler de motos. Je pense que c’était la comparaison bagnolesque, mais je ne connais pas les modèles dont il parle.
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Je jouis… " /> même si c’est rien n’est fait.
En attendant, imaginons que la commission et la France se retrouvent en procès devant la cour de justice européenne. Cela coûte un fric monstre notamment en France car il faut payer des avocats, des spécialistes pour défendre nos arguments.
Si on pouvait engager la responsabilité financière de ceux qui portent ces lois dès lors qu’ils savent qu’elles sont systématiquement contraires à des textes fondamentaux, on ferait beaucoup d’économies à tous les points de vue.
Je sais, je rêve.
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Ou bien leur mettre un permis un point : voter pour une loi inconstitutionnelle, deux points en moins. Une loi contraire à un traité européen, quatre points. Un traité ou une convention internationaux, six points.
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Surtout en changeant d’avatar pour qu’on ne le reconnaisse pas !
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Je soulignais l’erreur , à la sauce bbq, entre Godwin et GoLdwin " />
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la Cour Européenne de Justice n’a t-elle pas déjà été saisie ?
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À tous ceux qui croient que l’on peut exclure un pays de l’Union européenne : non, ça n’est pas possible. Seul un pays peut décider lui-même de quitter l’Union (et encore, seulement depuis le traité de Lisbonne), selon la procédure décrite à l’article 50 du Traité sur l’Union européenne (TUE).
Renseignez-vous avant de sortir des âneries. " />
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