Les avocats parisiens fustigent la loi sur la géolocalisation

Les avocats parisiens fustigent la loi sur la géolocalisation

Barreau gorille, disait Brassens

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

26/02/2014 6 minutes
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Les avocats parisiens fustigent la loi sur la géolocalisation

Fraîchement adopté par le Parlement, mais pas encore promulgué, le projet de loi sur la géolocalisation vient d’être sévèrement critiqué par le barreau de Paris, porte-parole des avocats de la capitale. Les professionnels estiment que ce texte contient des dispositions contraires à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui pourrait provoquer à l’avenir de nouveaux déboires juridiques - tels que ceux ayant conduit le législateur à travailler en urgence sur ce projet de loi. 

justice palais tgi paris

 

Après une lecture dans chaque chambre puis un accord trouvé en Commission mixte paritaire, le projet de loi de Christiane Taubira sur la géolocalisation a été définitivement adopté lundi par l’Assemblée nationale et le Sénat. Visant à combler la brèche ouverte en octobre dernier par la Cour de cassation, qui avait estimé que de telles mesures de surveillance en temps réel (via un téléphone portable, une balise posée sur un véhicule,...) constituaient « une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu'elle soit exécutée sous le contrôle d'un juge », ce texte devrait apporter une nouvelle base juridique aux opérations de géolocalisation ordonnées par les Parquets.

 

En l’occurrence, le législateur a souhaité donner au ministère public le pouvoir de décider de recourir « à tout moyen technique destiné à la localisation en temps réel, sur l’ensemble du territoire national, d’une personne, à l’insu de celle-ci, d’un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur », et ce selon plusieurs conditions. Tout d’abord, la personne visée devra être suspectée d’un crime ou d’un délit pénal ou douanier puni d'une peine d'au moins cinq ans de prison. Ce seuil pourra être abaissé aux délits punis d’au moins de trois ans de prison pour certains cas particuliers tels que les atteintes aux personnes ou l’évasion d’un prisonnier, ainsi que dans les cas de recherche de personne en fuite par exemple. D’autre part, au-delà d’un délai de 15 jours, le Parquet devra obligatoirement obtenir l’autorisation du juge des libertés et de la détention.

Une loi « porteuse d’insécurité juridique » selon le barreau de Paris

Mais dans un communiqué publié hier, le barreau de Paris vient de procéder à une descente en règle du texte adopté par le Parlement. L’analyse des avocats de la capitale est assez cinglante : cette loi est « porteuse d’insécurité juridique », dans la mesure où elle constitue « une atteinte grave à plusieurs principes constitutionnels au premier rang desquels figure la protection de la liberté individuelle ». Les professionnels considèrent même le texte comme « contraire aux droits constitutionnel et européen ».

 

Le barreau fait ainsi valoir qu’en confiant à un représentant du ministère public, et non à un juge, le soin de décider des opérations de géolocalisation - ne serait-ce que pour quelques jours, le législateur a mis au point un texte susceptible de faire subir de nouveaux déboires juridiques aux procédures qui pourraient bientôt être engagées sur cette base. « Le procureur de la République n’est pas, selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), une autorité judiciaire indépendante. En confiant à un magistrat non indépendant la réalisation d’opérations portant une atteinte grave à la liberté individuelle, à savoir des opérations permettant à tout moment et à leur insu la localisation en temps réel des personnes, l’article 1er de la loi méconnait l’article 66 de la Constitution » font ainsi valoir les avocats.

Un coup de semonce prédisant de potentielles censures à venir

Le seuil à partir duquel des mesures de géolocalisation pourront être décidées est lui aussi taclé, puisque présenté comme trop large, malgré le recadrage effectué en CMP sous l'impulsion du gouvernement. Cette fois, le barreau de Paris explique que « c’est l’exceptionnelle gravité et leur caractère organisé qui justifient que certaines infractions limitativement définies puissent faire l’objet d’une géolocalisation méconnaissant le respect de la vie privée ». Or ce recours doit selon les avocats être « strictement nécessaire, c'est à dire, au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, justifié au regard de la gravité des infractions visées ». D’après eux, le projet de loi sur la géolocalisation va au-delà des limites ainsi fixées. « La localisation en temps réel pour les délits d’atteinte aux personnes punis de plus de 3 ans d'emprisonnement » est d'ailleurs décrite comme « disproportionné[e] au regard de l’atteinte grave portée au respect de la vie privée des individus ».

 

Mais alors, que faire ? D’après Pierre-Olivier Sur, bâtonnier de Paris, « il suffirait d’appliquer les textes existants en rétablissant le rôle du juge des libertés et de la détention qui, seul, car parfaitement indépendant, doit pouvoir autoriser en amont et contrôler en aval la procédure de géolocalisation ». L’ASIC, l’association des géants du Net, avait elle aussi plaidé pour une telle mesure avant l’examen du texte au Parlement. Plusieurs parlementaires, notamment écologistes, s’étaient eux aussi positionnés de la sorte durant les débats. En vain.

Le Conseil constitutionnel n'a toujours pas été saisi

Ce coup de semonce de dernière minute fait surtout figure d’avertissement. Sauf surprise, le projet de loi devrait être déféré devant le Conseil constitutionnel avant d’être promulgué par le président de la République. Christiane Taubira, la Garde des Sceaux, avait ainsi annoncé durant les débats qu’elle souhaitait que le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat saisisse les « Sages » de la Rue Montpensier afin que le juge se prononce sur la conformité du texte à la Constitution. Cela permettrait soit de retoucher le texte avant son entrée en vigueur - s’il était censuré, soit d’éviter à l’avenir tout retoquage résultant d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cependant, ni le président de l’Assemblée nationale, ni celui du Sénat, n’ont pour l’heure fait savoir qu’ils suivraient ce souhait de la ministre de la Justice.

Écrit par Xavier Berne

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Une loi « porteuse d’insécurité juridique » selon le barreau de Paris

Un coup de semonce prédisant de potentielles censures à venir

Le Conseil constitutionnel n'a toujours pas été saisi

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Commentaires (24)


Si les avocats fustigent cette loi, c’est parce qu’on pourra condamner plus rapidement leurs clients pédonazis.

C’est donc une bonne loi. <img data-src=" />


trop gros et un mercredi, flag <img data-src=" />


Bon sang, mais que fait la CNIL ! C’est pas son boulot ? <img data-src=" />


Bon, en même temps, c’est un projet Taubira : depuis la Guadeloupe jusqu’à ses projets de loi, tout ce qu’elle touche se transforme en merde.



Quelqu’un doutait-il qu’elle pourrait nous pondre autre chose qu’une loi totalitaire ?



Le fait que le Sénat et l’Assemblée n’aient pas saisi le CC montre juste leur inutilité.



=&gt; IL FAUT EN FINIR AVEC LE CUMUL DES MANDATS !

Il faut du sang neuf et des idées fraîches aux commandes…


Bon voilà, là on a de vrais arguments contre cette loi, ça change du “bouuh on nous espionne c’est pas bien” <img data-src=" />








Jarodd a écrit :



Bon voilà, là on a de vrais arguments contre cette loi, ça change du “bouuh on nous espionne c’est pas bien” <img data-src=" />





arguments qui reviennent au même dans une certaine mesure (le “bouuh on nous espionne sans contrôle” équivalant au “c’est contre la constitution”)









mistigrite a écrit :



Si les avocats fustigent cette loi, c’est parce qu’on pourra condamner plus rapidement leurs clients pédonazis.

C’est donc une bonne loi. <img data-src=" />







Enfin quelqu’un qui a un peu de bon sens <img data-src=" />



Le pire avec ce genre de truc:

C’est que cela n’empêche pas l’état de nous espionner à notre insu.

Cela alourdit simplement les procédures administratives lorsqu’il s’agit de géolocaliser une personne suspecte dans une affaire.

La belle affaire !


MDR le sous-titre !!








Chloroplaste a écrit :



Le pire avec ce genre de truc:

C’est que cela n’empêche pas l’état de nous espionner à notre insu.

Cela alourdit simplement les procédures administratives lorsqu’il s’agit de géolocaliser une personne suspecte dans une affaire.

La belle affaire !







Ben comme ça la géolocalisation peu être mise dans le dossier et ça devient une preuve



bon à part ça …



Mistigrite : “Si les avocats fustigent cette loi, c’est parce qu’on pourra condamner plus rapidement leurs clients pédonazis. C’est donc une bonne loi.”



Toi tu en tiens une couche ! cette disposition va dans le même sens que la loi de programmation militaire et de proche en proche et avec des justifications de ce genre sans oubli le célèbre “si vous n’avez rien a cacher”, ils va plus nous rester grand chose à préserver de nos vies privées (mais comme le disais Vint Cerf “la vie privée est une anomalie”) <img data-src=" />…








mistigrite a écrit :



Si les avocats fustigent cette loi, c’est parce qu’on pourra condamner plus rapidement leurs clients pédonazis.

C’est donc une bonne loi. <img data-src=" />





Bah… autant supprimer les avocats, alors, ça ira encore plus vite (RVLF2 style).



Par contre, j’ai cru comprendre que la cours de cassation s’était retranché derrière la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour justifier l’illégalité des procédures de géolocalisations utilisé dans les enquêtes jusqu’à présent. Si une loi nationale légalise ces procédures, ne va-t-elle pas, par nature, à l’encontre de la CEDH ?



La garantie d’une procédure équitable c’est un juge indépendant et certainement pas le parquet qui lui est aux ordres. C’est bien sûr un texte liberticide et on va encore se faire taper sur les doigts par Bruxelles.








Jarodd a écrit :



Bon voilà, là on a de vrais arguments contre cette loi, ça change du “bouuh on nous espionne c’est pas bien” <img data-src=" />







j’hésite entre “mouarf !” et “doh !”



La pêche au troll marche bien aujourd’hui.<img data-src=" />









rafununu a écrit :



La garantie d’une procédure équitable c’est un juge indépendant et certainement pas le parquet qui lui est aux ordres. C’est bien sûr un texte liberticide et on va encore se faire taper sur les doigts par Bruxelles.







Boarf, une condamnation de plus ou de moins…



C’est pas comme si on était en crise financière, qu’on avait plus d’argent dans les caisses.

Jeter quelques (dizaines de) milliards, on peut out à fait se le permettre…






Rien ne vous oblige à voyager avec un smartphone, une tablette ou un GPS, na ! <img data-src=" />



Moi, je mets mon smartphone en mode avion <img data-src=" /> (ça c’est la liberté)








tomcat a écrit :



Toi tu en tiens une couche ! cette disposition va dans le même sens que la loi de programmation militaire et de proche en proche et avec des justifications de ce genre sans oubli le célèbre “si vous n’avez rien a cacher”, ils va plus nous rester grand chose à préserver de nos vies privées (mais comme le disais Vint Cerf “la vie privée est une anomalie”) <img data-src=" />…





Pourquoi ? T’as des trucs pas nets à cacher ? <img data-src=" />





./shutdown.sh










2show7 a écrit :



Rien ne vous oblige à voyager avec un smartphone, une tablette ou un GPS, na ! <img data-src=" />



Moi, je mets mon smartphone en mode avion <img data-src=" /> (ça c’est la liberté)





+1,

Et si quelqu’un m’appelle (quand le téléphone n’est pas en mode avion), je ne me sens pas obligé de décrocher. C’est aussi la liberté.









2show7 a écrit :



Moi, je mets mon smartphone en mode avion <img data-src=" /> (ça c’est la liberté)









  1. Autoriser l’utilisation des téléphones dans les avions.

  2. Supprimer le mode avion dans les smartphones.

  3. Espionner tout le monde, tout le temps.

  4. \o/



    La première étape, c’est pour cette année. <img data-src=" />









Goldoark a écrit :



Bon, en même temps, c’est un projet Taubira : depuis la Guadeloupe jusqu’à ses projets de loi, tout ce qu’elle touche se transforme en merde.



Quelqu’un doutait-il qu’elle pourrait nous pondre autre chose qu’une loi totalitaire ?



Le fait que le Sénat et l’Assemblée n’aient pas saisi le CC montre juste leur inutilité.



=&gt; IL FAUT EN FINIR AVEC LE CUMUL DES MANDATS !

Il faut du sang neuf et des idées fraîches aux commandes…







Le non cumul des mandats ?

Ce n’était pas une promesse non tenue de l’ami grolandais ça ?









fitfat a écrit :



Par contre, j’ai cru comprendre que la cours de cassation s’était retranché derrière la Convention Européenne des Droits de l’Homme





Pourquoi “retranchée” ?



Elle se planque pas, la Cour de cassation <img data-src=" />









Goldoark a écrit :



=&gt; IL FAUT EN FINIR AVEC LE CUMUL DES MANDATS !

Il faut du sang neuf et des idées fraîches aux commandes…







Ca passerera jamais, les vieux au pouvoir ne voteront jamais une loi qui va diminuer leur salaire mirobolant pour dormir à l’assemblé.





A mon avis, un de ces jour ca va péter dans la rue, oui en france, guerre civil etc, comme dans les différente révolution qu’on a vu ces dernières années ( ukraine ? ), et ce jour la les choses changeront, pas avant c’est impossible, ils sont bien trop occupé à planquer leur argent ou aider “ les copains du lobby ” .












Jarodd a écrit :



Bon voilà, là on a de vrais arguments contre cette loi, ça change du “bouuh on nous espionne c’est pas bien” <img data-src=" />







ouais c’est “bouh c’est pas bien, on nous espionne, pour des prunes, sans contrôle” <img data-src=" />



Cela permet juste de pouvoir refaire de la geoloc en préliminaire et en flagrance, ce qui était suspendu depuis l’arrêt de la CC.



Après, la décision d’un JLD sur requête du proc, pourquoi pas, si ça peut calmer les avocat parisiens. Le résultat sera le même.



C’est quand même mieux de faire apparaitre le balisage officiellement en procédure que de se livrer au balisage sauvage.



Cette loi n’est pas liberticide, elle vient encadrer une pratique qui, sans nouvelle loi, aurait conduit les enquêteurs à faire n’importe quoi, ou à ne rien faire, au détriment des victimes.