Rémunération des musiciens sur Internet : les précisions de la SPEDIDAM

Rémunération des musiciens sur Internet : les précisions de la SPEDIDAM

Gestion collective, licence globale, etc.

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Nil Sanyas

Publié dans

Internet

16/09/2013 8 minutes
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Rémunération des musiciens sur Internet : les précisions de la SPEDIDAM

La semaine passée, la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM), annonçait que la Cour de cassation avait rejeté son pourvoi contre la décision de la Cour d’appel de Paris, qui avait considéré l'an passé que l’autorisation donnée aux producteurs par les artistes pour la vente de disques (CD, DVD, etc.) intégrait également celle pour le téléchargement. Nous avons interrogé la SPEDIDAM pour en savoir plus.

   Musique Musicien Morguefile
Source : Morguefile. 

Une cession des droits « organisée au bénéfice des producteurs »

Cela fait maintenant plusieurs années que la SPEDIDAM se bat pour améliorer la rémunération des artistes-interprètes (musiciens principalement, mais aussi chanteurs, choristes, danseurs, etc.) qui accompagnent les autres artistes, notamment vis-à-vis de la vente de leurs titres sur internet. Alors que depuis le début des années 2000, l'industrie du disque a pointé le téléchargement illégal comme étant la source de sa chute, faisant passer le message via divers artistes grand public, la question de la rémunération de ces derniers a rarement été abordée. Pourtant, entre le début de la crise il y a une dizaine d'années et aujourd'hui, l'offre légale de musique s'est particulièrement développée, générant des milliards d'euros dans le monde. Mais pour la SPEDIDAM, qui représente les artistes, ce succès du téléchargement légal n'a aucune importance dès lors qu'il ne profite qu'aux producteurs et à une minorité d'artistes reconnus. Les autres, les plus petits, ne touchent ainsi pas un centime de ce qui se vend sur la toile.

 

L'échec de la SPEDIDAM au niveau judiciaire est donc un problème majeur à ses yeux. Afin de mieux comprendre, nous avons interrogé Xavier Blanc, le directeur des affaires juridiques et internationales de la société de perception. Nous avons tout d'abord souhaité savoir quelle était précisément la situation du côté du contenu des contrats signés par les artistes vis-à-vis des ventes sur Internet.

 

Xavier Blanc nous a ainsi expliqué que « depuis un accord collectif signé par certains syndicats d’artistes et les syndicats de producteurs de disques, la cession des droits exclusifs des artistes a été organisée au bénéfice des producteurs. C’est dans cet accord même qu’est prévu que par le paiement du seul cachet d’enregistrement (salaire), les artistes sont rémunérés pour leur travail, pour l’exploitation sur supports physiques et surtout pour toutes les exploitations interactives de leurs enregistrements, avec ou sans téléchargement. »

« Les seuls artistes qui ne sont pas dans cette situation sont les artistes vedettes »

Afin de changer cette situation, la SPEDIDAM a « engagé un contentieux pour obtenir l’annulation de cet accord ». Ce contentieux est d'ailleurs toujours en cours. Mais tous les artistes sont-ils concernés ? Non, mais ceux qui tirent leur épingle du jeu sont bien une minorité : « les seuls artistes qui ne sont pas dans cette situation sont les artistes vedettes, ou disposant d’une notoriété suffisante pour négocier un pourcentage de royalties sur l’exploitation de leurs enregistrements, soit une infime minorité. L’exploitation à la demande sur Internet est ainsi tout sauf juste et équitable. L’argent versé pour les sites commerciaux ne va donc pas, à quelques rares exceptions près, aux artistes interprètes. »

 

Nous avons ensuite abordé la question lesgislative. Les demandes de la SPEDIDAM ayant été rejeté tour à tour par les diverses cours françaises, la société compte bien atteindre son but en passant par le Parlement. Xavier Blanc nous a ainsi rappelé que la société « a déjà fait plusieurs propositions législatives ». Des propositions qui consistent à « distinguer clairement, dans la loi, le droit de distribution sur supports physiques de la mise à la disposition à la demande par téléchargement. Les textes européens et internationaux qui s’imposent à la France distinguent ces deux exploitations, la loi française ne le fait pas » a ainsi fait remarquer le directeur des affaires juridiques. D'ailleurs, ce dernier nous a fait remarquer que si en France, ses plaintes se sont soldées par des échecs, « une plainte a été transmise par la SPEDIDAM à la Commission Européenne. Son examen est en cours. » Une information qui correspond aux annonces de la société de l'année dernière.

 

Xavier Blanc nous précise que « la mise à la disposition à la demande, notamment, mais pas exclusivement dans le domaine musical, est réalisée en France par des mécanismes contractuels et  commerciaux qui excluent les artistes interprètes de ces exploitations. Les producteurs se font céder ce droit d’exploiter par les artistes interprètes pour une rémunération forfaitaire, dans le cachet versé pour l’enregistrement et l’exploitation sur supports matériels, et les artistes ne perçoivent aucune rémunération pour le téléchargement ou le streaming. Seules les vedettes évitent ces cessions forfaitaires et parviennent à négocier un pourcentage sur l’exploitation de leurs enregistrements. »

Une « gestion collective obligatoire (qui) permettrait de simplifier la situation »

Pour que la situation tourne en faveur des artistes, la SPEDIDAM espère donc passer par la loi. « Le législateur, sauf à pérenniser un internet injuste, inéquitable et contrôlé par l’industrie aux dépens du public et des artistes, doit intervenir » expliquait ainsi la société la semaine passée. Elle précisait alors qu'elle souhaitait que les exploitations sur Internet des œuvres de ses artistes fassent l’objet d’un guichet unique, représentant à la fois les droits des artistes interprètes et ceux des producteurs.

Sur ce sujet, Xavier Blanc nous a précisé qu'il s'agit d'un « mécanisme de guichet unique, qui délivrerait les autorisations tant au nom des artistes interprètes et des producteurs aux utilisateurs, gérant ensemble une société de gestion collective. Cette gestion collective obligatoire permettrait de simplifier la situation des utilisateurs, de permettre aux petits producteurs d’avoir leur répertoire exposé et disponible et aux artistes interprètes de recevoir une rémunération. »

 

Mais sur ce point, la SPEDIDAM n'est guère optimiste dès lors que le rapport Lescure a plutôt pris un chemin inverse. « C’est le contraire de ce que propose le rapport Lescure, qui prévoit renforcer la domination des producteurs phonographiques en sécurisant entre leurs mains la cession des droits des artistes interprètes, sans gestion collective de ces droits. »

 

 

Le 16 mai dernier, nous avions d'ailleurs publié un entretien avec Jean-Paul Bazin, le directeur général gérant de la SPEDIDAM, qui ne cachait pas sa déception suite au rapport Lescure. « Les propositions de la mission Lescure, telles qu’elles sont présentées, sont défavorables aux artistes-interprètes. Par exemple, les modalités de la gestion collective obligatoire préconisée par Pierre Lescure visent à confier à des syndicats professionnels la négociation des droits de propriété intellectuelle. On va donc se retrouver dans une situation où l’on va avoir des syndicats représentant les employeurs et les salariés qui vont discuter des modalités de cette gestion collective » résumait-il. Ci-dessus, une vidéo réalisée par la société et publiée en juillet dernier aborde d'ailleurs aussi ce sujet.

La licence globale pour les échanges non commerciaux

Enfin, la gestion collective et le guichet unique ne sont pas les seules propositions de la société de perception. Xavier Blanc nous a ainsi réaffirmé que « pour les échanges non commerciaux, la SPEDIDAM maintient sa proposition déjà ancienne de licence globale ». Une proposition qui date de près de dix ans déjà pour la société. Jean-Paul Bazin nous expliquait d'ailleurs il y a quatre mois que ceux qui étaient opposés à cette licence globale « n’ont pas compris qu’il n’y avait pas d’autre solution et que pendant ce temps là, on ne perçoit rien ! C’est aussi le rôle de la mission Lescure de prendre des décisions et de chercher un consensus. En l’occurrence, on sait aujourd’hui que les majors et les labels indépendants sont contre, de même que les éditeurs. Les producteurs de films sont également contre... Ils s’accrochent à l’idée qu’ils pourraient endiguer le phénomène des échanges non-marchands par la répression. »

 

Seule bonne nouvelle aux yeux de la SPEDIDAM, un peu seule dans le monde artistique à appuyer la licence globale, le rapport Lescure a tout de même abordé le sujet et a même insisté sur le fait de continuer de discuter. « La porte n’est donc pas totalement fermée sur cette proposition. Nos arguments ne sont pas passés parce que certaines structures puissantes restent farouchement opposées à la licence globale, mais commencent à réfléchir : il n’y a pas de solution de remplacement, et pendant ce temps-là, l’argent ne rentre pas. » 

 

Le 5 décembre dernier, Xavier Blanc abordait d'ailleurs la licence globale lors du colloque de la SPEDIDAM, et le discours n'a depuis pas changé.

 

 

Écrit par Nil Sanyas

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Sommaire de l'article

Introduction

Une cession des droits « organisée au bénéfice des producteurs »

« Les seuls artistes qui ne sont pas dans cette situation sont les artistes vedettes »

Une « gestion collective obligatoire (qui) permettrait de simplifier la situation »

La licence globale pour les échanges non commerciaux

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Commentaires (9)


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fullsun a écrit :



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C’est EXACTEMENT ça !



D’un côté les mafieux et de l’autre, les artistes et leurs fans.





Sur ce sujet, Xavier Blanc nous a précisé qu’il s’agit d’un « mécanisme de guichet unique, qui délivrerait les autorisations tant au nom des artistes interprètes et des producteurs aux utilisateurs, gérant ensemble une société de gestion collective. Cette gestion collective obligatoire permettrait de simplifier la situation des utilisateurs, de permettre aux petits producteurs d’avoir leur répertoire exposé et disponible et aux artistes interprètes de recevoir une rémunération. »





Hop hop hop, pourquoi obligatoire? Si aujourd’hui la sacem nous gonfle, on fonctionne autrement (sous licence libre, avec nos propres contrats). Je veux pas qu’on vienne m’expliquer quoi faire de ma diffusion, que j’adhère à cette idée ou pas.




Jean-Paul Bazin nous expliquait d’ailleurs il y a quatre mois que ceux qui étaient opposés à cette licence globale « n’ont pas compris qu’il n’y avait pas d’autre solution et que pendant ce temps là, on ne perçoit rien !





Enfin un mec qui comprend quelque chose aux affaires et au monde numérique dans lequel on vit !! Ils en auraient brassé de la thune depuis 10 ans s’ils avaient mis ça en place dès le début.


A toujours vouloir taper sur un bouc émissaire, on laisse filer les vrais coupables <img data-src=" />








dieudivin a écrit :



A toujours vouloir taper sur un bouc émissaire, on laisse filer les vrais coupables <img data-src=" />





quand c’est le “vrai coupable” qui tend un doigt accusateur sur une cible bien pratique (le vilain pirate, qu’on imagine jeune, riche de son réseau de malfrats, asocial alors qu’il s’agit d’un charpentier cinquantenaire - l’un des rares à être condamné et donc reconnu officiellement comme pirate) les dés sont un peu pipés quand même



On finirait presque par croire que cette société de gestion défendrait les artistes…



J’ai failli pleurer tellement ça pouvait paraitre crédible comme discours ! <img data-src=" />








goodwhitegod a écrit :



… et leurs fans.





<img data-src=" /><img data-src=" />Je leur fait confiance pour essayer de me mettre un doigt dès que l’occasion se présentera.<img data-src=" />



Le plus amusant est le discours a deux vitesses des producteurs.



Internet et le numerique representent un “support” a part entiere quand il s’agit de faire voter des lois ou des accords d’exception leur profitant, justifiant la “fouille” des paquets, la censure sans controle, la presomption de culpabilite et j’en passe.



Mais quand il s’agit d’interpreter des accords avec les artistes, le dematerialise est un “support” comme un autre, justifiant que tout accord passe concernant un support “normal”, materiel, s’applique aussi bien a Internet.



La Spedidam n’a pas toujours des arguments corrects, mais nous sommes du meme cote quand il s’agit de denoncer l’hypocrisie des producteurs.