Baromètre 2019 de la science ouverte : 49 % des publications en accès libre, en progression

Baromètre 2019 de la science ouverte : 49 % des publications en accès libre, en progression

Et donc toujours plus de 51 % en accès fermé

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Sébastien Gavois

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Sciences et espace

28/01/2020 6 minutes
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Baromètre 2019 de la science ouverte : 49 % des publications en accès libre, en progression

En 2018, 49 % des publications scientifiques françaises ont fait l'objet d'un accès ouvert, contre 50 à 51 % en 2016 et 2017. Alors que l’on pourrait croire à une petite baisse, c’est tout le contraire. Pour le comprendre, il faut prendre le temps de se plonger dans les chiffres.

Le Systèmes d’information et études statistiques (SEIS) du ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation vient de publier son baromètre de la science ouverte de décembre 2019 (les données en open data).

Un document important, qui permet non seulement d’avoir une vision globale de l’état des publications scientifiques françaises, mais aussi d’actualiser les données des années précédentes (de 2013 à 2017). Il existe pour rappel deux méthodes pour l'accès ouvert à la science : un hébergement chez l'éditeur ou sur archive ouverte.

L’accès à la connaissance « peut sauver des vies »

Il s'agit d'un enjeu important, permettant une meilleure diffusion des connaissances – aussi bien entre chercheurs que pour chacun – en accédant aux publications sans avoir besoin de payer une (très) chère licence aux gros éditeurs comme Elsevier, Spinger Nature, Wiley Blackwell's et Taylor & Francis. 

Data Gueule résumait assez bien la situation dans une vidéo publiée en 2016. Marin Dacos, conseiller scientifique pour la science ouverte auprès du directeur général de la recherche y déclairait :

« En open access on pourrait fluidifier considérablement la circulation de la connaissance, ce qui peut sauver des vies. Il faut bien comprendre qu'on met en danger la société puisqu'elle ignore ce qu'elle a produit comme connaissance. On peut parler d'Ebola où on comprend qu'il faut aller vite, mais on peut parler de la crise de l'euro, de l'épidémie de la vache folle... On a besoin de toute la connaissance scientifique pour produire des solutions rapidement ».

Le gouvernement a déjà fait part de son intention d’arriver à « 100 % de publications scientifiques françaises en accès ouvert ». Le CNRS lui a emboité le pas en dévoilant sa feuille de route. Mais comme nous allons le découvrir dans ce baromètre, il reste encore beaucoup de travail pour y arriver puisqu’on tourne pour le moment autour de 50 % seulement.

49 % de publications en accès ouvert, mais le temps est un allié

Selon les chiffres de décembre 2019, 74 996 publications scientifiques de 2018 avec « une affiliation française » sont en accès ouvert sur un total de 154 478, soit 49 % de l’ensemble. Si on remonte un an en arrière, 41 % des publications de 2017 étaient en accès ouvert fin 2018. À périmètre constant, 2018 fait donc 8 points de mieux que 2017.

Mais le processus de « libération » a continué durant l’année écoulée, augmentant donc sensiblement le nombre de publications de 2017 (et des années précédentes) disponibles en accès libre fin 2019. Désormais, pas moins de 51 % des articles scientifiques de 2017 sont ainsi en accès libre, soit 10 points de plus en un an seulement.

Cette tendance est plus ou moins la même sur les années précédentes :

  • 2013 : 45 % des publications sont ouvertes, +5 points sur un an
  • 2014 : 45 % des publications sont ouvertes, + 4 points sur un an
  • 2015 : 47 % des publications sont ouvertes, + 6 points sur un an
  • 2016 : 50 % des publications sont ouvertes, + 7 points sur un an
  • 2017 : 51 % des publications sont ouvertes, + 10 points sur un an
  • 2018 : 49 % des publications sont ouvertes 

Si on peut se réjouir d’une croissance à deux chiffres sur 2017, elle est bien plus limitée les années précédentes : « il est à noter que cette progression est d’autant moins forte que les publications sont moins récentes (seulement +5 points d’ouverture pour les publications de 2013 par exemple). En effet, pour les publications récentes, l’ouverture chez l’éditeur (notamment via l’expiration de barrières mobiles) explique la majeure partie de la progression et vient se cumuler avec le dépôt sur archives ouvertes. Inversement, pour les publications plus anciennes, l’ouverture se fait presque uniquement via le dépôt sur archives ouvertes », explique le rapport.

baromètre de la science ouverte 2018baromètre de la science ouverte 2018

Les mathématiques dominent

Si l’on s'attarde sur les détails des publications par discipline, on remarque que trois groupes se forment : le trio mathématiques, biologie fondamentale et sciences physiques/astronomie arrive en tête du classement avec respectivement 71 %, 62 % et 59 %, viennent ensuite l’informatique et la science de la terre/écologie à 50 % et 49 % puis la chimie, la recherche médicale, les sciences humaines, sociales et de l’ingénieur entre 37 % et 42 % seulement.

Le rapport note une autre tendance : « Ces disparités d’ouverture s’accompagnent de disparités dans les modes d’hébergement des publications en accès ouvert : par exemple, en mathématiques ou en informatique, l’ouverture se fait majoritairement grâce au dépôt sur archives ouvertes, tandis qu’à l’inverse, en recherche médicale ou en biologie fondamentale, l’ouverture se fait principalement chez l’éditeur, avec parfois aussi un dépôt parallèle sur archives ouvertes ».

Parfois, il s’agit davantage d‘un problème de « mentalité » et d’habitude que de volonté des chercheurs. Nous en reparlerons prochainement. Quoi qu'il en soit, le baromètre s’attarde également sur les publications de 2017 avec deux mesures comparatives : le taux d’articles en accès ouvert mesuré par discipline fin 2018 et celui à fin 2019.

En un an, « la hausse globale [de 10 points, ndlr] est surtout portée par la recherche médicale (+13 points) et la biologie fondamentale (+12 points) par effet mécanique dû au volume de publications, d’autres disciplines comme les Sciences humaines (+8 points) et sociales (+13 points) voient aussi leurs taux d’accès ouvert continuer à progresser. Pour ces disciplines, la progression est surtout portée par l’hébergement chez l’éditeur. La hausse est aussi marquée en Chimie (+11 points), cette fois principalement grâce au dépôt sur archives ouvertes (9 points sur 11) ».

baromètre de la science ouverte 2018baromètre de la science ouverte 2018 

Aller plus loin que les publications scientifiques

Si les chiffres sont encourageants puisque la science ouverte progresse, il reste néanmoins beaucoup de travail avant d’arriver à l’objectif affiché de 100 %. Comme nous l’avons vu, le temps joue en faveur de la science ouverte, mais les choses bougent assez peu pour les publications ayant déjà quelques années.

De plus, le baromètre ne s’intéresse pour le moment qu’aux seules publications scientifiques, mais « l’extension du périmètre à d'autres types d'objets (données de la recherche et logiciels notamment) est à l'étude », précise le ministère de lʼEnseignement supérieur et de la Recherche. Aucun calendrier n’est par contre donné.

Libérer les données et les logiciels est en effet presque aussi important que laisser librement accessible de tels articles.

Écrit par Sébastien Gavois

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

L’accès à la connaissance « peut sauver des vies »

49 % de publications en accès ouvert, mais le temps est un allié

Les mathématiques dominent

Aller plus loin que les publications scientifiques

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (20)


Si nos tutelles nous payent les frais de publication en accès libre qui sont très importants, on y va!

 


Question très conne, mais vous n’avez pas le droit de publier sur HAL si vous publiez ailleurs ?

https://hal.archives-ouvertes.fr/



Dans ce cas le soucis ce ne serait pas ça ?



Car de ce que j’ai compris … l’état paie pour la recherche, paie pour la publication, paie pour la “review” et doit encore payer pour que ce soit libre ?



Faudrait vraiment que l’Europe s’attaque à ce système …


Nous publions nos travaux dans des journaux scientifiques (en open accès ou pas) après peer review, et parallèlement, l’Inserm nous oblige à les déposer dans HAL qui est en open accès.


De ce que j’ai compris, la publication est nécessaire pour confronter le résultat de sa recherche à ses pairs.



Mais est ce que le fait de le déposer dans HAL ne vaux pas publication finalement ?



Il me semblait que ce système avait été mis en place pour s’affranchir des revues qui se gavent sur le travail des chercheurs.


Donc je ne comprends pas les frais de publication en accès libre. Si vous le mettez dans HAL c’est une publication en accès libre non ?



A moins qu’il n’y ait des frais pour publier dans HAL … (j’y connais vraiment rien)

 


Dans mon domaine, pour qu’une publication compte, c’est dans un journal avec revue par les pairs et de catégorie A (référencé dans WoS ou Scopus).

Donc “publier” sur HAL uniquement, ne sert à rien. Au contraire, ça nous empêcherait de publier ces recherches dans un autre journal…

Sur HAL on peut déposer des version de travail (prépublication) d’un article déjà publié dans un journal (voir plus, ça dépends de ce qu’autorise l’éditeur du journal).


Non malheureusement HAL n’est qu’un dépôt, pas une revue avec relecture.

Donc impossible de faire valider ses travaux sur HAL (même si en théorie ce serait facilement faisable puisque ceux qui effectuent la relecture ce sont les scientifiques et ceci gratuitement donc…)



Et comme Mihashi, certains éditeurs apprécient peut le fait que l’on dépose simultanément un article chez eux et sur HAL. Et même si légalement ils ne peuvent rien, on se retrouve souvent à ne plus pouvoir publier chez eux… (lorsque le cas se présente ils n’hésitent d’ailleurs pas à nous menacer par mail, de façon plus ou moins directe).





Reste que transformer HAL en journal avec peer review (sous la gouvernance de collèges scientifiques élus pour chaque domaine par exemple) ce serait génial…

Surtout que la France à (encore) les reins assez solides niveau science pour se le permettre !


C’est aberrant de voir que la médecine fait partie des derniers dans la liste.

 

C’est quand même le sujet principal qui permet de sauver des vie comme dit dans l’article.








Mihashi a écrit :













Norde a écrit :











Merci <img data-src=" />



C’est un milieux très concurrentiel niveau publication scientifique.

(Oui oui en science on est à fond dans la concurrence… premier à publier = seul à recevoir les honneurs. Ce même si doubler les travaux est une formidable méthode de vérification)



C’est également un milieu avec beaucoup plus de moyens financiers (que ce soit financements public ou privés) donc si votre sujet d’étude fuite avant l’heure, un concurrent n’aura aucun mal (ni scrupule selon les labos) à mettre toute une équipe sur le sujet si ça a du potentiel.

&nbsp;

C’est d’ailleurs pour ça que certains labos préfèrent changer de sujet ou de modèle d’étude :

Trop de concurrence sur leur créneaux et ils ne peuvent pas suivre niveau moyen humains et/ou financiers.


Non, la publication dans HAL ne fait pas office de publication. Les travaux doivent être revus et validés par des pairs. Quand on soumet un article de recherche, l’éditeur du journal où on le soumet l’envoie à des collègues (pairs) partout dans le monde pour qu’ils lisent le manuscrit, le corrige et le critique pour l’améliorer et valider les résultats. Quand l’article n’est pas directement rejeté (insuffisance de résultats, résultats trop faible pour être publiés), les pairs demandent souvent des expériences complémentaires dans le but d’améliorer le manuscrit pour qu’il soit acceptable pour publication dans le journal. C’est tout un processus qui peut prendre jusqu’à 1-2 ans, suivant ce qui est demandé. Quand le manuscrit est renvoyé avec les corrections, il est validé et accepté (ou non) pour publication. Il sera donc publié dans le journal. Si ce dernier est en open accès, nous devront payer des frais de publications (plusieurs milliers d’euros). En parallèle, nous déposons le manuscrit dans HAL pour que toute la communauté scientifique puisse y avoir accès. Par contre, le dépôt dans HAL n’est pas soumis à validation par nos pairs.


Exactement, c’est marche ou crève! Il est hors de question de mettre en ligne un travail qui n’a pas été préalablement validé par nos pairs et accepté pour publication dans une revue scientifique internationale.&nbsp;


Pour transformer HAL en journal, ce serait utile de l’ouvrir à d’autres pays pour motiver les chercheurs à la pointe des domaines publiés à contribuer (on a les reins solides en France, mais il est mieux d’être reviewé par tous les cadors d’un domaine qu’ils soient Français ou pas).



A minima on pourrait essayer d’embarquer l’UE dans cette opération (on n’est pas les seuls avec des velléités d’ouverture), et peut être faire boule de neige avec d’autres pays.


Le systeme de FAME et de parution / creditation scientifique est juste tout bonnement nauseabond. Non seulement des nations payent de la recherche fondamentale pour que les resultats cette derniere soit bloquéss chez des privées, mais cela décourage aussi toute confrontation de résultat car, a moins d’une contre validation spectaculaire, cela n’apporterait rien au scientifique. Et au final, ce systeme encourage les fausses publications et les manipulations de resultats…



Quand les recherches scientifiques seront moins orientées sur l’objectif de paraitre un papier dans les grands journaux privées, on reparlera de la crédibilité et de l’ethique scientifique.


62% pour la biologie et 42 pour la médecine mais toujours pas de retour d’expérience sur le clonage d’embryons humains.



Je suis déçu. <img data-src=" />








dimounet a écrit :



Si nos tutelles nous payent les frais de publication en accès libre qui sont très importants, on y va!

&nbsp;





Exactement ! Il faut savoir que l’Open access ça a un prix. Et vu de l’extérieur, c’est vrai que le monde des publications scientifiques a de quoi dérouter : des chercheurs qui passent du temps à évaluer gratuitement les publications de leurs collègues qui ensuite vont se retrouver dans des revues à accès payant avec de quasi monopoles…



Je pensais à une première étape (qui serait déjà révolutionnaire en soit <img data-src=" />)



Mais oui, très clairement si un tel “HAL 2.0” existait il aurait vocation (et intérêt) à s’ouvrir à tous !


Exactement.

Et les nouvelles générations (encore plus les dernières de doctorant) n’en veulent pas…

&nbsp;

Pour ma part dans mon domaine c’est l’hécatombe des doctorant.

(il faut dire que travailler énormément pour un salaire ridicule avec une perspective de carrière ≈nulle uniquement basée sur la célébrité de ses encadrants/labo/papier/thématique, ça ne fait pas rêver grand monde… sans parler de la carrière, si carrière il y a, qui n’est guère plus reluisante).


C’est sur qu’un salaire de 1800 € pour bac + 8, ça ne fait pas rêver…


Si, les actionnaires de la recherche publique…

Pas d’emmerdes, le doctorant ne pourra pas former d’association politique trop occupé à regarder ailleurs, se déplacer trop souvent à des meetings, vivre de son travail car trop risqué en questions éthiques, puis morales, puis légales…



C’est fait exprès. Ce n’est pas un hasard si l’état finance la recherche publique : il s’agit seulement de ne pas permettre à un certain nombre d’acteurs tiers de prendre sa place.