Le projet de « taxe » sur le référencement d’images sur Google ou Bing

Le projet de « taxe » sur le référencement d’images sur Google ou Bing

Pas une taxe, une r.é.m.u.n.é.r.a.t.i.o.n. !

Avatar de l'auteur
Marc Rees

Publié dans

Droit

05/12/2019 6 minutes
21

Le projet de « taxe » sur le référencement d’images sur Google ou Bing

En juillet 2019, on apprenait au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) que le ministre de la Culture souhaitait « assurer la mise en œuvre effective » de la « taxe » (ou plutôt rémunération) sur Google Images et les services équivalents. Un projet de texte est prêt Rue de Valois. Next INpact le dévoile. 

Dans la lettre de mission révélée par Next INpact, Olivier Japiot, président du CSPLA, avait marqué sa volonté de rouvrir le chantier de cette ponction prévue par la loi Création du 7 juillet 2016.

Depuis, l’article L136-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit la « rémunération » des créateurs du secteur de l’image pour la reproduction et la représentation de ces œuvres dans les moteurs. Seul hic, le décret d’application n’a jamais été diffusé (en raison de fragilités juridiques). 

Heureusement, au sein de la toute récente directive sur le droit d’auteur, « divers dispositifs [visent] à renforcer la capacité des créateurs à être rémunérés par les plateformes numériques qui exploitent leurs œuvres », estime Olivier Japiot.

Le CSPLA a donc missionné l’inévitable professeur Pierre Sirinelli pour instaurer une gestion collective obligatoire, laquelle permet, comme déjà souligné, de prélever une dîme même sur l'indexation des images Creative Common.

En collaboration avec Sarah Dormont, maître de conférence à Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne, le professeur de droit a remis sa copie. En pratique, il prévoit cinq articles à ajouter dans la prochaine fenêtre de tir culturelle au Parlement.

Soumettre le référencement à l'autorisation de l'auteur

Le premier article définit ce qu’est un moteur de référencement d’images : tout site accessible au public « dans le cadre duquel sont techniquement reproduites et mises à la disposition du public, à des fins d'indexation et de référencement, des œuvres d'art plastiques, graphiques ou photographiques collectées de manière automatisée à partir de services de communication au public en ligne ».

Ceci posé, l’article suivant expose que ces sites réalisent « un acte de reproduction ou un acte de communication au public d’œuvres ou d’éléments protégés », soit la première brique avant une action en contrefaçon, sauf évidemment autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit. 

L'intervention d'une société de gestion collective

Du coup, le texte prévoit un régime de rémunération assis sur les recettes de l'exploitation (ou, à défaut, évalué forfaitairement), pris en main par une société de gestion collective. C’est en pratique elle qui viendrait autoriser ces actes de référencement et gérer ces sommes.

Dans cette ébauche, se niche un autre joli bonus : 

« Lorsqu’il conclut un accord de licence pour l'exploitation d'œuvres, conformément aux mandats donnés par ses membres, un organisme de gestion collective peut, en ce qui concerne l'utilisation sur son territoire et sous réserve des garanties prévues au présent chapitre, étendre, par l’effet d’une licence collective étendue, le contenu de cet accord pour qu’il s’applique aux titulaires de droits non membres de cet organisme ».

Une licence étendue aux oeuvres hors catalogue

En clair, la société de gestion collective pourrait étendre l’accord de licence aux œuvres de créateurs qui ne sont pas dans son catalogue. C’est le charme des licences collectives étendues.

Pour être en mesure de réaliser ce tour de passe-passe, la société de gestion collective devra avant tout être agréée par le ministère de la Culture, ce qui ne devrait pas être difficile.

Ensuite, elle devra s’assurer d’avoir pris les mesures de publicité suffisantes. Par cette alerte, les titulaires de droits hors catalogue pourraient « manifester leur volonté de ne pas être concernés par pareil accord ». Enfin, l’extension sera subordonnée « à l’absence de manifestation contraire de volonté de la part des titulaires de droits concernés mais non désireux de bénéficier de l’accord conclu ». 

Cette dernière mention permet théoriquement d'exclure les licences où un auteur a souhaité un large partage gratuit. Problème, ces licences ne sont pas toujours mentionnées au sein des métadonnées ou lors des reprises. D'ailleurs, le texte fait peu de place aux cas de référencement d'images de source illicite.

Les deux juristes prennent en tout cas soin de préciser que ces mesures de publicité seront effectives « sans qu'il soit nécessaire d'informer chaque titulaire de droits individuellement ». Soulagement des sociétés de gestion collective du secteur. 

Une fois agréé, l'heureux organisme pourra attribuer un agrément à Google Images, Bing Images et à n'importe quel autre moteur puisque aucune exclusion de principe n'est prévue.

Cet agrément dépendra de plusieurs critères : 

  • « De l’importance du répertoire de l’organisme et de la diversité de ses associés »
  • « De la qualification professionnelle des dirigeants »
  • « Des moyens humains et matériels que l’organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des œuvres d'art plastiques, graphiques ou photographiques par des services automatisés de référencement d'images »

Une rémunération « appropriée »

Pour parer à quelques risques d’abus, comme s’ils étaient imaginables, le projet prévoit que « tout organisme de gestion collective ayant conclu un accord ayant fait l’objet d’une extension est tenu d’assurer une égalité de traitement à l’ensemble des titulaires de droits représentés ». En somme, les œuvres en catalogue et celles hors catalogue devront être traitées de la même façon.

Mais bien entendu, les auteurs des œuvres les plus utilisées dans les moteurs pourront espérer une rémunération bien plus généreuse (est évoquée une « rémunération appropriée, tenant compte de l’importance de l’utilisation de leurs œuvres dans le cadre du service »). 

Pour faciliter ce travail quantitatif, Google ou Bing devra enfin « communiquer à l’organisme de gestion collective l’ensemble des informations pertinentes relatives à l’exploitation des œuvres permettant d’assurer la juste répartition des revenus entre les titulaires de droits ».

21

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Soumettre le référencement à l'autorisation de l'auteur

L'intervention d'une société de gestion collective

Une licence étendue aux oeuvres hors catalogue

Une rémunération « appropriée »

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Commentaires (21)


Merci pour l’article&nbsp;<img data-src=" />

&nbsp;

Les lobbys sont à l’oeuvre ! On croirait presque à une blague&nbsp;<img data-src=" />&nbsp;mais non en fait.


Déréférencement is coming !


Sauf que l’indexation peut être aisément refusée, donc autoriser (de soi-même) le référencement mais en réclamant un dû par la suite pour ce faire, c’est pervers :)

Peut-on parler d’exploitation de “l’œuvre” par Google images ? encore une fois, ce n’est qu’un relais, et de ce qui est publiquement accessible ; l’image du taxi auquel on demanderait de rémunérer les restaurateurs pour leur amener des clients me semble rester pertinente.

D’ailleurs, Google Images risque de réagir comme pour la taxe sur les liens / référencement de la presse, et simplement fermer les canaux sauf accord de gratuité, et derrière on les accusera encore de respecter la loi.


Une nouvelle usine a gaz est en gestion … pas très écolo tout ça <img data-src=" />


Ils ont pas compris le mouvement qu’à fait Google pour les articles de presse et espèrent qu’ils réagira différemment à une problématique législative similaire ?



Oups crameé…



Rha mais sérieux, leur loi bancale sur GNews ne leur a pas suffit ? Il va falloir qu’ils se plantent combien de fois avant qu’ils réalisent que peut-être c’est eux qui font de la m#rde …


C’est quoi déjà, la définition de la folie ? Répéter sans cesse la même action et à chaque fois espérer un résultat différent, c’est bien ça ?

Bon, ça peut marcher dans certains jeux vidéo, mais dans un cas comme ça la méthode scientifique me semble particulièrment appropriée. Et le résultat de l’expérience, c’est que ce type de lois fait doucement marrer les google and co.

Mais bon, dans un ministère, si les gens apprenaient de leurs erreurs, ça se saurait. Il faudrait peut-être leur demander réellement des comptes quand ce qu’ils pondent nous pète à la figure (à nous, contribuables, et jamais à eux, créateurs d’usines à gaz)


J’aime quand on pond une loi sur mesure pour promouvoir des intérêts particuliers contre l’intérêt général.


Pour être adepte des recherche google image, j’essaie en général d’atteindre au plus court l’image que Google référence.

Ainsi, soit je peux d’un clic droit obtenir l’image en format d’origine, ou bien arriver sur l’image sans passer par le site, je ne me gène pas.

Du coup, Google peut dans ces exemples ne pas être une porte d’entrée.



Généralement, ces sites semblent forcer l’ouverture d’une page, voire interdisent l’affichage de l’image seule. On peut donc supposer qu’ils n’apprécient pas vraiment cette pratique.


Google va supprimer toutes les images comme il a fait avec les articles de presse et basta et tout le monde sera perdant


J’ai lu plusieurs fois l’article et n’ai toujours rien compris, à part “taxe” <img data-src=" />

C’est quoi un catalogue d’image ? Je connait Getty, Flickr et qqes autres, mais ils sont tous hors France.


La question est : google miniaturise en temps réel l’image provenant du site ou garde-t-il la miniature en disque ?

Une miniature s’apparente elle à un titre de presse ? Pas simple…


Catalogue d’images : le même genre que Getty, mais géré sans publicité.

En gros en France, si tu souhaites vivre de ton art tu dois déposer tes œuvres à une société de gestion collective… qui se chargera de défendre (souvent très mal) les droits de tes œuvres.

Ici c’est la même idée mais serait crée une nouvelle taxe sur une défense que as éventuellement refusé…





(…) par l’effet d’une licence collective étendue, le contenu de cet accord pour qu’il s’applique aux titulaires de droits non membres de cet organisme ».





Un genre de pot commun du pot commun leur truc…








L’article a écrit :



dans le cadre duquel sont techniquement reproduites et mises à la disposition du public, à des fins d’indexation et de référencement, des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques collectées de manière automatisée à partir de services de communication au public en ligne





Est-ce qu’un lien constitue une reproduction?

En particulier, si Google Image indexe les images, mais que dans la page de résultat ils n’utilisent que des balises img pointant vers le site d’origine, est-ce que cela constitue une reproduction?





Sinon est-ce que quelqu’un a compris cette histoire d’opt-out?

En particulier, comment les droits liés à des images hors-catalogue sont-ils attribués? Est-ce que ça signifie que toutes les sociétés de gestion vont récolter de l’argent dessus? premier arrivé premier servi?

Dans le même esprit, si je souhaite publier des images libres de droits, je dois prendre contact avec toutes les sociétés de gestion pour m’assurer qu’elles m’ont bien exclu de leurs racket?





J’espère de Google et cie vont publier le détail de l’usage des images et de l’argent versé, et que d’autre part on obtiendra les données de comment c’est redistribué par ces sociétés de gestion.



Plutôt qu’une nouvelle version de la loi sur les articles de presses, c’est son croisement avec la SACEM (2.0) non ? “on représente tout le monde donc on collecte, c’est juste qu’o’ sait pas où payer alors on garde” ?


Google peut se défendre en faisant payer le référencement des images à leur propriétaire, qui doit surement leur apporter pleins de nouveaux visiteurs, il les verra le supplier de revenir à la situation initiale (et le robot.txt existe déjà si leur but est d’être invisible sur Internet) <img data-src=" />


Google sera taxé deux fois, non mais : une fois pour le référencement de l’image, une fois pour le titre de presse, voir une troisième pour le résumé de l’article <img data-src=" />


J’suis moins futé que ces pondeurs de taxes, mais plus y’a d’intermédiaire, moins l’artiste va toucher. <img data-src=" />


Mais quelle usine à gaz de malade qui vise encore un service d’indexation de Google sur lequel il n’y a pas de pub. Un service de plus qui va soit disparaître soit se transformer suffisamment pour “respecter” la loi. Bref, je prédis encore un échec monumental…



Il y a quelques semaines le gouvernement nous disait que Google News est méchant et qu’il allait payer une “juste rémunération” pour de l’indexation d’articles : résultats que dalle, la loi n’a servi qu’à caler le pied d’une table sur lequel vient d’être pondu cette loi sur les images…

&nbsp;Magnifique&nbsp;<img data-src=" />


Putain de vampires, je refuse qu’ils collectent le moindre centime sur mes images, c’est moi qui ai configuré le robots.txt en connaissance de cause.


On a surtout le paradoxe d’antériorité au ministère :

-T.zéro : Google indexe des images gratuitement

-T.1 : taxe pour rémunération des œuvres

-T.2/zéro (abrégé O.O”) : google est gratuit mais taxé, donc la taxe n’existe pas. Mais les cuillères en argent elles… <img data-src=" />