Fiscalité : Google risquait une amende théorique de 8,2 milliards d’euros

Fiscalité : Google risquait une amende théorique de 8,2 milliards d’euros

Le GESTE en PLS

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Marc Rees

Publié dans

Droit

02/10/2019 5 minutes
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Fiscalité : Google risquait une amende théorique de 8,2 milliards d’euros

Mi-septembre, Google signait une convention avec le parquet national financier. Elle acceptait de verser 500 millions d’euros pour mettre un terme au contentieux fiscal sur ses épaules. 500 autres millions sont prévus pour rattraper les impôts non payés. De fait, l'entreprise risquait une amende théorique beaucoup plus importante de 8,2 milliards d'euros. 

Cette mesure transactionnelle a été rendue possible par la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale. L’entreprise qui accepte le « deal » doit alors « se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l'Agence française anticorruption, à un programme de mise en conformité ». L’accord passé entre les autorités et le redevable éteint ainsi les poursuites sans pour autant emporter déclaration de culpabilité.

Lors de l’annonce, le parquet national financier avait indiqué que  la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), nom technique de cet accord, allait être publiée très prochainement sur le site de l’Agence française anticorruption. Ce document est désormais en ligne, comme nous avons pu le constater. Avec lui, on connait maintenant les ressorts de la procédure.

En 2012, la direction générale des finances publiques avait adressé à Google Ireland Ltd une proposition de rectification fiscale.

Un établissement stable en France, un impôt sur les sociétés éludé

Pourquoi ? La DGFIP estimait que l’entité disposait en France d’un « établissement stable ». Cette qualification avait pour effet de relocaliser dans nos frontières les revenus engrangés par la structure. En juin 2015, le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris a également déposé plainte devant le procureur de la République, cette fois pour défaut de souscription de déclarations à l’impôt sur les sociétés.

En avril dernier, la justice administrative déchargeait Google pour les exercices 2005 à 2010, expliquant que la structure ne disposait pas en France d’un tel établissement. La nouvelle enquête portant sur les exercices ultérieurs a révélé cette fois que les salariés de l’entité française « excédaient le cadre contractuellement défini » dans le contrat d’assistance marketing et commerciale passé avec sa sœur irlandaise.

Il est même apparu que Google France a joué un « rôle premier (...) dans les relations commerciales nouées avec Google Ireland LTD avec ses clients grands comptes situés en France ». Selon le procureur financier, elle a également effectué d’autres missions, toujours non prévues par l’accord contractuel. Toutes auraient dû être rémunérées par Google Irlande puis déclarées en France.

Dissimulation avec la complicité de Google Ireland LTD

En somme, en faisant plus que ce qui était prévu par le contrat d’assistance, Google France « a largement dépassé le cadre de simples prestations de service pour le compte de Google Ireland, mais s’est livrée à une activité commerciale auprès notamment de grands groupes de distribution en France », détaillait l’ordonnance de validation de la convention, rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 12 septembre dernier.

Conclusion des magistrats : « Google France s’est soustrait à l’établissement de l’impôt sur les sociétés par dissimulation d’une part des sommes sujettes à l’impôt, avec la complicité de Google Ireland LTD ».

Devant les enquêteurs, les représentants de Google ont fait valoir avoir « reçu de nombreux conseils professionnels sur le bien-fondé de leur structure fiscale, confortés par les décisions des tribunaux administratifs, y compris en appel ». Mais ils ont surtout « pris acte » des conclusions tirées depuis par le parquet national financier : un transfert de la charge fiscale de Google France vers l’Irlande, pays à fiscalité moins lourde, « de nature à caractériser une fraude à l’impôt ».

Un tableau montre ainsi qu'à elle-seule, Google France a éludé près de 190 millions d’euros d’impôts sur les sociétés entre 2011 et 2016. Du moins selon l'enquête fiscale : 

impot googe

 

8,1 milliards d'amende d'intérêt public ramenés à 500 millions d'euros

Selon le Code de procédure pénale, le montant de l’amende d’intérêt public, réclamé dans le cadre de cette procédure transactionnelle, est fixé « de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel », sur les trois derniers exercices.

Avec un tel critère, la calculatrice s’envole. En cumulant les trois derniers CA de Google France mais aussi surtout ceux de Google Ireland LTD, le texte laissait planer une amende monstre de… 8,1 milliards d’euros ! Une amende toute théorique, et même limite mais qui révélait à elle-seule l'immensité des intérêts en présence.  

google fiscalité

Par un jeu de plafonds, sans oublier l'importante phase de négociations, le montant finalement mis à la charge des deux sociétés a fondu à 500 millions d'euros, dont 453 271 291 euros pour la seule société irlandaise. 

Les calculs exacts, intimement liés au volet du rattrapage fiscal, n'ont pu nous être dévoilés par le PNF en raison du secret couvrant ces procédures. 

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Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Un établissement stable en France, un impôt sur les sociétés éludé

Dissimulation avec la complicité de Google Ireland LTD

8,1 milliards d'amende d'intérêt public ramenés à 500 millions d'euros

Commentaires (28)


Et ils auront à payer réellement 4€ pour les frais de dossier <img data-src=" />


Comme quoi, ça paye de ne pas payer. <img data-src=" />








Patch a écrit :



Et ils auront à payer réellement 4€ pour les frais de dossier <img data-src=" />





Le plus dur sera d’aller à la poste pour payer en timbres.



Et Darmanin qui fanfaronnait <img data-src=" />


Ah ben ça fait plaisir… Avec un tel ratio entre ce qui aurait pu être demandé et ce qui l’est dans l’accord, vraiment ça va dissuader les GAFA de ne pas payer l’impôt…


Sacré ratio entre le montant théorique et le montant final…

Par contre si toi, petit particulier, tu as un impayé pour x raisons ou une erreur sur ta déclaration (malgré le droit à l’erreur), on ne te loupe pas. Quand ce ne sont pas les systèmes automatisés qui font une erreur (du vécu, 3 mois à me battre avec l’administration pour avoir à nouveau la même erreur l’année suivante).









crocodudule a écrit :



Ah ben ça fait plaisir… Avec un tel ratio entre ce qui aurait pu être demandé et ce qui l’est dans l’accord, vraiment ça va dissuader les GAFA de ne pas payer l’impôt…





Je pense tout pareil.





En 2012, la direction générale des finances publiques avait adressé à Google Ireland Ltd une proposition de rectification fiscale.



Donc ce n’est pas un redressement ? Le critère est que quand les montants sont importants on demande gentiment avant d’attaquer en justice ?

C’est justement dans ce cas que la volonté d’optimisation qui se transforme en fraude est délibérée, et que la justice devrait intervenir plus souvent (quitte à renforcer la législation) pour fixer des limites, au lieu de les négocier individuellement…


Pendant ce temps à la DGFIP : “Yeah les mecs ils ont payé 6% de ce qu’ils nous devaient, faites péter le champagne !”



Du coup moi aussi je peux payer que 6% de mes impôts ?


16x moins <img data-src=" /> merci <img data-src=" />


C’est écœurant … ça paye de frauder puisqu’au final, on ne te donne une amende qui est bien loin du montant que tu as “détourné” . C’est formidable !


Comme je le disais dans la news précédente , a qui ça profite? Quel pot de vin ont été versé pour cet arrangement? Comment les petites boîte qui ont elles payé ces leurs impôts vont êtres dédommagés? Quand la politique prend le dessus sur la justice…








iFrancois a écrit :



Pendant ce temps à la DGFIP : “Yeah les mecs ils ont payé 6% de ce qu’ils nous devaient, faites péter le champagne !”



Du coup moi aussi je peux payer que 6% de mes impôts ?









Inny a écrit :



Comme quoi, ça paye de ne pas payer. <img data-src=" />









Ce qu’ils auraient du payer aurait du être 190 millions d’euros, je cite l’article:

“Un tableau montre ainsi qu’à elle-seule, Google France a éludé près de 190 millions d’euros d’impôts sur les sociétés entre 2011 et 2016. Du moins selon l’enquête fiscale : ”

Au final ils auraient pu avoir une amende de 8 milliards, mais au final les 500 millions ca reste plus de 2 fois le montant normal de l’impôt qu’ils auraient du payer.



Donc non ça ne paye pas de ne pas payer et non ils n’ont pas payé 6% de ce qu’ils devaient mais +200% de ce qu’il devaient. Ils ont payé 6% d’une amende théorique (et dans le cas d’un monstre comme Google une méthode de calcul totalement inadapté)









Furanku a écrit :



Sacré ratio entre le montant théorique et le montant final…

Par contre si toi, petit particulier, tu as un impayé pour x raisons ou une erreur sur ta déclaration (malgré le droit à l’erreur), on ne te loupe pas. Quand ce ne sont pas les systèmes automatisés qui font une erreur (du vécu, 3 mois à me battre avec l’administration pour avoir à nouveau la même erreur l’année suivante).







Petit particulier qui a eu des soucis avec l’administration suite à un héritage d’une société sur laquelle il y a eu des soucis de paiement de TVA (du à l’administration par un tier entre le décès et la vente).

J’ai du négocier avec eux les montants dus, les frais de retards et l’amende.

Au final je n’ai payé que les montants dus initialement vu qu’ils ont considéré qu’on avait fait preuve de bonne fois et que les justificatifs était acceptables.



Donc non c’est pas réservé à Google de négocier avec l’administration fiscale.



Le plus gerbant est que ca blanchi totalement Google, donc aucune société qui paye ses impôts peut demander réparation du préjudice.








iFrancois a écrit :



Pendant ce temps à la DGFIP : “Yeah les mecs ils ont payé 6% de ce qu’ils nous devaient, faites péter le champagne !”



Du coup moi aussi je peux payer que 6% de mes impôts ?





Je crois que vous êtes nombreux à ne pas avoir compris (le rédacteur a aussi fait une erreur du coup) : ils ont pas payé 500M d’impôts au lieu de 8100M : ils n’ont payé que 500M d’amende au lieu de 8100 !



Donc à ces 500M, il faut rajouter &nbsp;les pénalités d’impositions !!



C’est d’ailleurs clair avec le dernier document : 57M de pénalité et 47M d’amende.

&nbsp;Et à la fin de l’article, ils disent 500M dont 453 pour l’irlande (soit 500-47) : c’est uniquement la part de l’amande, pénalité non incluse !



comme énormément de lois et de cas, y’a un gouffre entre ce que le législateur a écrit et ce qui est réellement appliqué (comme les peines de prison tiens, en fait ça coûte cher d’enfermer les malfrats, alors on leur tape juste sur les doigts. Puis ça soigne l’électorat populaire aussi <img data-src=" /> )



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Je n’ai pas dit que c’était réservé à Google. Il y a un droit à l’erreur depuis peu qui plus est.

Je relève le fait que c’est beaucoup plus complexe pour un particulier de faire valoir ses droits et prouver sa bonne foi que pour une entreprise comme Google, qui elle va pouvoir se dédouaner de sommes considérables alors qu’elle est prise dans le filet.





Quand tu te retrouves avec une saisie sur compte (donc compte bancaire bloqué) pour un soit-disant impayé à cause d’une erreur administrative, que cela met plus de deux mois à être réglé sans même que les impôts daignent prendre à leur charge les frais bancaires engendrés. Et qu’en plus la même erreur se reproduit l’année suivante… Désolé mais je n’ai pas du tout la même expérience que toi avec l’administration fiscale, ce alors que je n’avais aucun tort (seule chose qu’ils ont voulu reconnaître) :)


Encore un titre putaclic et un contenu qui ne grandit pas NXI mais qui fait plaisir aux habitués.



8,2 milliards d’euros, ce n’est le montant de l’amende théorique mais le montant maximal théorique de l’amende. Ce sont presque les mêmes mots, mais pas mis dans le même sens et en plus, il y a le mot maximal en plus dans la seconde expression que j’ai copiée de la seconde copie de document.



Et ça fait toute la différence.



Le texte exact de la loi cité dans l’article indique : « de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel ». Cette somme est donc le plafond que peut atteindre cette amende, mais ce n’est pas la partie la plus importante.

La partie la plus importante de l’article de loi est de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés.

Déjà, cela veut dire qu’il ne faut considérer que la partie concernant la France et pas toute l’UE puisque cela doit être proportionné aux avantages tirés. De plus, il faut tenir compte du gain d’impôt pour établir cette amende.



J’aurais tendance à dire que seule la part de chiffre d’affaire de la France dans Google Irland LTD comme max d’amende possible, même si cela n’est pas dit explicitement. Le CA français de Google Irland est estimé à environ 2 milliards d’euros. Le CA des 2 années précédentes devait être plus faible.



Si on applique 30 % à ce montant, on peut estimer que le montant maximal de l’amende serait plutôt de 600 millions d’€. Et surprise, on n’est pas loin du montant de l’amende négocié. (Remarque, je n’ai comparé le résultat qu’après avoir fait le calcul). Donc l’amende qui a été négociée et calculée de manière proportionnée aux avantages tirés (453 millions pour G IL) est donc assez proche (75,54 %) de ces 600 millions d’euros. Comme on n’a pas d’informations sur le détail du calcul, couvert par le secret fiscal, on peut juste dire que ce montant n’a rien de scandaleux.



Voilà, voilà…


Merci d’être allé vérifier. Ça confirme mon impression initiale.








ForceRouge a écrit :



Le plus gerbant est que ca blanchi totalement Google, donc aucune société qui paye ses impôts peut demander réparation du préjudice.





En fait non, il est écrit dans l’ Article que la culpabilité de Google France n’est éludée pour autant…

Comme ça, si il y avait une récidive de leur part, le couperet tomberait à hauteur de 3% du CA annuel de l’entreprise









Vin Diesel a écrit :



En fait non, il est écrit dans l’ Article que la culpabilité de Google France n’est pas éludée pour autant…

Comme ça, si il y avait une récidive de leur part, le couperet tomberait à hauteur de 3% du CA annuel de l’entreprise




Merci ça fait plaisir d’avoir une réflexion saine au milieu des aboiements pavloviens de la meute.

C’est tellement plus facile de cracher sur le gouvernement en l’accusant de complicité voir de corruption, que de chercher à comprendre…

&nbsp;


500 millions c’est l’amende. Ils ont aussi payé les impôts en retard et les pénalités et donc au total plus d’un milliard d’euro. 5x ce qu’ils ont évité de payer.

J’invite les particuliers intéressés par ce type de règlement à le proposer à l’administration, je suis sûr qu’ils seront d’accord pour leur accorder <img data-src=" />


Mais pendant ce temps, de combien sont les amendes pour les sociétés européennes aux US ? 😁


Politiques et dirigeants d’entreprises sont amis et ont un ennemi commun: le petit peuple. Tout est dans l’art de faire croire au petit peuple que les premiers travaillent pour lui en sanctionnant les seconds.


Merci pour la vérification, dommage d’y avoir recours ici.


La chose la plus intéressante, c’est que du coup les années suivantes le CA et donc la contribution de Google France devrait augmenter.





Pour ceux qui disent que ça vaut le coup de frauder, vous n’avez pas compris l’article. Google paye plus que ce qu’ils avaient économisé (il y a rattrapage plus pénalités plus amende pour les deux structures).