Avec Bartolomeo, l'ESA et Airbus veulent dynamiser l'exploitation commerciale de l'ISS

Avec Bartolomeo, l’ESA et Airbus veulent dynamiser l’exploitation commerciale de l’ISS

Non, rien à voir avec One Piece

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

09/02/2018 8 minutes
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Avec Bartolomeo, l'ESA et Airbus veulent dynamiser l'exploitation commerciale de l'ISS

Et si l'avenir (après l'horizon 2024) de la Station Spatiale Internationale passait par des partenariats privé/public ? C'est en tout cas l'hypothèse émise par plusieurs spécialistes. En attendant, l'ESA et Airbus vont louer dès l'année prochaine des emplacements à l'extérieur du laboratoire Columbus, avec une « vue imprenable ».

Pour décrire simplement la Station Spatiale Internationale, le CNES explique qu'il s'agit d'un « gigantesque Lego de 400 tonnes ». Son assemblage en orbite a débuté il y a maintenant 20 ans et son exploitation se poursuit encore aujourd'hui avec la présence permanente d'astronautes à bord. Comme son nom l'indique, l'ISS est le fruit de la participation de plusieurs pays issus de différents continents.

L'année prochaine, elle recevra une nouvelle plateforme Bartolomeo (elle se fixera sur le laboratoire européen Columbus). Elle proposera un service « tout-en-un » à des acteurs publics et privés afin d'y installer des charges pour mener des expériences ou prendre des photos de la Terre par exemple.

Airbus (en partenariat avec l'ESA) se chargera de la mise en orbite, de l'installation et fournira une connexion à 10 Gb/s aux clients intéressés. Cette ouverture vers les acteurs privés est importante pour l'ISS dont le financement au-delà de 2024 n'est pas forcément assuré à l'heure actuelle. 

Les coûts de fonctionnement très importants de l'ISS

Rappelons que si l'ISS a été lancée et pilotée initialement par la NASA, elle est désormais exploitée conjointement et financée avec l’ESA (Agence spatiale européenne, dont le CNES en France), ROSKOSMOS (Agence spatiale fédérale russe), la JAXA (Japan Aerospace eXploration Agency) et l’ASC (Agence Spatiale Canadienne). En fonction de ses engagements, chaque pays dispose d'un taux de présence à bord pour ses astronautes. 

Les différents acteurs s'engagent sur plusieurs années et décident ensuite de renouveler, ou pas. Actuellement, ils se sont tous mis d'accord sur 2024. En 2014, l'administration de Barack Obama accordait quatre ans de plus à la Station, repoussant ainsi la date butoir de 2020 à 2024. Les Européens se sont eux prononcés fin 2016, misant également sur 2024.

« L'Allemagne a accepté d'augmenter sa contribution au projet ce qui permet de garantir la station spatiale jusqu'en 2024 [...] Ce qui se passera ensuite, l'ère post-ISS, se décidera l'année prochaine, lors de discussions avec l'ensemble de nos partenaires européens », indiquait alors Pascale Ehrenfreund de l'agence allemande en décembre 2016

La suite est en effet loin d'être gagnée. Selon plusieurs sources citées par The Verge, l'administration Donald Trump souhaiterait arrêter son financement (la décision devrait être annoncée le 12 février). Depuis 1993, La NASA explique que les États-Unis ont dépensé environ 89 milliards de dollars dans ce projet, et prévoient encore de débourser entre 3 et 4 milliards de dollars par an pour assurer le fonctionnement de l'ISS jusqu'en 2024. 

Airbus et l'ESA ont une idée pour faire rentrer de l'argent

En 2016, François Spiero, responsable des vols habités au CNES, expliquait au Monde que « les systèmes de la station sont qualifiés jusqu’en 2028 », laissant la possibilité de repousser encore une fois la date de quatre ans... à condition d'avoir les moyens de le faire. Même analyse de l’ancien astronaute français Jean-François Clervoy à Ouest-France : « On sait qu’on peut la prolonger au-delà de 2024. La structure métallique de l’ISS n’a pas vraiment de limite ».

En effet, face aux coûts très importants, un désengagement progressif du secteur public serait à prévoir selon le spécialiste : « Il y a eu des discussions avec plusieurs acteurs privés, surtout aux États-Unis. Il y aura donc probablement une sorte de cogestion public-privé » expliquait-il à l'époque à nos confrères.

Prophétie en partie réalisée avec l'annonce cette semaine du projet Bartolomeo l'ESA, en partenariat avec Airbus (qui investira 40 millions d'euros). Il s'agit d'« un nouveau service commercial qui sera proposé à l’extérieur de la Station spatiale internationale ». Même son de cloche sur l'aspect commercial chez Airbus, avec « une plus grande utilisation commerciale de la Station spatiale ».

ISS
Crédits : CNES

Emplacements à louer sur l'ISS : liaison jusqu'à 10 Gb/s, vue sur la Terre

Comme vous pouvez le constater sur l'image ci-dessus, la Station Spatiale Internationale est un gigantesque patchwork de modules provenant de différents pays. Les Américains s'occupent d'une grande partie de l'infrastructure et du laboratoire Destiny. Les Européens ont ajouté un autre laboratoire : Columbus (6,9 mètres de longueur sur un diamètre de 4,5 mètres). Il fêtera d'ailleurs dans deux jours ses 10 ans de mise en service (une visite guidée est disponible par ici). Depuis sa mise en service, le laboratoire a effectué pas moins de 58 000 rotations autour de la Terre.

Le projet Bartolomeo, baptisée du nom du frère cadet de Christophe Colomb, « sera fixé à l'avant du laboratoire européen Colombus » explique l'ESA. Elle ajoute que « ses utilisateurs bénéficieront d’une capacité de liaison descendante de données de 10 Gb/s, suffisante pour télécharger en moins de 30 secondes un film haute définition ».

Onze (selon l'ESA) ou douze (selon Airbus) emplacements seront disponibles, avec une capacité de chargement allant jusqu'à 1 m³ et 450 kg chacun. Pour ceux ayant de plus petits besoins (entre 5 et 450 kg), il sera possible de mutualiser un emplacement avec d'autres acteurs. Des « opportunités de lancement » seront proposées tous les trois mois, lors des missions de ravitaillement de l'ISS. Par contre, il faudra s'engager pour un an minimum.

Airbus Bartolomeo
Crédits : Airbus

Un service tout-en-un, des coûts inférieurs aux missions classiques

Les principales applications mises en avant par l'ESA sont l'observation de la Terre (avec une vue dégagée sur notre planète à 400 km d'altitude), la robotique, la science des matériaux, la possibilité de récupérer des échantillons, l'astrophysique, etc.

Toujours selon l'agence européenne, le service tout-en-un de Bartolomeo permettrait « d'économiser considérablement par rapport aux coûts des missions classiques ». Autre avantage non négligeable selon l'ESA : « le temps d’attente entre la signature du contrat et le feu vert pour le vol sera de un à deux ans, soit beaucoup plus court que le délai habituel pour une expérience ».

« Nous proposons aux organisations institutionnelles et privées un moyen rapide et économique de transporter leurs expériences dans l’espace sous forme de charges utiles externes. [...] Grâce à notre service de mission spatiale tout-en-un, les utilisateurs de Bartolomeo pourront se concentrer sur leur charge utile, puisque nous nous occupons de tout le reste, du lancement à l’installation en passant par l’exploitation spatiale, les transferts de données et même le retour de l’expérience sur Terre, si nécessaire » explique pour sa part Oliver Juckenhöfel, directeur systèmes orbitaux et exploration chez Airbus.

Lancement en mai 2019, à bord d'une capsule Dragon de SpaceX

Sachez enfin que Bartolomeo sera lancé en mai 2019 à bord d’un véhicule de ravitaillement Dragon de SpaceX, sauf retard évidemment. Airbus ajoute que « Bartolomeo sera lancé dans le compartiment non pressurisé d’un véhicule de ravitaillement de l’ISS et installé à l’aide d’un système robotique lors d’une activité extravéhiculaire ». La société assurera ensuite l'exploitation de la plateforme et l'intégration des charges utiles. Le début de l'exploitation commerciale est prévu pour le second semestre de 2019.

Les deux partenaires n'ont par contre pas donné de tarif pour la location de l'emplacement, le transport de la charge utile et son installation sur la Station Spatiale Internationale. Dans tous les cas, les prochaines années seront cruciales pour l'ISS, qui devra certainement trouver de nouveaux partenaires pour continuer à fonctionner de manière optimale au-delà de 2024.

Bartolomeo
Crédits : ESA/Airbus

Et ensuite ?

Difficile de prédire ce qu'il arrivera à la Station Spatiale Internationale après 2024, voire après 2028. Le problème pour Jean-François Clervoy, c'est qu'il « n’y aura rien d’autre de prêt pour succéder » à l'ISS pour le moment. Et il suffit que les Américains arrêtent de financer la Station pour que les Russes ne puissent plus l'exploiter correctement par exemple. 

Des projets sont en préparations, mais rien de bien concret pour le moment. Les Russes prévoiraient par exemple « un projet assez flou qui manque encore de financement. Celui-ci consiste à récupérer certains de leurs modules de l’ISS pour ensuite les accrocher à une autre station qui leur appartient ». 

Comme François Spiero, Jean-François Clervoy voit une solution dans des partenariats avec le secteur privé : « la société Axiom Space souhaite par exemple attacher un module à la station qui servira de laboratoires privés et d’hôtels pour touristes ». Bartolomeo pourrait donc être une première étape vers une collaboration plus importante entre les différents acteurs.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Les coûts de fonctionnement très importants de l'ISS

Airbus et l'ESA ont une idée pour faire rentrer de l'argent

Emplacements à louer sur l'ISS : liaison jusqu'à 10 Gb/s, vue sur la Terre

Un service tout-en-un, des coûts inférieurs aux missions classiques

Lancement en mai 2019, à bord d'une capsule Dragon de SpaceX

Et ensuite ?

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Commentaires (15)


D’ici 2024-2028, on a encore le temps que les américains changent de président, c’est l’idée ?


On pourra crowdfunder l’envoi de la flat earth society là-haut ?


dans l’avenir la station sera un mix entre Babylon 5 et Deep Space 9 <img data-src=" />








tpeg5stan a écrit :



On pourra crowdfunder l’envoi de la flat earth society là-haut ?





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Je ne sais pas si vous avez remarqué un point, il est question d’un côté de 10 Gb/s, et ensuite de 1 à 2 To par jour, ce qui ne semble pas cohérent. Je suppose que c’est parce que la communication ne fonctionne que par à coup, la station étant relativement basse et devant être à relative proximité d’une antenne.

À 10 Gb/s, on transfère 75 Go/min, donc il suffit de 13min20 (800 s) pour transférer 1 To, et 26min40 (1600 s) pour 2 To ; en en 24 h ça ferait 108 To.

Ça voudrait dire que la transmission ne fonctionne au maximum que 154 du temps (division de 246060 / 1600).








Yutani a écrit :



dans l’avenir la station sera un mix entre Babylon 5 et Deep Space 9 <img data-src=" />





Problème, elle est moins mobile que DS9, sinon on aurait pu l’envoyer en orbite de Mars.<img data-src=" />









OlivierJ a écrit :



Je ne sais pas si vous avez remarqué un point, il est question d’un côté de 10 Gb/s, et ensuite de 1 à 2 To par jour, ce qui ne semble pas cohérent. Je suppose que c’est parce que la communication ne fonctionne que par à coup, la station étant relativement basse et devant être à relative proximité d’une antenne.

À 10 Gb/s, on transfère 75 Go/min, donc il suffit de 13min20 (800 s) pour transférer 1 To, et 26min40 (1600 s) pour 2 To ; en en 24 h ça ferait 108 To.

Ça voudrait dire que la transmission ne fonctionne au maximum que 154 du temps (division de 246060 / 1600).





Il faut surtout comprendre “jusqu’à 10Gb/s”. Ce qui veut dire que le débit fait du yoyo en fonction des antennes (qui changent à une vitesse folle), et aussi le fait que les codes de correction d’erreurs n’ont pas grand chose à voir avec ceux sur une connexion filaire….



Que les antennes changent souvent, c’est certain (je l’ai dit).

Le coup de la correction d’erreur, je ne pense pas, car quand on parle de 10 Gb/s pour faire 400 km en radio dans une bande de fréquence réservée, ça doit être peu bruité, il ne s’agit pas de recevoir un signal faible émis à quelques milliards de km.



D’ailleurs je suis en train de me demander si l’ISS n’aurait pas intérêt à passer par un satellite géostationnaire (ou plusieurs) histoire de garder la connexion beaucoup plus longtemps (peut-être que cela se fait déjà, par exemple quand on interview en direct les astronautes pendant plusieurs minutes et plus de 10.


Qu’est ce qui pourrait intéresser une entreprise privée dans l’ISS ?


Tourisme spatial, plusieurs entreprises y travaillent déjà.


des conditions et environnement unique pour de la R&D… peut être un futur usage industriel de l’espace pour des conditions de fabrication difficilement réalisable sur terre.


Il faut aussi penser au fait que c’est mutualisé avec tous les acteurs présent dans la station.

Elle est en communication permanente (sûrement à débit plus ou moins variable) avec de nombreuses antennes au sol.


Projet d’Airbus, et le module n’est pas mis en orbite par une Ariane ?


Cela se fait déjà, avec TDRSS. Je me demande s’il existe aussi un projet d’exploiter le pendant européen, EDRS.



Pour les communications avec une station sol, c’est de l’ordre d’une dizaine de minutes pour une station. Je ne peux pas me prononcer sur ce cas particuliers, mais sur les nouveaux systèmes, la liaison utilise une modulation et des codes de corrections variables selon la qualité du lien : le débit est faible lorsque la station est à l’horizon, puis augmente quand la station monte dans le ciel (moins d’atmosphère et distance plus courte donc signal de meilleur qualité). Auparavant, les caractéristiques de la transmission étaient fixes et construites sur le pire cas (typiquement, le satellite visible à 5deg au dessus de l’horizon).


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