Au CSPLA, un rapport défend un vaste droit voisin au profit des éditeurs de presse

Au CSPLA, un rapport défend un vaste droit voisin au profit des éditeurs de presse

Google New$

Avatar de l'auteur
Marc Rees

Publié dans

Droit

31/01/2018 6 minutes
11

Au CSPLA, un rapport défend un vaste droit voisin au profit des éditeurs de presse

Le rapport de Laurence Franceschini, conseillère d’État, sur « l’objet et le champ d’application du droit voisin des éditeurs de publications de presse » sera dévoilé le 13 février au CSPLA. Comme Contexte, Next INpact dévoile son contenu. Tour d’horizon.

En juillet 2016, la juriste avait déjà rendu un premier rapport sur l’opportunité de la création d’un tel droit voisin, suite à une mission lancée trois mois plus tôt. Des travaux destinés à nourrir les débats autour du chantier de la réforme du droit d’auteur en Europe, en particulier les articles 11 et 12 de la proportion de directive.

Elle plaidait déjà pour une telle création au motif que « l’octroi d’un tel droit permet[trait] de conforter la logique de partenariat équilibré entre les éditeurs de presse et les agrégateurs de contenus de presse », dont les grosses plateformes en ligne comme les moteurs de recherche.

Mieux : « Consacrer ce droit au niveau de l’Union européenne lui donnerait une force indéniable et modifierait en profondeur les relations avec les agrégateurs, qui ne pourraient réagir comme ils ont pu le faire au niveau d’un pays isolé ».

En octobre dernier, la même Laurence Franceschini s’est vu confier une nouvelle mission visant cette fois à définir le champ d’application de ce droit aussi bien quant aux objets concernés qu’aux opérateurs ciblés. Des questions d’ampleur puisque derrière, c’est tout un droit à rémunération qui attend au chevet des éditeurs de presse visiblement un peu perdu dans l'océan numérique.

L'intérêt de faire reconnaitre un tel droit voisin 

Le rapport au CSPLA souligne deux intérêts à faire reconnaitre un tel droit voisin : « Tout d’abord, lorsqu’ils portent une affaire devant la justice, les éditeurs de presse doivent démontrer une chaîne de droits cohérente, c’est-à-dire que tous les auteurs ont cédé leur droit à l’éditeur en l’autorisant à le faire valoir en justice ». Ce qui n’est jamais bien facile.

Surtout, lorsqu’un bout d’article est reproduit en ligne, l’éditeur doit en démontrer l’originalité pour espérer être protégé au titre du droit d’auteur. Or, « démontrer la reproduction dans le cadre du droit voisin qui est basé sur la fixation d’une œuvre est plus aisé puisqu’il suffit de prouver qu’une partie de cette œuvre fixée a été utilisée indépendamment de son originalité ».

Dans son rapport, Laurence Franceschini suggère donc que la protection au titre des droits voisins des éditeurs de presse soit la plus large possible. Une manière de s’opposer à la proposition de la présidence estonienne, qui justement, a prévu réserver ce droit aux seules publications qui s’adresse « au grand public ».

Cette ségrégation, critique le rapport, « pourrait exclure une partie des titres de la presse magazine spécialisée parce qu'ils ne s'adressent pas au public en général, mais à un public en particulier alors qu'ils ciblent les jeunes, les femmes, les acteurs de l'économie, les enseignants, les cadres des collectivités locales ou encore les professionnels de la culture ».

L’idée portée par le rapport au CSPLA vise donc une directive très vaste pour ensuite adapter au besoin le droit interne selon ses spécificités locales.

Les snippets et les images 

L’un des points d’analyse concerne les « snippets », ces petits extraits affichés par les moteurs de recherche notamment. Pour le rapport, la lecture des snippets suffit « souvent au lecteur qui ne va pas alors sur le site de l’éditeur de la publication de presse et ne contribue pas en conséquence à accroître son audience et ses ressources publicitaires ».

Plus qu’une incitation à cliquer, l’auteure voit une « véritable concurrence déloyale » des moteurs puisque lorsque « les agrégateurs de contenus copient et utilisent ces extraits via les snippets, ils dépouillent les publications de presse de leur valeur dans le but de les monétiser eux-mêmes ».

Selon elle, ces petits bouts doivent aussi s’intégrer dans le futur droit voisin des éditeurs de presse, avec en conséquence induite un droit à rémunération ou réparation. 

Et dans sa foulée, elle estime que les photographies devraient également être couvertes par cette conception large et généreuse. Au besoin, elle plaide pour des précisions dans les considérants introductifs de la directive, afin d’aiguiller les tribunaux.

L'extension aux agences de presse

Une autre question-clé concerne non plus les éditeurs de presse mais « la possibilité pour les agences de presse d’être rémunérées pour leurs services d’information utilisés et monétisés par les plateformes en ligne ».

Là encore, le droit d’auteur serait imparfait pour assurer leur protection : d’une part, « il faut démontrer que toutes ces personnes ont cédé les droits à l’agence. Ainsi pour l’AFP qui produit environ 3 000 photos par jour, engager des actions contentieuses sur le terrain du droit d’auteur tel qu’il est organisé aujourd’hui est matériellement impossible ».

D’autre part, « pour bénéficier du droit d’auteur, les agences doivent apporter la preuve de l’originalité de leurs contenus et de la chaîne des droits œuvre par œuvre. Or, avec la viralité d’internet et la multitude des éléments d’information diffusés, il est matériellement impossible pour une agence de poursuivre chaque utilisation/exploitation illicite ».

Elle conseille tout naturellement d’étendre le droit voisin à ces agences, tout en modulant contractuellement leur périmètre avec les droits des éditeurs, histoire d’éviter une certaine confusion dans le droit à rémunération.

Soutenir la presse dans l'univers numérique

En conclusion, le rapport estime qu’une telle consécration – éditeurs, agences, snippets, photos, « marquerait un engagement fort et concret du soutien par l’Union européenne de la presse dans l’univers numérique pour une relation plus équilibrée avec les plateformes et participerait du mouvement général du partage de la valeur entre les grands opérateurs numériques et les auteurs et producteurs de contenus éditoriaux et créatifs ».

Selon l’auteure, la presse n’a qu’à des fruits à retirer : « plus grande originalité dans les productions journalistiques », un meilleur « pluralisme » et des conséquences bénéfiques sur « l’emploi des journalistes ».

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

L'intérêt de faire reconnaitre un tel droit voisin 

Les snippets et les images 

L'extension aux agences de presse

Soutenir la presse dans l'univers numérique

Fermer

Commentaires (11)


“Le CSPLA veut un droit voisin, découvrez les 10 raisons de leur demande”=>c’est pas un snipplet, c’est du clickbait ce sur quoi ils demandent (encore) des sous… s’ils ne veulent pas que les moteurs s’appuient sur ça pour faire leur beurre, ils n’ont qu’à supprimer leur flux rss et utiliser un robots.txt…



et accessoirement on appelait ça une “manchette” il me semble ce type de “mini article” t’invitant à lire la suite, non ?




la lecture des snippets suffit « souvent au lecteur qui ne va pas alors sur le site de l’éditeur de la publication de presse et ne contribue pas en conséquence à accroître son audience et ses ressources publicitaires ».



Donc si on résume :





  • l’éditeur profite des travaux schema.org et code des rich snippets sur son site

  • l’éditeur invoque sa propre turpitude pour se plaindre que les moteurs utilisent les rich snippets

  • l’éditeur déplore ensuite que, sur la base des rich snippets, ses contenus paraissent insuffisamment intéressants à son lectorat pour justifier un accès à son site pourri de trackers par dizaines (centaines)

  • enfin, sur la base de ce constat de médiocrité, l’éditeur réclame du pognon.







    <img data-src=" /> <img data-src=" />


Très bon résumé!


Hélas, puisqu’on écoute jamais les cris d’alarme des libristes, écoutera-t-on ceux des petits éditeurs ?


« marquerait un engagement fort et concret du soutien par l’Union européenne de la presse

dans l’univers numérique pour une relation plus équilibrée avec les plateformes et

participerait du mouvement général du partage de la valeur entre les grands

opérateurs numériques et les auteurs et producteurs de contenus éditoriaux et créatifs ».



ah…si c”est pour “la bonne cause”* , alors donnons-leur raison ! <img data-src=" />



* hi,hi


nan mais c’est un cercle vicieux en fait…

“Subvention Google” il y a quelques mois (grosso modo pour les mêmes motifs) &gt; plus de sous &gt; plus de drogue &gt; rapport disant “oui mais on avait dit ok pour les moteurs mais en y regardant de plus près, les motifs sont toujours là ! On veut plus de sous… et pas avoir besoin de prouver qu’on a fait plus que repomper l’AFP pour les toucher !” &gt;nouvelle rentrée d’argent ? &gt; plus de drogue &gt; [créativité en cours de processing]…



Le cercle vicieux, c’est surtout qu’en musclant le droit de la presse sur Internet, ils vont enlever tout intérêt à être sur internet (profiter de la visibilité via les liens profonds pour attirer de nouveaux lecteurs, par exemple) pour les gros comme pour les petits, alors que les comportements et les attentes de leur lectorat évoluent. Il vont donc avoir de moins en moins de lecteurs, demander de plus en plus de protections, qui vont les enfermer de plus en plus dans leur modèle du siècle dernier…


En France, il n’y a aucun problème qu’une bonne taxe ne puisse résoudre.


Élu commentaire de l’année !


<img data-src=" />


oui oui c’est les partie “drogue/plus de drogue” dans mon cheminement (parce qu’il faut en avoir pris pas mal pour penser que ça peut marcher à moyen-long terme) <img data-src=" />