Tezos : Class action contre une ICO à 232 millions de dollars

Tezos : Class action contre une ICO à 232 millions de dollars

1,2 milliard d'euros d'actifs à geler

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Kevin Hottot

Publié dans

Économie

19/12/2017 8 minutes
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Tezos : Class action contre une ICO à 232 millions de dollars

En juillet 2017, une importante levée de fonds en crypto-monnaie (ou ICO) était lancée pour financer Tezos, une nouvelle monnaie virtuelle. Moins de six mois plus tard, l'opération est pointée du doigt par une action de groupe aux États-Unis, estimant qu'elle n'était qu'une levée de fonds déguisée et aurait dû être interdite par le régulateur boursier. 

Dans l'univers des crypto-monnaies, l'année 2017 aura été marquée, outre par l'envol du prix des différentes monnaies virtuelles, par l'essor des ICO, des levées de fonds en bitcoin ou en ethers, destinées à financer des entreprises ou bien la création de nouvelles blockchains, et donc de crypto-monnaies.

L'une des ICO les plus importantes de l'année est celle de Tezos. Lancée en juillet 2017, elle visait à créer une nouvelle blockchain capable de s'auto-amender, et produisant une crypto-monnaie répondant aux appellations de tez, tezzies ou XTZ. En deux semaines, les organisateurs de cette ICO ont levé 65 703 bitcoins et 361 122 ethers, soit l'équivalent à l'époque de 232 millions de dollars (et aux cours actuels de 1,3 milliard d'euros). Une somme plus que conséquente, que bien des entreprises aimeraient pouvoir lever aussi facilement pour financer leurs projets. 

Entre temps, le régulateur boursier américain, la SEC, a décidé de serrer la vis sur l'organisation de ces levées de fonds qui taisent leur nom. Elle rappelait ainsi début août que « les émetteurs de registres décentralisés et de titres s'appuyant sur la technologie blockchain doivent faire enregistrer les ventes de leurs titres, à moins qu'une exception valide s'applique » et que « la technologie innovante derrière ces transactions virtuelles n'exempte pas les ventes de titres et les plateformes d'échange du cadre réglementaire conçu pour protéger les investisseurs et l'intégrité des marchés ».

C'est à ce titre qu'un cabinet d'avocats a déclenché une action de groupe contre les organisateurs de cette ICO. Il s'agit d'ailleurs de la quatrième plainte de ce genre contre Tezos.

Quatre à la suite !

Selon cette nouvelle plainte, l'entreprise Dynamic Ledger Solutions (DLS), basée dans le Delaware, la fondation suisse Tezos Stiftung (Tezos) ainsi que plusieurs individus sont accusés d'avoir vendu des titres financiers alors qu'ils n'y étaient pas autorisés par les autorités.

De plus, ils auraient tenté de maquiller cette vente en collecte de fonds, dans le but de brouiller les pistes avec le régulateur. Le tout en transférant l'argent ainsi récupéré en Suisse « dans une tentative vaine d'échapper aux lois américaines sur les titres financiers, et se sont maintenant engagés dans la conversion, la vente et potentiellement la dissipation des recettes collectées au travers de leur offre ».

La fondation est en effet installée dans la charmante ville de Zoug, qui abrite notamment le siège de sociétés comme Glencore, et connue davantage pour ses avantages fiscaux fournis aux grandes entreprises que pour sa tarte au kirsch. Les « holdings » y sont taxées à hauteur de 0,002 % de leur capital par an, et ne payent d'impôt sur les bénéfices qu'au titre de ceux réalisés sur le territoire helvète. Des conditions très favorables qui lui permettent de domicilier plus de 200 000 entreprises, au milieu de ses 30 000 habitants.

La grande mascarade

Pour passer sous le radar des autorités américaines, Tezos prenait le soin de ne surtout pas parler du mot « investissement » pour qualifier l'achat de ses « jetons » de crypto-monnaie. À ce terme, la fondation préférait celui de « contributions » au projet ou de  « donations ». Ce même si chaque bitcoin apporté à l'édifice permettait en échange de récolter la bagatelle de 5000 XTZ. Des jetons dont « la valeur se serait appréciée en fonction des efforts des accusés pour permettre l'échange de ces jetons contre d'autres jetons, des crypto-monnaies ou de la monnaie fiduciaire ». 

D'autre part, les avocats reprochent à DLS d'avoir confié l'ensemble de ses actifs et des crypto-monnaies levées à la fondation suisse. Or celle-ci ne se présente officiellement qu'en tant qu'« organisation consacrée à la promotion du protocole Tezos ». De plus, la fondation a commencé dès mi-juillet à convertir une partie des bitcoins et ethers qu'elle a collecté en monnaie fiduciaire, en or et en actions diverses.

Pour parfaire l'illusion, sur le canal de discussion mis à disposition via Slack aux participants à cette levée de fond, un bot intervenait à chaque fois que le mot « investissement » était prononcé. Il diffusait alors ce message : « Pour rappel, les contributions à la levée de fonds de la fondation Tezos ne sont pas des "investissements". La fondation recommandera l'allocation de jetons dans le bloc initial, en fonction de ces contributions ». 

Selon les plaignants, cette méthode consistant à maquiller des paiements ou des investissements comme des contributions volontaires n'est pas neuve dans la Silicon Valley. À ses débuts, Lyft présentait le montant de ses courses comme une contribution volontaire pour un service de co-voiturage, ce afin de passer sous le radar des régulateurs.

Vocabulaire à géométrie variable

Les organisateurs de cette ICO n'ont toutefois pas fait preuve de la même prudence en termes de vocabulaire à chaque étape de leur projet. Il faut pour cela remonter quelques années plus tôt, en août 2014. Arthur Breitman publiait sous le pseudonyme de « L.M. Goodman » un livre blanc évoquant Tezos, une blockchain capable de s'auto-amender, puis début 2015 le « business plan » lié à ce projet. Des documents diffusés publiquement en amont de l'ICO.

On y lit qu'Arthur Breitman se voit en tant que directeur executif de Tezos, avec d'ici trois ans un salaire annuel de 212 180 dollars, et que si l'entreprise survit 15 ans, elle devrait être valorisée entre 2 et 20 milliards de dollars. Tout ici laisse donc à penser à un investissement, selon les auteurs de l'action de groupe. 

Une première prévente de jetons Tezos a alors eu lieu à une date qui reste encore floue. Plusieurs fonds d'investissement et quelques riches particuliers injectent 612 000 dollars dans le projet, contre la promesse de récupérer l'équivalent de 893 200 dollars en XTZ lors de leur mise en vente effective. 

En mai 2017, quelques semaines après l'établissement de sa fondation en Suisse, le projet est à court de financement. Arthur et Kathleen Breitman contactent alors Tim Draper, un investisseur connu pour avoir pris des participations dans des entreprises telles que Skype, Tesla ou Twitch. Il propose au couple d'investir 1,5 million de dollars dans DLS, en l'échange d'une fraction d'une part minoritaire de son capital. 

Ce mouvement est relayé dans la presse, notamment via Reuters, comme le premier investissement d'un fonds reconnu dans une ICO. Plus tard, en octobre, quand Reuters demande à Draper « combien d'argent avez-vous donné lors de la levée de fonds de Tezos », il répond ainsi : « vous voulez dire pour combien j'en ai acheté ? Un paquet ».

Il estime toutefois que le jeton Tezos est une commodité, au même titre que les produits agricoles intermédiaires (à l'exception des oignons, depuis 1958), plutôt qu'un titre financier. C'est effectivement le cas aux yeux de la  la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) pour les crypto-monnaies telles que bitcoin aux États-Unis depuis septembre 2015. Mais un flou semble subsister dans le cas de jetons issus d'ICO, y compris quand ils sont utilisés comme crypto-monnaie.

Nettoyage à SEC

Comme expliqué en introduction de cet article, la SEC estime pour sa part que les jetons d'ICO s'apparentent à des titres financiers et doivent donc être considérés comme tels. Cela signifie que les investisseurs doivent pouvoir effectuer leur travail de due diligence et passer en revue le bilan de santé complet de l'entreprise émettrice des titres. Revenus, résultat net, plan d'affaires, dettes, rémunération des dirigeants, tout doit y passer. Et surtout, ces documents doivent être passés en revue par le régulateur avant leur diffusion, afin d'en vérifier la sincérité. Tezos ne devait pas échapper à la règle.

« Pour faire court, l'ICO des jetons Tezos était une vente illégale de titres pour lesquels aucune qualification n'était en place, et n'était sujette à aucune exemption de qualification », résument les avocats dans leur plainte. 

Les plaignants réclament dans un premier temps le gel de l'ensemble des avoirs collectés lors de l'ICO, crypto-monnaies comprises, un point qui semble particulièrement compliqué à faire respecter, à moins de confier les clés des portefeuilles virtuels aux autorités. Est également demandée à titre préventif une interdiction de convertir ces crypto-monnaies en d'autres actifs, tels que de l'or ou des actions. 

Par la suite, les plaignants souhaitent obtenir des dommages et intérêts relatifs à la violation de la loi californienne sur les entreprises, et la concurrence déloyale, considérant que l'ICO de Tezos est une vente illégale de titres financiers. 

Écrit par Kevin Hottot

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Introduction

Quatre à la suite !

La grande mascarade

Vocabulaire à géométrie variable

Nettoyage à SEC

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Commentaires (13)


Je ne vois pas vraiment la différence entre les autres affaires que l’on a pu voir a base ICO. Le principe même d’une ICO est d’investir des crypto-monnaie pour avoir d’autre crypto-monnaie et espérer toucher un pactole si le “coin” prend de la valeur.

C’est juste une bulle spéculative à l’échelle mondial, avec des gagnants et perdant.

Quand la bulle va éclater, on va se retrouver avec les même problème que lors des sub-prime, qui pense qu’aucune banque n’investit en bitcoin? 


c’est cool ces affaires, ça donne un tas d’idée pour devenir riche et bronzé rapidement, en partant vite sur une ile lointaine juste après&nbsp;<img data-src=" />








ajangot a écrit :



Quand la bulle va éclater, on va se retrouver avec les même problèmes que lors des sub-prime





Pour rappel, les subprimes concernaient avant tout un défaut de qualification du risque réel qui penant notamment en compte le risque systémique.



En quoi le cas présent aurait quoi que ce soit à voir avec la mécanique qui a sévit lors de la crise des subprimes ? <img data-src=" />



Toute la finesse ce résume à faire passer ces “‘monnaies virtuelles” comme de potentielle monnaie tout simplement parce qu’il y à le mot “monnaie” dans monnaie virtuelle. Alors qu’en étudiant le fonctionnement ça ce rapproche fortement de titres sans régulation proche d’un système de ponzi avec un bon gros pump and dump.



Plus concrètement : Si demain le machin coin deviens une vrai monnaie et remplace l’euro, comment j’explique à mes parents que leur voisin son millionnaire parce qu’ils ont achetés un peu de cette monnaie il y à 5 ans ?



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ajangot a écrit :



Quand la bulle va éclater, on va se retrouver avec les même problème que lors des sub-prime, qui pense qu’aucune banque n’investit en bitcoin?&nbsp;





C’est clair que les banques et compagnie ont investit la dedans… Reste à savoir combien. En ce qui concerne la bulle on est arrivé à la dernière étape ou le grand publique commence à être réellement informé. Et c’est la également ou il y à plus grand chose à gagner car la bulle va éclater vu que la supercherie commence à être trop visible. Certains ne ce cachent même plus à dire que ils sont la juste pour l’aspect 100% spéculation et que le côté monnaie c’est du pipeau. Ce qui est sur c’est que le jours ou la bulle éclate, je me désabonne direct de nxi.



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brazomyna a écrit :



Pour rappel, les subprimes concernaient avant tout un défaut de qualification du risque réel qui penant notamment en compte le risque systémique.



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C’est surtout que pas mal de gens le savaient et s’en cognais du moment qu’il y avait du pognon à faire…

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brazomyna a écrit :



En quoi le cas présent aurait quoi que ce soit à voir avec la mécanique qui a sévit lors de la crise des subprimes ?&nbsp;





Parce qu’il faudra rembourser une partie des perdants vu qu’on dépend d’eux…





la SEC estime pour sa part que les jetons d’ICO s’apparentent à des titres financiers





Ca me parait effectivement être la meilleure analogie possible.



Après, peut-on parler de “titre financier” lorsqu’on achète du vent avec des bulles de savon ?








skankhunt42 a écrit :



C’est surtout que pas mal de gens le savaient et s’en cognais du moment qu’il y avait du pognon à faire…





je t’invite à t’informer un peu plus plutôt que répéter aveuglément ce que tu crois savoir.





Selon cette nouvelle plainte, l’entreprise Dynamic Ledger Solutions (DLS), basée dans le Delaware, la fondation suisse Tezos Stiftung (Tezos) ainsi que plusieurs individus sont accusés d’avoir vendu des titres financiers alors qu’ils n’y étaient pas autorisés par les autorités.





Il n’y avait plus de place en Irlande ? <img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" />



C’est bien les cryptomonnaies, quand c’est pas le bitcoin qui nous amuse avec ses déboires, une autre prend la relève…








brazomyna a écrit :



je t’invite à t’informer un peu plus plutôt que répéter aveuglément ce que tu crois savoir.





C’est pourtant comme ça que les choses marchent… Mais les mecs qui ont fait du blé vont pas le crier sur les toits hein, il faut attendre une émission d’élise lucet.

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127.0.0.1 a écrit :



Après, peut-on parler de “titre financier” lorsqu’on achète du vent avec des bulles de savon ?





La pérennité des objets virtuelles personne n’en parle… Dans les jeux vidéos c’est pareil, certains lâchent 1500$ pour avoir un fusil bleu sans ce poser la question si dans 3 mois le jeu n’aura pas une suite et les skins incompatible.



Après c’est une forme de titre si on part du principe que malgré la difficulté d’avoir des bitcoins en ce prenant une gratte sévère au passage il est possible d’acheter un hotdog dans 0.00001% des commerces… Ou d’acheter un abonnement NXI.



D’ailleurs question con, peu t’on acheter une fraction d’un titre financier ?





D’ailleurs question con, peu t’on acheter une fraction d’un titre financier ?





Les offres initiales (IPO/ICO) sont d’abord achetées par les investisseurs (= premier marché).



Ensuite, ces offres sont découpées en “parts” (share) qui seront revendues (= second marché). C’est comme cela que les investisseurs espèrent rentabiliser leur achat initial.



bon, c’est très résumé, mais c’est le principe.








brazomyna a écrit :



je t’invite à t’informer un peu plus plutôt que répéter aveuglément ce que tu crois savoir.



C’est pourtant ce qu’il se passait : les établissements financiers mélangeaient sciemment des créances plus que douteuses à d’autres plus fiables avant de revendre le lot à d’autres établissements financiers sans les avertir. Et tout le monde faisait la même chose.









Patch a écrit :



les établissements financiers mélangeaient sciemment des créances plus que douteuses à d’autres plus fiables avant de revendre le lot à d’autres établissements financiers sans les avertir.





Là, on se rapproche d’une explication plus factuelle du phénomène: le problème central a consisté en une titrisation comportant un risque qui - pris séparément et dilué dans d’autres actifs - était perçu comme faible. Mais cette appréciation du risque faisait l’impasse à la fois sur le risque systémique et aussi les conséquences d’un mouvement de panique dû à l’absence de capacité de mesurer l’exposition globale des établissement au moment où le risque s’est réalisé.



cf. mon comm’ initial:







brazomyna a écrit :



Pour rappel, les subprimes concernaient avant tout un défaut de qualification du risque réel qui penant notamment en compte le risque systémique.







Et maintenant qu’on a dégrossi le truc, on peut revenir à ma remarque initiale:







brazomyna a écrit :



En quoi le cas présent aurait quoi que ce soit à voir avec la mécanique qui a sévit lors de la crise des subprimes ? <img data-src=" />







réponse: rien.



Il ne parlait pas de la mécanique de défaut mais des conséquences de l’éclatement d’une bulle. Enfin je crois.








SyLG a écrit :



Il ne parlait pas de la mécanique de défaut mais des conséquences de l’éclatement d’une bulle. Enfin je crois.





Les conséquences n’ont rien à voir, on parle d’un risque équivalent à la faillite d’une boite dont le cours était déjà identifié comme hautement volatile depuis des lustres.



Ce genre de chose, ça arrive tous les jours ou presque.