Promis pour 2017, le programme « Dites-le nous une fois » enlisé au stade des expérimentations

Promis pour 2017, le programme « Dites-le nous une fois » enlisé au stade des expérimentations

On ne sait plus à quelle simplification se vouer

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

15/11/2017 7 minutes
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Promis pour 2017, le programme « Dites-le nous une fois » enlisé au stade des expérimentations

Promis pour 2017 par Thierry Mandon, l'ancien secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État, le programme « Dites-le nous une fois » reste aujourd’hui au stade expérimental pour les particuliers. Le décret d’application prévu par la loi Numérique ne devrait pas être pris avant 2018.

Imaginez : pour effectuer une démarche en ligne quelconque, l’administration vous demande votre numéro fiscal. À partir de ce renseignement et à condition que vous soyez d’accord, le téléservice ira automatiquement chercher les informations dont il a besoin chez d’autres administrations qui les possèdent déjà : revenus, adresse, RIB, etc.

Tel est le principe du programme « Dites-le nous une fois », lancé en 2014 par la précédente majorité. L’objectif est bien entendu de faciliter la vie des citoyens, mais aussi des administrations... « Derrière, ce sont des économies considérables en termes de simplicité, de papier, de sécurité, de rapidité de traitement... » avait fait valoir le secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État de l’époque, Thierry Mandon.

Une échéance fut même évoquée par l’intéressé à plusieurs reprises : ce dispositif avait vocation à être opérationnel, tant pour les entreprises que pour les particuliers, à partir du 1er janvier 2017.

Aujourd’hui, force est cependant de constater que mis à part pour les entreprises, où les choses ont avancé plus vite que pour les particuliers (notamment au travers du dispositif « Marché public simplifié »), cet ambitieux programme peine à se déployer.

Du retard y compris dans les expérimentations

Pour l’instant, seules quelques expérimentations ont été lancées, en partenariat avec la Direction interministérielle du numérique (DINSIC). Paris, Lyon et Marseille devaient commencer à mettre en œuvre « Dites-le nous une fois » dès la fin 2016 pour les demandes de cartes de stationnement résidentiel et le calcul du quotient familial.

Or à ce jour, seule la ville de Lyon s’est lancée dans l’aventure, par l’entremise du dispositif d’authentification France Connect. Celui-ci est en mesure d’aller récupérer le revenu fiscal de référence d’un foyer et son nombre de parts dans les données détenues par la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Les informations relatives aux véhicules proviennent de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – qui gère notamment les cartes grises.

Selon nos informations, Marseille devrait suivre ce mouvement « très prochainement ». Il n’en demeure pas moins que l’extension de cette initiative « aux 800 communes qui utilisent des cartes de stationnement », évoquée dès l’année dernière, n'est pas prête d'être opérationnelle...

Parmi les (très) rares autres expérimentations à avoir été menées, on peut citer « BourseSCO », qui permet d’effectuer une demande de bourse en ligne, en ce qui concerne uniquement les collégiens.

api particulier
Notice d'API Particulier - Crédits : DINSIC

D’un point de vue technique, tous ces services fonctionnent grâce à des interfaces appelées API (en l’occurrence, l’API Impôts particuliers et l’API Particulier).

Toujours pas de décret

Sur un plan juridique, c’est l’article 90 de la loi Numérique qui est censé donner le coup d’envoi du programme « Dites-le nous une fois » pour les particuliers. Lorsque les « informations ou données » nécessaires pour traiter une demande « peuvent être obtenues directement auprès d'une autre administration », le service sollicité est censé aller chercher directement ces renseignements et faire remplir une simple attestation sur l’honneur au particulier.

Le législateur a cependant souhaité qu’une liste des pièces justificatives concernées par cette réforme soit clairement précisée par le gouvernement, via un décret. Ce qui n’a toujours pas été fait... Initialement prévu pour janvier 2017 puis pour « le printemps », ce texte se fait toujours attendre.

« Ça coince... » nous confie un haut fonctionnaire. « Certaines administrations veulent bien accéder aux données des autres, mais ont du mal à ouvrir les leurs... » Au regard de ces difficultés, il est « peu probable » que le fameux décret sorte avant l’année prochaine.

Interrogé par nos soins, le secrétaire d’État au Numérique Mounir Mahjoubi confirme que le dossier est particulièrement « complexe » : « Il faut faire attention à qui on impose ça et, pour ceux qui n'ont pas la capacité matérielle de le faire, comment on créée une obligation future. » Cela n’a pas toutefois empêché l’ancien président du Conseil national du numérique d’assurer à La gazette des communes que tous les décrets de la loi Numérique sortiraient « dans les prochaines semaines, ou mois ».

Un changement d’architecture à l’horizon 2020

Le successeur d’Axelle Lemaire regarde avant tout ce dossier sous son aspect technique. Devant l’Assemblée nationale, le 25 octobre dernier, il a expliqué que cette réforme passerait par le développement de la « plateforme numérique de l’État » (PNE), dont la conception est confiée à la DINSIC. « Cette plateforme établira (...) un langage commun à toutes les futures applications de l’État, un langage commun d’échange des données. Nous appliquerons ainsi pour de vrai la règle « Dites-le nous une fois ». »

Le secrétaire d’État au Numérique souhaite arriver « en 2020 » à la « mise en place expérimentale » de la PNE. « Les nouveaux services publics se grefferont sur cette nouvelle architecture, si bien que tous nos investissements pour les dix années à venir seront partagés, chacun bénéficiant de la force de l’autre. Ce sera une première ; nous verrons ce que nous arriverons à tenir. C’est en tout cas l’objectif que j’ai fixé aux administrations. »

Mounir Mahjoubi a toutefois laissé entendre que ce chantier nécessitera un dépoussiérage des textes bien plus conséquent qu’un simple décret sur le périmètre de « Dites-le nous une fois » :

« Certaines données, qui ne sont pourtant pas particulièrement sensibles, sont demandées très régulièrement aux citoyens par différents services publics qui auraient pu se les communiquer entre eux : l’adresse exacte, le justificatif de domicile à jour, le revenu… Sur ce dernier point, ceux qui sont en contact avec la Caisse d’allocations familiales (CAF), avec Pôle Emploi et qui payent des impôts savent qu’il faut, au cours d’une même année, déclarer ses revenus cinq à six fois – sauf que ce ne sont pas toujours les mêmes : c’est parfois le revenu net, le revenu brut, le revenu actuel, le revenu du mois précédent ou d’il y a deux ans… La réorganisation de l’architecture technologique de l’État doit donc s’accompagner d’une simplification de la loi, des règlements et des parcours administratifs. Sinon, on aura juste numérisé la complexité, sans rien changer pour les gens. »

« On est encore loin de la généralisation »

« Si l'on attend que la CNAM, les CAF, etc. s'y mettent, c'est sur que ça prendra plusieurs années » admet un proche du dossier. « Pour l’instant, on est vraiment dans de l’expérimentation. Techniquement, ça marche, mais le process de raccordement est encore trop lourd... » La DGFiP se montrerait particulièrement attentive au devenir de ses données, et demanderait en ce sens aux administrations des dossiers bien ficelés (nombreux justificatifs à l’appui).

« Avec ne serait-ce que les données des impôts, il est possible d’effectuer une grande partie des démarches administratives », souligne notre source. Le programme Dites-le nous une fois pourrait d’ailleurs entrer prochainement dans une nouvelle phase, puisque la Sécurité Sociale « mettra à disposition de certains fournisseurs de services FranceConnectés une partie des données de ses assurés » dans le « courant » de l’année prochaine.

Au premier semestre 2018, une « API CNAMTS » devrait ainsi être proposée en direction notamment des établissements de soins et des mutuelles. L’objectif : permettre à un internaute d’opter pour une complémentaire santé sans avoir à transmettre certains justificatifs de type attestation de droits, ou bien encore instaurer des téléservices de pré-admission pour les hôpitaux.

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Écrit par Xavier Berne

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Sommaire de l'article

Introduction

Du retard y compris dans les expérimentations

Toujours pas de décret

Un changement d’architecture à l’horizon 2020

« On est encore loin de la généralisation »

Commentaires (25)


A la décharge du gouvernement et des administrations, vu la complexité de la chose, on comprend le temps conséquent que cela prend… à partir vite sur des solutions mal anticipées on fini par se planter.



Je pense qu’ils veulent éviter un remake du programme Louvois.


Expérimenté avec la CAF, qui te redemande jusqu’à ta date de naissance, des fois où tu l’aurais changé dans les derniers mois <img data-src=" />





il a expliqué que cette réforme passerait par le développement de la

«&nbsp;plateforme numérique de l’État&nbsp;» (PNE), dont la conception est confiée

à la DINSIC. «&nbsp;Cette plateforme établira (…) un langage commun à

toutes les futures applications de l’État, un langage commun d’échange

des données.





C’est moi ou il parle de refaire toutes les applis de l’État pour 2020, alors que le moindre petit projet prend plusieurs années de retard ? <img data-src=" />


Tant qu’il n’y aura pas de contraintes, de nombreuses administrations refuseront de prendre la peine de mettre à disposition un tel service…


Pour moi il parle surtout d’une unique API.


aaah, la caf qui te demande ton dossier caf de l’an dernier : vous êtes au courant que c’est vous qui me l’aviez donné ? Oui, mais on n’est pas là pour réfléchir, uniquement pour faire les papiers en plein d’exemplaires. <img data-src=" />





Et puis tant qu’on y est, un extrait de naissance, au cas où ça aurait changé depuis l’an dernier.


Ah ah, les personnes célibataires et sans enfant, donc sans livret de famille, sont des sous-citoyens. Pour renouveler une carte d’identité il faut un extrait de naissance de moins de six mois (sans doute parce qu’on change souvent de lieu ou de date de naissance et de parents quand on n’a jamais été marié ni eu d’enfant, sinon non) alors que si on a un livret de famille (même s’il date de 50 ans) on peut se contenter de présenter le livret de famille… Il y aurait des trucs à revoir. Bref.



Et aussi l”ergonomie du site des impôts qui est épouvantable et aussi… ben plein de trucs qui nécessitent une bonne réflexion préalable dont je n’ai pas l’impression qu’elle ait été commencée.








numerid a écrit :



Et aussi l”ergonomie du site des impôts qui est épouvantable et aussi…





Qu’ils arrêtent de nous pomper des impôts, ça fera un site de moins à refaire et donc des économies en perspective&nbsp; <img data-src=" />



et qué s’apellorio “prélèvement à la source” <img data-src=" />








numerid a écrit :



ben plein de trucs qui nécessitent une bonne réflexion préalable dont je n’ai pas l’impression qu’elle ait été commencée.





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Ils découvrent l’état réel de nos administrations… Oui il y a parfois des inerties internes, néanmoins et pour l’essentiel de ce que j’ai pu en voir, il s’agit surtout de problèmes structurelles allant de la formation des fonctionnaires, à la présence d’outils informatiques absolument pas unifiés, en passant par des réglementations prises par décrets successifs qui disent tout et son contraire.



On touche aux limites des Lois incantatoires et à finalité d’affichage médiatique.



Typiquement biens des Lois de simplification (du droit ou de l’administration etc…) rendent les choses plus complexes; en tentant de rattraper les manquements de la précédente, elles forment une législation illisible qui est doublée par des couches de décrets d’application (plus ou moins pris) qui rendent les choses totalement bordéliques, même pour un spécialiste (et paradoxalement laisse plus de latitude aux administrations pour interpréter la réglementation en fonction de leurs impératifs internes).


Les impôts servent à payer les routes, le système scolaire et universitaire, la justice, les forces de l’ordre, la santé, la culture et tout un tas de choses très très utiles. Cela fait partie du pacte social.


Quand je vois quatre organismes differents me demander tous plus ou moins les mêmes papiers d’affilée en moins de 6 mois alors qu’ils pourraient aller les piocher les uns chez les autres au lieu de m’…. M’emprunter trop souvent mon imprimante, on va dire ^-^’



Bah ce n’est pas gagné.


C’est vrai que ce serait plus pratique d’avoir un service qui centralise l’info et évite les démarches multiples. D’un autre côté, la séparation des différents services garantit aussi un certain “anonymat” au citoyen.



Personnellement j’ai déjà eu à déclarer des choses différentes à un service et à un autre, pour un motif personnel qui m’apparaissait légitime. Dès qu’il y aura une mise en cohérence, est-ce que ça ne risque pas de verrouiller le système et se transformer en un big brother administratif ?



&nbsp;Mais comme d’hab dormez tranquille, “ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre”…


Quelqu’un a du voir le code des différents monolithe JavaEE, et c’est dit, “nan mais en faite on peut pas, on recommence”








MoonRa a écrit :



Quelqu’un a du voir le code des différents monolithe JavaEE Cobol, et c’est dit, “nan mais en faite on peut pas, on recommence”





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l’humour ça sert à se détendre, à voir les choses d’une autre façon, faire rire … Toutes sortes de choses qui t’ont échappé.








numerid a écrit :



la culture et tout un tas de choses très très utiles&nbsp;



ah bah si j’avais su que la taxe copie privée était très utile <img data-src=" />









secouss a écrit :



A la décharge du gouvernement et des administrations, vu la complexité de la chose, on comprend le temps conséquent que cela prend… à partir vite sur des solutions mal anticipées on fini par se planter.







crocodudule a écrit :



On touche aux limites des Lois incantatoires et à finalité d’affichage médiatique.





Outre la relative complexité de la chose, j’ai ouï dire (de fonctionnaires y bossant) que certains ministères étaient fortement récalcitrants à l’arrivée de ces simplifications et automatisations car cela engendrerait une réduction des effectifs dans les taches “de base” avec un transfert du personnel vers des taches plus “complexes” et, surtout, dont&nbsp; il serait possible de mesurer l’efficacité, le “rendement”.&nbsp;

Plus précisément que cela obligerait nombre de personnes qui sont dans des postes placards à travailler réellement.



Je pensais qu’on se moquait de moi (cliché du fonctionnaire fainéant) mais quand j’ai lu:&nbsp;



le secrétaire d’État au Numérique Mounir Mahjoubi confirme que le dossier est particulièrement «&nbsp;complexe&nbsp;»&nbsp;: «&nbsp;Il faut faire attention à qui on impose ça…



ça m’a fait direct penser à ce “potin”.



Au final, le problème ne serait-il pas plus de faire d’abord le ménage dans les ministères pour ensuite appliquer ces évolutions?&nbsp;

Dans le privé, quand des salariés refusent de bosser, on les vire.

Dans le public, rien n’empêche de faire de même.

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L’extrait de naissance contrairement à ce que tu parais penser peut changer assez facilement. Étant donné qu’il est la base de la formation de l’identité, être précis sur ce point est capital.

Délivrer à Jean-Claude Languedebois une carte d’identité valide alors qu’il s’appelle depuis 4 mois Jean-Claude Lantedebois, c’est pas cool. Il peut faire plein de crédit sans être inquiété après. <img data-src=" />


Non ça ne m’échappe pas, mais ce discours est omniprésent, ça ne devient plus drôle mais fatigant surtout quand des tas de gens qui en ont les moyens trouvent normal de ne pas payer d’impôts et quand on passe son temps à répéter bêtement qu’on paie trop d’impôts en France.



Donc oui à la place d’un “humour” douteux, il vaut mieux rappeler la nécessité de l’impôt aux personnes qui ont tendance à l’oublier.


euh j’en ai demandé un il n’y a pas longtemps, ça disait texto : garçon/fille, naissance dans la commune, date et heure de naissance tous les prénoms, et si tu as l’extrait avec filiation les parents.



Je ne vois pas ce que tu changes dans ce genre de truc. CHanger de nom de famille adulte, c’est possible, mais revenir sur ta naissance, sans être spécialiste en droit il me semble que c’est du faux en écriture.


Effectivement, mais on peut aussi citer le nom de l’officier certifiant le document. De plus, si le prénom ou nom de famille est mal écrit il peut être rectifié par un juge, une date aussi, une filiation peut être mauvaise etc…

Si ton extrait d’acte de naissance n’est pas très précis et exact alors tu peux remettre en cause beaucoup de choses.



Lien vers la loi

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000006165259&am…


Changer de nom de famille quand on est adulte est, soit dit en passant, une procédure complexe&nbsp; qui prend du temps et est publiée au Journal Officiel (rien à voir avec le mariage qui ne change pas le nom des personnes même si certaines femmes adoptent comme nom d’usage celui de leur époux). Bref ça se fait pas tous les six mois.



Et s’il y a une erreur sur la graphie du nom, je serais fort étonnée qu’elle figure deux fois quand il y a la filiation. Sinon, comme on peut le voir assez couramment, l’erreur devient le nom de la personne et c’est tout.








js2082 a écrit :



Outre la relative complexité de la chose, j’ai ouï dire (de fonctionnaires y bossant) que certains ministères étaient fortement récalcitrants à l’arrivée de ces simplifications et automatisations car cela engendrerait une réduction des effectifs dans les taches “de base” avec un transfert du personnel vers des taches plus “complexes” et, surtout, dont&nbsp; il serait possible de mesurer l’efficacité, le “rendement”.&nbsp;



Plus précisément que cela obligerait nombre de personnes qui sont dans des postes placards à travailler réellement.      






Je pensais qu'on se moquait de moi (cliché du fonctionnaire fainéant) mais quand j'ai lu:&nbsp;      






ça m'a fait direct penser à ce "potin".      






Au final, le problème ne serait-il pas plus de faire d'abord le ménage dans les ministères pour ensuite appliquer ces évolutions?&nbsp;    

Dans le privé, quand des salariés refusent de bosser, on les vire.

Dans le public, rien n'empêche de faire de même.

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De ce que j’en ai vu, ceux qui branlaient rien continuaient et ceux qui se tapaient tout, se cognaient en plus d’intégrer les réglementations nouvelles. Après je n’ai pas la prétention de connaître toutes les administrations.