Étude d’usages et copie privée : comment l’Institut CSA a remporté le marché

Étude d’usages et copie privée : comment l’Institut CSA a remporté le marché

La voix lactée

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Marc Rees

Publié dans

Droit

23/10/2017 5 minutes
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Étude d’usages et copie privée : comment l’Institut CSA a remporté le marché

Notre demande de communication des documents gravitant autour de la commission copie privée révèle comment a été choisi l’institut chargé des futurs études d'usage sur quatre segments de supports (disques durs, tablettes, box et smartphones). La voix du président a ainsi été déterminante.

Pour rappel, la commission copie privée est chargée d’élaborer les taux de perception de redevance copie privée qui sera collectée par Copie France. La société mandatée par les ayants droit (SACEM, SPPF, SCPP, SACD, etc.) a ainsi glané quelque 260 millions d’euros l’an passé.

Les sommes sont ensuite distribuées aux sociétaires de chacune des structures, moins les frais de gestion et moins 25 % qui sont conservés pour financer des manifestations culturelles ou des actions culturelles.

Fin 2015, avec la reformation de cette commission qui avait volé en éclat trois ans plus tôt, la question du renouvellement des études d’usages est à l’ordre du jour. Ces études servent à jauger les pratiques de copie d’un panel de sondés pour en déduire ensuite des taux de perception. On le comprend facilement, le spectre, la méthodologie, mais aussi la société chargée de ces études sont des points cruciaux.

Quand la confiance exclut le contrôle extérieur

S’agissant du spectre, on sait de longue date que les ayants droit rêvent de faire tomber dans le champ de la perception les PC hybrides. Ces PC avec écran détachable qu’ils considèrent comme des tablettes un peu évoluées. Une telle assimilation leur permettra de percevoir de la redevance copie privée, alors que l’univers des PC, portables ou fixes, a toujours été un no man’s land de cette ponction.

S’agissant de la méthodologie, le 14 septembre dernier, l’AFNUM, l’un des groupes d’industriels siégeant autour de la table, a relancé « la demande de faire appel à une expertise extérieure et indépendante afin d’analyser certains points de la méthode de calcul » permettant d’arriver aux barèmes. Le point a été repoussé par les ayants droit. 

Selon Marc Guez, représentant de Copie France pour les gros producteurs de phonogrammes, « des débats ont déjà eu lieu sur la méthode de calcul ». Pour l’heure, « il conviendrait d’attendre les résultats des études d’usages avant de rouvrir les discussions ».

Idzard Van Der Puyl, autre représentant de Copie France, la réponse est plus simple : celui-ci « n’est pas favorable à l’idée de recourir à une expertise extérieure ». 

Pour mieux jauger le degré de confiance, remarquons qu’au terme de ces échanges, l’AFNUM a informé la commission « que son organisation a fait appel à un institut afin de mener une étude sur les usages de consommation en matière de contenus audio et vidéo sur les smartphones ». En clair, il y aura deux études d’usages : l’une chapeautée par le ministère de la Culture dans le cadre d’un marché public, l’autre par cet organisme privé… 

L'Institut CSA, choix des ayants droit et du président de la commission 

S’agissant enfin de la société chargée de ces études d’usages, qui permettront de construire les futurs barèmes de perception, la libération des comptes rendus de la commission a confirmé nos informations sur le rôle prépondérant du président Jean Musitelli. 

Deux organismes bataillaient pour remporter ce marché public lancé par le ministère de la Culture. D’un côté, Médiamétrie, de l’autre l’Institut CSA. Différence ? Le premier, moins onéreux, a opté pour un sondage par téléphone auprès de 1 000 personnes. Le second préfère une étude à domicile auprès de 600 personnes, plus chère. Seul l’Institut CSA avait les faveurs des ayants droit. 

L’aveu n’a pas été clairement fait, mais en se rendant physiquement chez le sondé, l’enquêteur pourra ausculter les disques durs, clefs USB, tablettes etc. afin de dénombrer le nombre de fichiers copiés. 

Si le sondé indique que ces éléments ont été acquis légalement, ces fichiers viendront justifier des prélèvements importants. 

Si au contraire, il avoue avoir téléchargé ces fichiers sur des sites considérés comme « pirates », alors la jauge de la redevance baissera. Et pour cause, la redevance pour copie privée ne peut servir à compenser le préjudice né des contrefaçons. 

Les industriels considèrent depuis longtemps que cette méthode conduit à surgonfler les pratiques de copie privée à partir de sources licites, et donc les barèmes. Face à un enquêteur mandaté par le ministère de la Culture, le particulier ne sera-t-il pas tenté de mentir, dire qu’il s’approvisionne chez Spotify plutôt que sur NewAlbumReleases ? 

Le 9 mai dernier, un vote a été organisé au sein de la commission copie privée afin d’élire la société qui aura les faveurs de la commission copie privée. Un premier vote a montré une opposition forte : 12 ayants droit pour l’Institut CSA. 6 industriels et 6 consommateurs contre. Une égalité parfaite.

vote 1 commission copie privée

Face à cette égalité, le président Jean Musitelli a fait procéder à un nouveau vote, où cette fois il a participé comme le lui autorise le Code de la propriété intellectuelle. On retrouve son nom parmi les bulletins des ayants droit...

vote 2 commission copie privée

Résultat ? « La majorité des membres a voté en faveur de la proposition de CSA. »

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Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

Quand la confiance exclut le contrôle extérieur

L'Institut CSA, choix des ayants droit et du président de la commission 

Commentaires (21)


Quelle nouvelle ! Le président qui est un représentant de l’État vote avec les bénéficiaires du droit à rémunération.



Rien de nouveau, donc.


Je reprends mon commentaire précédent



“La perte est le prix du disque dur, et représente le nombre DVD qu’on aurait pu acheter et pas plus.



le prix d’un disque dur à 100 € ne représente qu’environ 5 DVD en promo à 20 € (ce que la famille aurait pu se permettre sur le mois) dès sa sortie par personne (ou famille. )



Si on compte l’argent dépensé en jeux vidéos ou activité extra-scolaire, je ne vois pas d’autres pertes pour les AD (sauf la popularité d’attirer les personnes à aller au cinéma la prochaine fois ou pas). Il faut dire que le Disque dur, on n’en achète pas tous les mois. ce qui fausse encore les 5 DVD par mois”



Il faut dire aujourd’hui qu’une offre différente s’ajoute aux dépenses des gens, et qui ne fera pas vendre plus de DVD, ce sont les nouveaux abonnements de type “Netflix” ou bouquets supplémentaires des FAI


C’est dommage qu’on ait pas de reportage “zone interdite” ou autre sur les AD et leur lobbying en France… Ca toucherait un peu plus les masses. Ou alors PC Impact obligatoire dans les écoles :p

 



La voie lactée... Marc m'a tuer

Si le sondé indique que ces éléments ont été acquis légalement : Faut t’il encore pouvoir copier les fichier légaux sur une clef usb… Je propose qu’ont taxe aussi les souris et les claviers car c’est grâce à eux qu’il est possible de copier les fichier.



 







2show7 a écrit :



Il faut dire aujourd’hui qu’une offre différente s’ajoute aux dépenses des gens, et qui ne fera pas vendre plus de DVD, ce sont les nouveaux abonnements de type “Netflix” ou bouquets supplémentaires des FAI





:)



Je suis intrigué par cette notion d’aller ausculter les disques durs des sondés.

Je suppose qu’il y avait un appel d’offre, et que cet appel d’offre décrit une certaine façon de faire, ou des exigences. Si dans ces exigences, il y a l’auscultation (ce qui est douteux, mais c’est un autre débat), alors l’offre de Médiamétrie n’est pas recevable. Si elle n’y est pas, mais que le CSA la propose, ça ne devrait pas favoriser le CSA. Je suppose que le CCTP, les offres et leurs évaluations ne sont pas diffusées?



Ce qui serait aussi intéressant à analyser, ce serait la liste des questions posées par les sondeurs. J’en avais vu un extrait il y a quelques années, c’était clairement orienté pour que les gens se trompent et répondent en incluant tout ce qui était piraté.








Zerdligham a écrit :



Je suppose que le CCTP, les offres et leurs évaluations ne sont pas diffusées?



Le CCTP a dû l’être, logiquement. Les offres et leurs évaluations vu qu’elles contiennent des informations sensibles (autour de la facturation entre autre) ne devrait pas.



C’est pas garanti. Dans certaines procédures, il faut gagner une préseléction pour avoir accès à l’appel d’offre complet.



Sinon, l’analyse caviardée des éléments financiers serait déjà instructive.


Heu, c’est un sondage ou une perquisition ? D’où le sondeur peut “ausculter les disques durs, clefs USB, tablettes etc. afin de dénombrer le nombre de fichiers copiés” ???



Bon ok, avec l’autorisation de la personne, c’est toujours possible, mais quand même, ça me semble dépasser très largement le cadre d’une étude. Ou si les personnes sont “volontaires” pour se laisser fouiller par un inconnu, elles touchent combien pour ça ?


J’ai du mal à voir le mec demander “je peux regarder votre ordinateur ?”

Installer un programme qui va auditer tout ça automatiquement, alors ça…



En plus il va y avoir une confusion entre CSA l’institut de sondage et CSA le conseil supérieur audiovisuel

Le noob va ouvrir parce que le CSA inspecte son ordinateur ça va lui sembler inquisitoire ce truc !



Quand je vois le nombre de gens pas capables de protester pour un truc, la madame michu elle va se sentir en panique quoi…



Et quid de l’anonymisation une fois les stats sortie du logiciel ? entre le sondage papier (qui a l’adresse du sondé) et le fichier numerique de stats il y aura bien un lien ?



ca me parait extrêmement compliqué à mettre en place d’un point de vu légal…  



A mon avis ils ont choisi CSA parce qu’ils pensent que le sondeur aura accès physiquement au disque dur, mais il y a aucune base légale pour ça…


Il y a un autre point qui me dérange dans cette attribution: l’institut CSA appartient à la société Havas, qui à son tour appartient au groupe Bolloré. Vincent Bolloré est le président du conseil d’administration de Vivendi qui détient entre autres le groupe Canal+ et Universal Music Group…



Comment se protège-t-on du risque de conflit d’intérêt?


un  fichier audio ou video acheté en version numerique on est bien obligé de le télécharger pour le lire offline. Je suppose qu’ils ne le comptent pas comme une copie.

 

bon je dis cela mais en dehors de qq films ultraviolet (dont j’ai le support physique) et en excluant mes jeux steam/gog/uplay/origin, j’ai rien en numerique a part une grosse flopée de livre ou la c’est bien le cas (merci l’offre a 1 euro le livre de bragelonne il y a qq années)


En plus quand tu dis CSA je suis sûr quand 99% des gens pensent direct au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, surtout quand tu précises “sur désignation du ministère”








Zerdligham a écrit :



Je suis intrigué par cette notion d’aller ausculter les disques durs des sondés.

Je suppose qu’il y avait un appel d’offre, et que cet appel d’offre décrit une certaine façon de faire, ou des exigences. Si dans ces exigences, il y a l’auscultation (ce qui est douteux, mais c’est un autre débat), alors l’offre de Médiamétrie n’est pas recevable. Si elle n’y est pas, mais que le CSA la propose, ça ne devrait pas favoriser le CSA. Je suppose que le CCTP, les offres et leurs évaluations ne sont pas diffusées?



Ce qui serait aussi intéressant à analyser, ce serait la liste des questions posées par les sondeurs. J’en avais vu un extrait il y a quelques années, c’était clairement orienté pour que les gens se trompent et répondent en incluant tout ce qui était piraté.





pas d’inquiétude, j’ai la CADA au ceinturon.

 









norbator a écrit :



Il y a un autre point qui me dérange dans cette attribution: l’institut CSA appartient à la société Havas, qui à son tour appartient au groupe Bolloré. Vincent Bolloré est le président du conseil d’administration de Vivendi qui détient entre autres le groupe Canal+ et Universal Music Group…



Comment se protège-t-on du risque de conflit d’intérêt?





En créant un mille-feuille de sociétés intermédiaires incompréhensible, permettant en même temps d’échapper aux impôts.

 

Ha pardon… je pensais que posais cette question pour M. Bolloré…<img data-src=" />





Face à un enquêteur mandaté par le ministère de la Culture, le particulier ne sera-t-il pas tenté de mentir, dire qu’il s’approvisionne chez Spotify plutôt que sur NewAlbumReleases ?





C’est marrant, mais ça me fait un peu penser aux vendeurs d’énergie qui se font passer pour EDF/GDF dans le but de gagner la confiance du démarché…



Bref, qu’ils continuent avec leurs barèmes délirants… Ils peuvent même taxer à hauteur de 5000€ de l’octet s’ils veulent, ça m’empêchera pas d’acheter dans des pays plus raisonnables à moins de quitter le marché unique.

Et oui, l’Europe a quelques avantages. <img data-src=" />








razibuzouzou a écrit :



C’est dommage qu’on ait pas de reportage “zone interdite” ou autre sur les AD et leur lobbying en France… Ca toucherait un peu plus les masses.





C’est vrai.







razibuzouzou a écrit :



La voie lactée… Marc m’a tuer





Je n’ai pas compris le sous-titre…









SebGF a écrit :



Bref, qu’ils continuent avec leurs barèmes délirants… Ils peuvent même taxer à hauteur de 5000€ de l’octet s’ils veulent, ça m’empêchera pas d’acheter dans des pays plus raisonnables à moins de quitter le marché unique.





Ça ne te gêne pas que la majorité des Français, qui ne connaissent pas ce mécanisme ni les moyens de s’en protéger, financent ces escrocs? C’est un peu comme dire que la mafia peut bien racketter ce qu’elle veut, parce que de toute façon tu sais t’en prémunir…







MarcRees a écrit :



pas d’inquiétude, j’ai la CADA au ceinturon.





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Non, ça ne me gène pas.


Bah je déplore tout autant que toi ces barèmes stupides… Mais à un moment j’évite de victimiser.



Je me dis juste que torpiller notre économie doit faire partie de l’exception culturelle française.


Moi ça me gène.

Ces andouilles poussent les français à faire comme eux: payer hors de France.

Alors qu’il y a du chomage. (emplois pour la vente de consommables)

Alors qu’il y a des consommateurs de culture (emplois pour la vente de biens culturels et de services)