Mise en Open Data des décisions de justice : un rapport attendu pour fin octobre

Mise en Open Data des décisions de justice : un rapport attendu pour fin octobre

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Xavier Berne

Publié dans

Droit

28/09/2017 6 minutes
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Mise en Open Data des décisions de justice : un rapport attendu pour fin octobre

Prévue par la loi Numérique, la mise en Open Data des décisions de justice prendra « plusieurs années », dixit la Chancellerie. Une mission de préfiguration de cette réforme a néanmoins été lancée pour poser les bases de ce chantier. Son rapport est attendu pour le 31 octobre.

Quand bien même le site Légifrance fournit aujourd’hui un accès à de très nombreuses décisions de justice, force est de constater que le portail officiel du droit est (très) loin de rassembler l’ensemble des jugements rendus quotidiennement par les magistrats français. « 1 % seulement des décisions de justice sont disponibles sur Légifrance, le reste est vendu à des abonnés, dont des éditeurs... » s’était ainsi émue la sénatrice Corinne Bouchoux, en avril 2016, lors les débats sur le projet de loi Numérique.

Toujours aucun décret d’application

Pour favoriser l’accès de tous au droit, l’élue écologiste a ainsi proposé (de concert avec le gouvernement) que l’ensemble des décisions de justice soient dorénavant publiées sur Internet. Après des débats plutôt houleux au Sénat puis en commission mixte paritaire, le législateur a finalement décidé que tous les jugements rendus par les juridictions civiles et administratives, qu’ils soient définitifs ou non, seraient « mis à la disposition du public à titre gratuit ».

Seul hic : aucune date n’a été fixée pour l’entrée en vigueur de cette réforme... Les parlementaires ont effet confié cette tâche à l'exécutif, qui devra, par décret en Conseil d’État, en fixer les conditions de mise en œuvre.

Ce chantier s’annonce d’autant plus délicat que chaque publication devra, aux termes de la loi Numérique, être « précédée d’une analyse du risque de ré-identification des personnes ». Une condition qui avait fait bondir la secrétaire d'État au Numérique, Axelle Lemaire, au motif qu’il s’agissait d’un frein considérable à l’Open Data. « L’analyse de risque ne se fera pas au cas par cas, mais constituera un canevas à prendre en compte pour la mise en ligne des décisions de justice », avait néanmoins tenu à préciser le rapporteur Frassa en commission mixte paritaire, histoire de désamorcer le conflit en cadrant la réforme à venir.

Une mission confiée en mai dernier à Loïc Cadiet

Mais à quasiment un an de la promulgation de la loi Lemaire, où en est ce dossier ? Interrogée par la sénatrice Nathalie Goulet (UDI), la Garde des Sceaux explique au travers d’une réponse écrite en date du 21 septembre que son prédécesseur Jean-Jacques Urvoas « a confié une mission d'étude et de préfiguration à M. Loïc Cadiet, professeur à l'école de droit de la Sorbonne, le 9 mai 2017 ».

Chargé « d'éclairer la rédaction » du (ou des) futur(s) décret(s) sur la mise en Open Data des décisions de justice, le juriste est épaulé par des personnalités provenant du Conseil d'État, de la Cour de cassation, du Conseil national des barreaux, de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), ainsi que des représentants des chefs de cours et de juridictions administratives et judiciaires.

Les travaux de cette mission « ont débuté dans le courant du mois de juin 2017 », poursuit la ministre de la Justice. Différentes auditions et consultations sont encore en cours. Celles-ci touchent toutefois à leur fin, puisqu’il est prévu que Loïc Cadiet « rende un rapport définitif au Garde des sceaux le 31 octobre 2017 ».

Sollicitée depuis plusieurs jours, la Place Vendôme ne nous avait pas communiqué la lettre de mission exacte de Loïc Cadiet à l’heure où nous publions cet article. Un point assez regrettable pour un dossier en lien avec la transparence...

De son côté, Loïc Cadiet s’est refusé à commenter dans le détail ses travaux. « Nous avançons avec régularité vers l'échéance fixée pour la remise de notre rapport », nous a-t-il simplement assuré.

Une réforme appelée à s’étendre sur « plusieurs années »

En décembre 2016, la Chancellerie nous avait confié que le gouvernement pensait fixer par décret « le périmètre de l'Open Data », c’est-à-dire « les décisions de justice susceptibles de faire l'objet d'une diffusion (...) et, dans les décisions diffusées, la nature des informations devant faire l'objet d'une anonymisation ». Enfin, il était question de déterminer « les modalités de mise en œuvre de la prévention du risque de ré-identification des personnes ».

En complément, des arrêtés étaient envisagés afin de détailler « le calendrier de mise en œuvre de l'Open Data, en tenant compte des contraintes techniques et du calendrier d’évolution des systèmes d’information judiciaires ».

Plus concrètement, l'entourage du Garde des sceaux expliquait qu’il s'agirait vraisemblablement de commencer par « enrichir la base de données tenue par le service de documentation de la Cour de cassation en y intégrant progressivement et de façon automatisée l’ensemble des décisions prononcées ».

Le scénario envisagé : « Les décisions rendues par les juridictions d'appel seraient les premières à être intégrées au processus d'Open Data. En matière civile, les arrêts des cours seraient intégrés grâce à la base de données « Jurica », actuellement existante à la Cour de cassation. En matière pénale, le déploiement de Cassiopée dans les cours d'appel permettrait d'intégrer les arrêts rendus en matière pénale moyennant le développement d'un applicatif adapté. Les décisions de première instance seraient intégrées à la base de données dans un second temps ».

Une solution d’anonymisation confiée à la Direction de l’information légale et administrative (DILA) devait par ailleurs être expérimentée dans le courant de l’année.

La Chancellerie prévenait ainsi que la mise en Open Data des décisions de justice ne pourrait « qu’être progressi[ve] et sur plusieurs années »... D’autant qu’au-delà de simples considérations techniques, l’ouverture des décisions de justice suscite de nombreuses interrogations, notamment éthiques, au sein des professionnels du secteur, comme le rapportait il y a peu Hubert Guillaud dans son blog « Internet Actu ».

Ces difficultés semblent avoir conduit l’exécutif à revoir ses ambitions, puisqu’il envisageait initialement de publier deux décrets lors du premier trimestre 2017... Un cas de figure qui est loin d'être rare. Comme nous l’avons pointé il y a quelques semaines, ce sont près de la moitié des textes d’application de la loi Numérique qui manquent encore à l’appel (voir notre article).

décrets jurisprudence lemaire

Écrit par Xavier Berne

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Sommaire de l'article

Introduction

Toujours aucun décret d’application

Une mission confiée en mai dernier à Loïc Cadiet

Une réforme appelée à s’étendre sur « plusieurs années »

Commentaires (8)


Voila le principal frein pour le développement d’outils informatiques lié à la Justice.



L’impératif du respect de l’anonymat (de tous; parties, conseils et juges) est indispensable, mais il ne doit pas être un prétexte pour que ce dossier ne bouge pas.


“le législateur a finalement décidé que tous les jugements rendus par les juridictions civiles et administratives, qu’ils soient définitifs ou non, seraient « mis à la disposition du public à titre gratuit ».”



Ce n’est pas prématuré ?








2show7 a écrit :



“le législateur a finalement décidé que tous les jugements rendus par les juridictions civiles et administratives, qu’ils soient définitifs ou non, seraient « mis à la disposition du public à titre gratuit ».”



Ce n’est pas prématuré ?





Ca peut être intéressant pour l’usage envisagé; à savoir constituer des bases de données riches qui permettent des analyses via des algos de scoring (ou encore prédictif, vocabulaire à la * pour tout simplement dire quantitatif).



On développe des outils d’aide à la prise de décision en droit et donc pour la Justice au sens large.



Outre la nécessité de développer des modèles pertinents que l’on utilise avec nos algos (très honnêtement c’est loin d’être le cas de ce que j’ai vu tourner sauf sur les problématiques relativement standards presque binaires), il faut beaucoup de décision pour que l’apprentissage via l’algo soit le plus juste possible (là encore j’ai envie de dire le moins faux possible…).



Donc avoir les décisions pas définitives ou qui ne sont que provisoires est utile.



Je prends plutôt le cas où la suite vient annuler malgré tout ce qui a été fait avant. C’est ce qui arrive assez souvent.


Ceux qui râlent parce que ça ne va pas assez vite à leur goût, vous viendrez pas pleurer quand dans 5 ans, des chercheurs de tel ou tel université arrivent à matcher les données de votre dernière condamnation pour conduite bourré ou votre divorce avec votre identité en fonction de ce que vous postez sur les réseaux sociaux.








Sedna a écrit :



Ceux qui râlent parce que ça ne va pas assez vite à leur goût, vous viendrez pas pleurer quand dans 5 ans, des chercheurs de tel ou tel université arrivent à matcher les données de votre dernière condamnation pour conduite bourré ou votre divorce avec votre identité en fonction de ce que vous postez sur les réseaux sociaux.





Aucun rapport. Les décisions doivent rester strictement anonymes (bien que certains rêvent de conserver des informations qui indirectement peuvent permettre la ré-identification…).



L’objectif est de mettre en place des outils d’aide à la rédaction d’actes ou de décisions. Pas de “scrorer” tel ou tel ce qu’il faut rendre impossible (tandis que certains boites le font ouvertement et que personne ne bouge dont la CNIL…).



A défaut ces outils seront vendus uniquement par de grands groupes (actuellement essentiellement les compagnies d’assurance et certains géants du net), de sorte que ces outils seront très probablement pas neutres et leurs sources inaccessibles.



Chose impensable s’agissant de Justice mais qui est pourtant bien réelle non pas future mais actuelle (l’obligation légale pour le Juge se limitant pour l’instant à indiquer quel soft il a utilisé pour aider à sa prise de décision).









crocodudule a écrit :



(l’obligation légale pour le Juge se limitant pour l’instant à indiquer quel soft il a utilisé pour aider à sa prise de décision).





“bah en fait je lance un démineur et si j’arrive au bout, le mec est innocent” <img data-src=" />









WereWindle a écrit :



“bah en fait je lance un démineur et si j’arrive au bout, le mec est innocent” <img data-src=" />





En l’état de ce que j’ai vu tourné en matière de soft de justice prédictive, ca serait pas moins efficace ^^