État d’urgence : au Sénat, le gouvernement corrige les interdictions de séjour

État d’urgence : au Sénat, le gouvernement corrige les interdictions de séjour

Et autorise les perquisitions informatiques

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Marc Rees

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Droit

28/06/2017 4 minutes
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État d’urgence : au Sénat, le gouvernement corrige les interdictions de séjour

Le projet de loi sur l’état d’urgence sera examiné ce matin en commission des lois au Sénat dès 9h30. Le gouvernement vient de déposer un amendement pour tenir compte d’une récente censure du Conseil constitutionnel concernant les interdictions de séjour.

C’est aujourd’hui que le projet de loi visant à proroger l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre sera examiné en commission des lois. Après discussion et vote des amendements, le texte sera prêt pour l’hémicycle. Quatre rustines ont été déposées hier par le rapporteur UDI Michel Mercier, dont l’un fait suite à la censure du Conseil constitutionnel du 9 juin 2017 concernant les interdictions de séjour. 

De l'amendement Mercier...

Ce matin, le gouvernement a lui aussi déposé son patch sur cette disposition. Pour mémoire, le Conseil constitutionnel a épinglé le 3° de l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence . Cet article autorisait le préfet à interdire « le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics ». Une interdiction jugée trop large, permettant de réprimer une simple « entrave » qui n’est pas « nécessairement justifiée par la prévention d'une atteinte à l'ordre public ».

Dans son amendement, le sénateur Mercier voulait reconnaître au préfet le pouvoir « 3° D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Le périmètre et la durée de cette interdiction tiennent compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. »

... à l'amendement du gouvernement

Mais le gouvernement lui préfère une autre version, visiblement plus sécurisée puisqu’elle vient préciser que les pouvoirs du préfet, s’agissant de l’interdiction de séjour, mais aussi des zones de protection et les interdictions de circulation, auront toutes pour « but de prévenir les troubles à la sécurité et à l’ordre publics ».

S’agissant des interdictions, il compte reconnaître à cette autorité locale le pouvoir : « 3° D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. L’arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s’applique, qui ne peut inclure le domicile de la personne intéressée. » 

Les arrêtés pris par les préfets devront donc être plus détaillés notamment s’agissant du territoire où l’individu considéré comme menaçant n’a plus de droit de cité. Avec deux détails d’importance : ce territoire ne pourra inclure le domicile de la personne intéressée et les mesures devront toujours tenir « compte de la vie familiale et professionnelle ». Soit, autant de leviers sur lesquels les contentieux pourront se nouer.

Une prorogation qui autorisera encore les perquisitions informatiques

On remarquera enfin qu’il n’y a aucun amendement de suppression de la sixième prorogation de l’état d’urgence. De plus, le projet de loi emportera, pour sa durée, application du I de l'article 11 de la loi de 1955. Et donc ouvrira la possibilité de réaliser des perquisitions informatiques en tout lieu, du moins « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ».

Écrit par Marc Rees

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De l'amendement Mercier...

... à l'amendement du gouvernement

Une prorogation qui autorisera encore les perquisitions informatiques

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Commentaires (15)


J’aurais préféré le remplacement de lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser par lorsqu’il existe des preuves.



Mais bon, chacun sait que les preuves (i.e. d’innocence) c’est à la défense de les apporter ! Oh !? Wait…


Cela permet une plus grande liberté d’interprétation.


En droit, la présomption est une forme de preuve.



Sinon on ne pourrait pas engager d’action en cas de présomption de mise en danger de la vie d’autrui (ou de harcellement, ou de détournement, …)


Ainsi il sera possible d’interdire à tous les citoyens de s’installer dans un lieu pour le défendre contre l’industrialisation et/ou l’exploitation sauvage… Un bon moyen également d’interdire aux leaders de mouvements sociaux de se rendre aux manifestations… Elle est où la différence avec l’autre qu’on ne voulait vraiment pas ?








OursKkaoss a écrit :



Ainsi il sera possible d’interdire à tous les citoyens de s’installer dans un lieu pour le défendre contre l’industrialisation et/ou l’exploitation sauvage… Un bon moyen également d’interdire aux leaders de mouvements sociaux de se rendre aux manifestations… Elle est où la différence avec l’autre qu’on ne voulait vraiment pas ?





Tout à fait d’accord. Il y a une brèche dans ce texte qui ne me plaît pas du tout. Il ne se limitera pas au terrorisme. On pourra l’adapter à la jungle de Calais par exemple, ou à tout individu qui dérange et qui prend de la visibilité.



 D’autre part, il y a pour moi un autre point qui n’est pas abordé : si tous les préfets déclarent la même interdiction de séjour, il se passe quoi pour le résident ?



Nous sommes d’accord. Ce qui m’ennuie, c’est la forme. Présenté ainsi, cela laisse poindre la possibilité de sanctionner (l’interdiction de séjour) avant toute autre investigation.



En gros, oui, la présomption est une forme de preuve. Mais, pour démarrer des investigations, pas pour appliquer des sanctions.



Ma fâcheuse tendance à noircir tous les tableaux y vois l’ouverture de la boite de Pandore.


bah, tant qu’on peut aller vivre en Turquie…


hum… comment dire… L’occupation illégale (Calais, ZAD) est déjà interdite par la loi (heureusement).

Ce nouveau texte ne change rien pour ce cas.



Pour le reste, comme avec n’importe quel texte de loi il peut y avoir des abus, de l’excès de zèle ou du laxisme. Dans ce cas il existe des recours, même pour une acte administratif (google “recours pour excès de pouvoir”)


peut être mais pour le citoyen lambda ….faut des ronds pour se payer un avocat et les coûts de ces procédures…donc ,au final, on ferme sa gueule et on offre le gravier avec


Comme avant ce texte, en fait… non ?


C’est dingue comme les textes législatifs sont (apparemment) proposés de façon toujours plus floue, vague et alambiquée à mesure que le temps passe.



–> « Tenir compte de la vie familiale et professionnelle. »



Si je suis VRP multi-cartes sur tout le territoire national, je suis immunisé contre cette disposition légale ? Si j’ai des cousins aux quatre coins du pays, pareil ? Ou bien alors c’est à la tête (porte-monnaie/billets) du client ?



&nbsp;L’avènement du règne de l’iniquité… <img data-src=" />



&nbsp;


Ce que je voulais dire, c’est que si des gens veulent intervenir pour défendre les immigrés, que ça pose des problèmes, etc.



Mon discours voulait dire que le texte crée une brèche dans le sens où il est très large d’application. Même s’il y a des recours, faut pouvoir se défendre. C’est la porte ouverte au développement d’un état policier.



Ex :&nbsphttp://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/10/29/un-journaliste-poursuivi…


Comment ça se passera si une personne est interdite de séjour dans tous les départements par tout les préfets?


oui oui mais avec plus de choix et de prétexte à …


<img data-src=" />c’est l’inverse : “tenir compte” : quand ils ‘agit d’un journaliste poil à gratter, tenir compte de ses conditions professionnelles signifie tout faire pour qu’il ne puisse pas le faire, donc toute la france interdite \o/



Cette tournure est machiavélique