Copie privée : bras de fer contre bras de terre sur le prestataire des études d'usage

Copie privée : bras de fer contre bras de terre sur le prestataire des études d’usage

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Marc Rees

Publié dans

Droit

27/04/2017 6 minutes
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Copie privée : bras de fer contre bras de terre sur le prestataire des études d'usage

La Commission Copie privée poursuit ses travaux. L’objectif ? Voter les nouveaux barèmes sur les box, disques durs externes, tablettes et smartphone. Préalable inévitable : trouver le bon prestataire chargé des études d’usages qui serviront à ces fins calculs. Dans le même temps est consacrée l’arrivée d’un nouveau membre.

Ce n’est qu’un rappel : la redevance pour copie privée vient combler le préjudice subi par l’ayant droit du fait des capacités de copies privées des œuvres licites sur les supports vierges détenus par les personnes physiques. À cette fin, des études d’usages organisées par une commission administrative, la Commission copie privée, vient jauger les pratiques des utilisateurs. En bout de course, des données glanées, une phase de calculs, mais aussi de consensualisme permettent de déterminer les montants prélevés sur chacun des supports mis sur le marché en France.

Le ministère de la Culture a lancé le 13 décembre 2016 un marché public destiné à réaliser une étude sur quatre segments : les décodeurs et box opérateurs, les disques durs externes, les téléphones mobiles multimédias et les tablettes tactiles multimédias, dans lesquels sont rangés au forceps les PC hybrides.

Selon nos informations, deux instituts seraient retenus par la Commission. Médiamétrie et l’Institut CSA. Seulement, au sein de cette instance sise Rue de Valois, les membres se divisent sur le choix de l'heureux élu.

Médiamétrie vs Institut CSA ?

Médiamétrie proposerait en effet de mener à bien une étude d’usage en ligne, via donc un questionnaire publié sur un site d’où seront glanées les réponses des consommateurs. Dans le collège des redevables (industriels et consommateurs) la préférence aurait été marquée pour cette méthode. L’Institut CSA préfèrerait en rester à une méthode beaucoup plus traditionnelle, celle du porte-à-porte. Le tarif d’un sondage en « face à face » est évidemment beaucoup plus cher, mais il séduirait le collège des ayants droit (12 membres).

Selon eux, la complexité des questions à poser exigerait cette rencontre physique que ne permet pas Internet. Une certitude : une rencontre sondeur/sondé permettra de reproduire les pratiques du passé, à savoir l’inquisition dans les tréfonds des supports du sondé.

Le porte-à-porte et la fouille des supports de Mme Michu

L’inquisition ? En 2011, Next INpact avait déjà révélé quelques-unes des questions élaborées par les ayants droit : « Nous souhaiterions à présent connaitre le nombre de fichiers présents sur votre baladeur audio (dit MP3) A ce titre, pouvons-nous regarder ensemble les fichiers qu’il contient ? ».

Pour rassurer le sondé, il était même suggéré à l’enquêteur de le « relancer sur le fait que nous ne souhaitons pas regarder dans les fichiers, mais uniquement compter le nombre de fichiers présents ». Un peu plus loin dans le flot des questions posées, on tombait sur cette autre question: « Pensez-vous avoir copié, enregistré ou téléchargé des fichiers piratés au cours des 6 derniers mois sur votre baladeur audio (dit MP3) ? » ou encore « Selon vous, quelle est la part de fichiers piratés copiés, enregistrés ou téléchargés sur votre baladeur audio (dit MP3)? », etc. 

sondage question copie privée

À l’époque, distributeurs et industriels avaient écrit au président de la Commission copie privée pour anticiper des biais dans les réponses : « puisqu’il est d’usage de demander les coordonnées de l’interviewé, les résultats relatifs au piratage seront considérablement sous-évalués, alourdissant ainsi mécaniquement la part de la copie privée par rapport à la copie illicite, et donc les barèmes ».

Pourquoi ces remarques ? Du fait d’une jurisprudence du Conseil d’État de 2008, la redevance copie privée ne peut compenser les pratiques de copies illicites. Les sondages doivent donc impérativement exclure les fichiers de sources illicites.

Il est simple alors d’imaginer la scène dénoncée : voilà un enquêteur mandaté par une commission rattachée à un ministère de la Culture, là où sont nés DADVSI ou HADOPI. L'enquêteur souhaite fouiller disques durs, tablettes, téléphones, box d’un sondé. Il demande ensuite à Mme Michu et ses enfants leurs sources d’approvisionnement. La crainte est que le sondé n’opte pour la discrétion maximale, minorant les sources illicites. Mécaniquement, cela gonflera la part du licite et du fait de la jurisprudence en vigueur, cela justifiera naturellement la perception d’un barème plus élevé dans les tarifs en gestation.

Un vote normalement acquis

Le 2 mai, la Commission copie privée se réunira pour tenter de choisir le titulaire du marché public. S’ils viennent tous, les ayants droit sont déjà assurés d’être en majorité puisque l’un des représentants des consommateurs a déjà dit qu'il sera absent : 12 contre 6 industriels + 5 consommateurs,  le résultat est beaucoup plus prévisible que le deuxième tour de la présidentielle.

Ajoutons pour finir, qu’un arrêté a été publié ce matin au Journal officiel. Il consacre, toujours dans le collège des consommateurs, le remplacement de la CLCV par l’INDECOSA-CGT (Association pour l’information et la défense des consommateurs salariés). Une place de choix pour la CGT qui ne s'intéresse pas seulement aux consommateurs mais aussi à la culture. D'ailleurs, une certaine Catherine Almeras est membre à la fois du Conseil d’administration de l’ADAMI, une des sociétés de gestion collective siégeant à la Commission copie privée, et de la direction générale du SFA-CGT, le syndicat français des artistes interprètes. 

Ce J.O. consacre d’ailleurs plus un retour qu’une arrivée. En 2001, INDECOSA-CGT siégeait déjà en Commission copie privée, toujours dans le collège des consommateurs. Si l’on remonte aux archives du 19 juillet 2001, on tombe sur un échange entre Daniel Tournez, alors secrétaire général de l'association, et Pascal Rogard (SACD). Sujet du jour ? La question de la taxation des décodeurs.

Ce dernier plaidait pour un assujettissement au plus vite de ces produits en devenir.  « C’est vrai que c’est ennuyeux de laisser les produits envahir le marché sans pouvoir défendre la rémunération, embrayait le représentant des consommateurs, mais tant qu’un produit n’est pas lancé, il a une valeur marchande relativement élevée, et avec l’évolution rapide, plus le produit est élevé au départ et moins il a de chance de percer sur le marché. Un bon paysan attend toujours que le blé soit bien sec avant de le faucher ».

indecosa

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Médiamétrie vs Institut CSA ?

Le porte-à-porte et la fouille des supports de Mme Michu

Un vote normalement acquis

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (27)


Une question, elles sont publiées ces études d’impact ?



J’avais envoyé un mail avec le contac copie privée, je n’ai évidemment jamais eu de réponse. Encore un truc qui sent bon la transparence&nbsp;<img data-src=" />




A ce titre, pouvons-nous regarder ensemble les fichiers qu’il contient ?

: Jamais, je les laisserai regarder mes disques, les laisserais pas entrer aussi chez moi.<img data-src=" />


Non… Uniquement les délibérations

&nbsp;


du coup, y’aura un debarquement de la hadopi avec le gign chez toi…


Ils ont la loi de leur coté, dirait pas non.



Juste qu’il toc, pour que j’ouvre, cela coute chère de remplacer une porte.


J’aimerais bien savoir comment ils font le tri quand ils regardent chez le particulier parce que je n’ai pas un seul fichier audio illégal téléchargé et pas de téléchargement en local de Spotify (écouter en ligne me suffit) mais si je recherche des MP3, j’en trouve quelques centaines, la plupart étant des bandes-sons ou sons de jeux, la plupart indépendants ou plus anciens.


“la plupart indépendants ou plus anciens.” ca ne compte pas. Ce qui compte : source licite/illicite. ;)


Donc avoir le jeu original installé avec sa bande-son fait de moi un utilisateur de copie licite redevable de la Copie Privée.&nbsp;Je continue à adorer ce monde merveilleux dans lequel nous vivons.&nbsp;<img data-src=" />


S’ils autorisent le libre partage non marchand au titre de la copie privée, ça ne me dérange pas.


Le tout est de savoir si on est prévenu de leur passage :-)


Donc, si ils viennent chez moi, je leur dit que j’ai 2 To de tipiak. <img data-src=" />

Amusez-vous avec vos barèmes les gars.


Pareil, c’est implacable !


@Ricard

seulement 2To, tu faiblis … <img data-src=" />



Question, la musique “libre”, type Jamendo ou autre, c’est du licite alors que les auteurs/interpretes ne “cotisent” pas à la sacem &co ? C’est de l’illicite ?

J’aime aussi payer de la RCP sur mes supports photos alors que l’ayant droit c’est bibi !

Ca rentre dans quelle case de leur questionnaire, la copie/sauvegarde de mes prises de vue ?


Je me demande ce qu’il en est aujourd’hui du remboursement de la RCP pour les professionnels. Aux dernières nouvelles il me semble qu’ils pouvaient demander le remboursement mais que comme pour celui des identifications ADOPI aux FAI ça traînait en longueur.


techniquement, la musique libre (CC , ..) est licite, et sa copie ne provoque aucun&nbsp; manque à gagner.

Donc récupérer des sous en les comptants c’est comme récupérer des sous en comptant les copies illicites : illicite !


ca rentre dans la case “rack, on a la force publique qui est derrière nous”.

Si tu n’es pas un pro, donc avec un kbis itou , et que tu n’es pas prêt à perdre plusieurs heures et sans doute plusieurs recommandés, ben tu paie, car ils considèrent que tu “pourrais, hypothétiquement, un jour, peut être, t’en servir pour copier un mp3 , donc tu es soumis au barème”.



Si tu es un pro , tu n’achètes pas en france et tu ne paies pas la RCP. Pas sur que ce soit tout à fait légal, mais la bonne foie se plaide facilement devant le juge “pourquoi je paierais la RCP pour demander en même temps son remboursement sur ce support ?”








Bourrique a écrit :



Question, la musique “libre”, type Jamendo ou autre, c’est du licite alors que les auteurs/interpretes ne “cotisent” pas à la sacem &co ? C’est de l’illicite ?

J’aime aussi payer de la RCP sur mes supports photos alors que l’ayant droit c’est bibi !

Ca rentre dans quelle case de leur questionnaire, la copie/sauvegarde de mes prises de vue ?









briaeros007 a écrit :



techniquement, la musique libre (CC , ..) est licite, et sa copie ne provoque aucun  manque à gagner.

Donc récupérer des sous en les comptants c’est comme récupérer des sous en comptant les copies illicites : illicite !





Les prélèvements se font sur la base du manque à gagner des artistes mais aussi du soutient à la culture en général (comme le financement de festivals). Toutes les œuvres légales y sont soumises, quelque soit les droits ou l’inscription à la SACEM & co.

C’est un cas couvert par leur mission et parfaitement légal. On nous prend ouvertement pour des jambons, mais c’est légal.



Techniquement parlant je ne vois pas pourquoi acheter un support dans un autre pays européen par exemple, donc sans payer la CP sur ce produit, ferait de moi un délinquant?



On parle bien dans l’espace Schengen de la libre circulation des capitaux, des biens et des personnes non? Du coup j’ai du mal à saisir sur quel plan juridique pourrait s’appuyer quelqu’un pour me faire payer ou me foutre une amende?



Si quelqu’un peut m’éclairer? Merki :)


Je dirais que tu as tout à fait le droit d’acheter tes supports à l’étranger mais tu dois sûrement déclarer tes dits achats pour payer la RCP en France, non ?


Disons que je me suis jamais posé la question jusqu’à maintenant. Par exemple, il m’est arrivé un certain nombre de fois d’utiliser le site : dealabs, pour avoir des petites affaires bien sympa sur plein de trucs, et il m’arrive de m’acheter des choses sur des stores allemands, italiens, espagnols. Hors, je ne déclare jamais rien de particulier…



Question : Devrais-je déclarer mes achats, si oui à qui? Etc etc.








Tchikow a écrit :



Question : Devrais-je déclarer mes achats, si oui à qui? Etc etc.





En théorie un formulaire à remplir, voir ici :&nbsphttp://www.copiefrance.fr/fr/particuliers



En pratique…<img data-src=" />



Ah ben merci pour le lien! Effectivement j’avoue que je m’étais jamais posé la question, et je pense qu’à la pauvre Mme Michu qui achète sur Amazon.co.uk ou .de ou .it ou .es elle ne pense pas forcément à la copie privée de ses supports, mais voit surtout le prix moins cher.



Merci encore en tout cas, et comme dit dans une application que je suis depuis quelques années maintenant, JMCMB (Je me coucherais moins bête)! :)








Tchikow a écrit :



elle ne pense pas forcément à la copie privée de ses supports&nbsp;



&nbsp;à sa décharge, le prix n’est pas “ventilé” (c’est comme ça qu’on dit ?), le montant de la copie privée n’est pas précisé au moment de l’achat, et est largement inconnu du grand public. D’ailleurs, je parierais bien une demi goutte d’eau qu’ils ont été condamnés là-dessus et ne l’ont jamais fait.



De rien, ça fait plaisir de rendre service&nbsp;<img data-src=" />



toutes les oeuvres légales marchandes y sont sans doute&nbsp; soumises. Je n’ai rien vu dans la loi (ensuite je ne suis pas avocat ni juriste) qui oblige de faire payer une oeuvre, et donc mandate leur taxation au titre de subvention aux copains, pardon, à la culture.

&nbsp;

Je maintiens que si l’oeuvre est gratuite, il ne peut y avoir de “manque à gagner’ suite à la copie de ladite oeuvre.

Et faire payer une oeuvre gratuite pour ajouter des taxes pour “favoriser la culture” reviendrais à refuser le droit d’auteurs&nbsp; (mais bon , ils en sont capables, on est plus à ça près).


j’adore la formulation

“vous pouvez nous faire parvenir”.

Si je parles encore correctement le français, ça veut dire que ce n’est pas obligatoire. Et commes ils n’offrent pas d’autres moyens de déclarer, je suppose donc que la déclaration n’est donc pas obligatoire <img data-src=" />

&nbsp;


Au pire tu envoies le formulaire et la poste le perd dans le tri, ça marche aussi&nbsp;<img data-src=" />








briaeros007 a écrit :



toutes les oeuvres légales marchandes y sont sans doute  soumises. Je n’ai rien vu dans la loi (ensuite je ne suis pas avocat ni juriste) qui oblige de faire payer une oeuvre, et donc mandate leur taxation au titre de subvention aux copains, pardon, à la culture.





Aucune œuvre n’est soumise à cette redevance, c’est les supports qui le sont. C’est ce qui permet ce tour de passe-passe.

Ils estiment (mal, mais c’est une autre question :p) la quantité d’œuvres stockées en moyenne sur un support de stockage, et déterminent la redevance en fonction. Ensuite, ils répartissent les sommes récoltées entre leurs adhérents et les “actions de support à la culture”.

Le truc, c’est qu’il n’y a pas de corrélation entre la phase “calcul de la redevance” et la phase “répartition”. Osef donc que les œuvres soient de non-adhérent à la SACEM, qu’elles soient gratuites, ou libre de droit. Si c’est une œuvre obtenue de manière légale stockée sur un support assujetti, elle compte.

Je ne dis pas que c’est justifié, mais c’est le fonctionnement actuel, consacré par l’état. Injuste, mais légal.







briaeros007 a écrit :



Je maintiens que si l’oeuvre est gratuite, il ne peut y avoir de “manque à gagner’ suite à la copie de ladite oeuvre.





C’est vrai, mais malheureusement le manque à gagner est la justification du mécanisme, pas la description de son fonctionnement.







briaeros007 a écrit :



Et faire payer une oeuvre gratuite pour ajouter des taxes pour “favoriser la culture” reviendrais à refuser le droit d’auteurs  (mais bon , ils en sont capables, on est plus à ça près).





D’où l’intérêt (pour les ayants droits) de faire payer les support plutôt que les œuvres. Aucun artiste n’est directement impliqué dans cette redevance, le droit d’auteur n’entre pas en jeu. Un tour de passe-passe, qu’on vous dit <img data-src=" />