Event Horizon Telescope : une première image d'un trou noir ? Réponse dans plusieurs mois...

Event Horizon Telescope : une première image d’un trou noir ? Réponse dans plusieurs mois…

Le temps de traiter les données...

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

14/04/2017 7 minutes
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Event Horizon Telescope : une première image d'un trou noir ? Réponse dans plusieurs mois...

Plusieurs télescopes se sont unis afin de tenter de prendre en photo Sagittarius A*, le trou noir supermassif au centre de la Voie lactée. Il se trouve à 25 000 années-lumière et nécessite donc une grande précision pour voir aussi loin. Pour savoir si l'expérience a fonctionné, il faut maintenant attendre plusieurs mois, le temps de traiter les données.

C'est en partant du principe de base que plus un télescope est gros, plus il permet de voir loin avec des détails fins (en schématisant), que le projet mondial Event Horizon Telescope (EHT) s'est monté. Il associe des télescopes du monde entier (de l'Europe au pôle Sud en passant par le continent américain) pour en créer un virtuellement de la taille de la Terre. Le but ? Simplement d'obtenir une image d'un trou noir, une première.

Par définition, il est bien difficile d'observer un trou noir...

Dans le lot des partenaires de l'EHT, se trouve l'IRAM, l'institut de radioastronomie millimétrique financé en partie par le CNRS français et la société Max-Planck-Gesellschaft allemande. Il met à disposition son savoir-faire et son observatoire de Pico Veleta, dans la Sierra Nevada espagnole. C'est là d'ailleurs la seule plateforme européenne à participer à cette expérience. Elle sera rejointe en 2018 par celle du plateau de Bure dans les Hautes-Alpes françaises.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, commençons par un rappel important : en astrophysique, un trou noir est un objet céleste tellement massif, avec un champ gravitationnel si intense, qu'il empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s'échapper. Puisque même la lumière ne peut pas en sortir, ils ne sont évidemment pas observables directement, c'est on ne peut plus logique...

... mais on peut essayer sur son « horizon »

Il existe néanmoins une autre manière, explique l'IRAM : « la limite au-delà de laquelle la lumière (et évidemment toute la matière) est piégée par le trou noir a été appelée l’horizon du trou noir. Au moment où la matière franchit cette limite, la théorie prévoit qu’une dernière bouffée de lumière est émise, comme un dernier témoignage avant de sombrer dans le trou noir ». 

Cette lumière se trouve sur des longueurs d'onde millimétrique. Elle peut donc théoriquement être observée afin de cartographier l'horizon du trou noir et, par extension, de deviner celui-ci. Les scientifiques ont ainsi décidé de se pencher sur le cas de  Sagittarius A*, le trou noir au centre de notre Galaxie.

La difficile représentation des trous noirs, à partir des calculs

Pour en savoir davantage sur la représentation des trous noirs et sur les différents effets observables, nous ne pouvons que vous inciter à regarder la vidéo de la nuit des ondes gravitationnelles du CNRS. La partie concernant les trous noirs se trouve à partir de 3h37, mais l'ensemble de la vidéo peut intéresser les amateurs d'espace :

Plusieurs explications intéressantes sont données, avec un rappel pour commencer : « Un trou noir, on n'en a jamais vu en vrai. Tout ce qu'on peut faire, c'est utiliser les lois de la physique, qu'on suppose connues, et essayer d'imaginer comment on le verrait si on était près. Mais c'est forcément une reconstruction, c'est forcément un calcul », en se basant sur la relativité générale.

D'où l'importance d'une première photo. Dans la vidéo, le film Interstellar et son trou noir Gargantua sont pris en exemple (voir la photo d'illustration en tête d'actualité) : dans le cercle noir, il y a un petit trait à l'intérieur qui fait tout le tour : « c'est de la lumière qui vient de derrière le trou noir, qui a fait un tour du trou noir et qui vient vers vous. Ça fait un anneau, c'est un effet qu'on peut calculer ».

Ensuite, concernant l'anneau qui est « devant » le trou noir : « la partie du dessous de l'anneau, c'est celle qui est derrière, qui normalement nous serait cachée, mais du fait de la gravité importante du trou noir, la lumière est attirée et recourbée vers vous ; comme une loupe ». L'enjeu de cette première image est donc important puisqu'elle peut permettre de valider la théorie. Sa qualité n'est donc pas spécialement importante, mais son analyse le sera certainement beaucoup plus.

À 25 000 années-lumière, il faut une bonne paire de jumelles

Pour rappel, Sagittarius A* pèse environ 4 millions de fois la masse de notre Soleil et se trouve à environ 25 000 années-lumière de la Terre, soit... plus de 230 000 000 000 000 000 km, excusez du peu.  À titre comparaison, la sonde Voyager 1 est à 38 « heures lumières » seulement, soit 20 000 000 000 km de nous (juste à côté comparé au trou noir)

Autant dire qu'il est loin, très (très) loin de notre système Solaire – heureusement d'ailleurs –, le rendant particulièrement difficile à observer avec nos télescopes actuels. Au lieu de tenter d'en construire un gigantesque, avec toutes les contraintes physiques et économiques engendrées par un tel projet, l'idée d'EHT est d'utiliser les ressources disponibles et de « combiner plusieurs observatoires comme s'ils étaient des petits fragments d'un miroir géant » explique l'institut de radioastronomie millimétrique.

Une précision redoutable pour l'EHT

Le résultat est impressionnant, au moins sur le papier. En effet, toujours selon l'institut de radioastronomie millimétrique, « la résolution angulaire maximum du EHT est de 26 micro-secondes d'arc, ce qui correspond à la taille d'une balle de golf sur la lune, ou de l'épaisseur d'un cheveu vu à 500 km de distance !  ».

L'air de rien, le défi technique est important puisqu'il faut que les télescopes soient parfaitement synchronisés pour obtenir une image finale exploitable. Des horloges atomiques sont ainsi utilisées par chaque observatoire. S'ajoutent ensuite les caprices de la météo : « la probabilité d'avoir vraiment un beau temps sur chaque site est presque nulle » explique Vincent Fish, un scientifique du MIT et membre de l'EHT, au National Geographic.

EHT

Plusieurs mois pour traiter les données

Au cours des derniers jours, les scientifiques ont donc « photographié » Sagittarius A*, mais façon puzzle puisque chacun apporte sa pierre à l'édifice. « En combinant les données, les images vont se former » explique Michael Bremer de l'IRAM à nos confrères de l'AFP, avant d'ajouter que « les résultats vont se faire attendre pendant plusieurs mois ».

Chaque observatoire a enregistré tellement de données (il serait question de 500 To pour chacun des sites) qu'il n'est pas envisagé de les transmettre par voie électronique. La méthode retenue est de les transférer via des disques durs (plus d'un millier par observatoire) pour rapatrier l'ensemble au MIT et au Max Plank Institute. Et encore, c'est sans parler du cas de l'observatoire du pôle Sud, qui doit attendre la fin de l'hiver avant de pouvoir envoyer ses disques durs (en octobre).

Les ordinateurs feront la suite en traitant les données, mais il faudra probablement attendre 2018 pour avoir la première image d'un trou noir, si tout se passe comme prévu bien évidemment. C'est donc probablement le temps de tirage d'une photo le plus élevé au monde.

Écrit par Sébastien Gavois

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Par définition, il est bien difficile d'observer un trou noir...

... mais on peut essayer sur son « horizon »

La difficile représentation des trous noirs, à partir des calculs

À 25 000 années-lumière, il faut une bonne paire de jumelles

Une précision redoutable pour l'EHT

Plusieurs mois pour traiter les données

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Commentaires (31)


Me suis arrêter à “Event Horizon” ^^”



Dsl par principe ,je n’irai pas plus loin <img data-src=" />



allez bon long we :)


[quote=Sébastien Gavois]..mais façon puzzle..[/quote]

Éparpilé par petit dans Paris et ils ont vus qui c’est Raoul?





:desolé: on est ‘dredi




Par définition, il est bien difficile d’observer un trou noir…



Pas besoin d’un téléscope. Un simple mirroir suffit. <img data-src=" />


Entre les images de Pluton, la découverte des ondes gravitationnelles, et peut-être les premières images d’un trou noir en 2018, je trouve cette décennie assez folle en terme de science même si on ne s’en rend pas compte. Bon j’ai une conférence CNRS à mater moi :)


J’imagine que la “photo” sera retravaillée par un graphiste pour coloriser et magnifier la beauté du phénomène.



Bref, autant chercher “vortex” dans Google Image. <img data-src=" />


pas du tout.

cf: la vidéo de l’article.


Etant voisin de l’iram (situé à grenoble) j’apporte ma pierre à l’édifice.

La technique utilisée est celle de l’interférométrie.

On recombine plusieurs télescopes pour simuler un télescope ayant la résolution (dans la longueur d’onde utilisée) d’un télescope ayant une parabole (on est en radio donc… pas de miroir optique) d’un diamètre égale à la distance entre chaque télescope.



la résolution étant dépendante du diamètre du télescope et la longueur d’onde d’observation. Plus celle-ci est grande plus la résolution est mauvaise.



En radio ce qui est bien comme dit dans l’article c’est qu’on peut dater très précisément l’arrivé du signal et donc enregistrer le signal sur chaque télescope en synchronisant puis faire la “reconstruction d’image à posteriori”.

En longueur d’onde optique on ne sait pas encore faire, on doit recombiner en directe.



Pour l’image reconstruite voici un exemple

&nbsp;&nbsphttp://www.almaobservatory.org/images/newsreleases/141105_ALMA_HL_01.jpg

&nbsp;&nbsp;

C’est une image faite avec les antenne ALMA (chili) .



&nbsp;un autre instrument interférométrique dans le domaine optique s’intéresse aussi au trou noir de la voie lactée:

https://www.eso.org/sci/facilities/paranal/instruments/gravity.html

&nbsp;

&nbsp;


pas le temps de regarder 3h55 de vidéo pour voir une photo qui n’a pas encore été prise. <img data-src=" />








Ricard a écrit :



Pas besoin d’un téléscope. Un simple mirroir suffit. <img data-src=" />



Il est ici question des trous noirs dont rien ne sort jamais, ce qui n’est pas vraiment le cas de celui auquel tu sembles faire allusion… <img data-src=" />



Ça va être magnifique cette photo de trou noir un gros plan, une photo toute noire.


Une simple visite sur NXI, on pécho l’avatar de Ricard, et hop, on a la photo du trou noir… <img data-src=" /> <img data-src=" />








darkbeast a écrit :



Ça va être magnifique cette photo de trou noir un gros plan, une photo toute noire.







<img data-src=" /> Spa faux, mais tu oublies son “horizon”… <img data-src=" />

Trop une quiche de MS paint perso pour faire un aperçu… <img data-src=" />



En ce vendredi, certains feraient des blagues comme quoi le trou noir qu’il peut observer a passer plus de temps a absorber de la matière qu’à en expulsé… <img data-src=" />



Mais je ne suis pas ce genre de personne <img data-src=" />



Sinon c’est bien la balle de golf sur la lune, mais rapporté a la distance terre centre de la voie lacté ça fait quand même une balle de golf de la taille de 18 fois notre soleil, j’espère qu’elle sera pas trop pixelisé leurs images :)




(il serait question de 500 To pour chacun des sites) … (plus d’un millier par observatoire)





Autant je sais que les disque pro (surtout pour la recherche) qui recherche la fiabilité ne n’ont pas les mêmes capacité que ceux du grand public, mais là ça voudrais dire qu’ils n’ont même pas 1 To par disque ?


Oui malgré ce que tu pense ce n’est pas la photo du trou noir mais bien de son disque d’accrétion que l’on verra. C’est à dire la matière qui est en orbite autour de celui-ci et proche de tomber dans le trou noir, soit franchir l’horizon des événements comme l’on dit. C’est le moment ou la vitesse pour échapper au trou noir deviens plus importante que la vitesse de la lumière. Juste avant on voit, après y a plus rien à voir.


Ils travaillent sur floppy disk.



Je te rapelle qu’il n’y a pas de budget dans la recherche donc ils ont du vieux matos.


J’ai tiqué là dessus aussi mais d’un autre côté j’imagine que les données sont redondées par précaution.








Mimoza a écrit :



Autant je sais que les disque pro (surtout pour la recherche) qui recherche la fiabilité ne n’ont pas les mêmes capacité que ceux du grand public, mais là ça voudrais dire qu’ils n’ont même pas 1 To par disque ?







Je dirais plutôt qu’il sont mini en raid 5 ou 10, histoire d’être sur de pas perdre les données.

Du coup ça fait une belle flopé de disque



Merci pour cet article détaillé et compréhensible pour un profane comme moi <img data-src=" />


Sans Facebook, comment voir la vidéo ?


Un grand merci pour l’article Sébastien.



Article très intéressant, vous faites toujours en sorte que les néophytes puissent comprendre.



Plus un #4!


Si seulement on allouait plus de budget à la recherche qu’à se taper sur la gueule on aurait plus de news de ce genre&nbsp;<img data-src=" />

C’est quand même plus intéressant que Trump qui balance du missile ou le énième caprice de la Corée du Nord.








Mimoza a écrit :



Autant je sais que les disque pro (surtout pour la recherche) qui recherche la fiabilité ne n’ont pas les mêmes capacité que ceux du grand public, mais là ça voudrais dire qu’ils n’ont même pas 1 To par disque ?







Comme le disent les autres : redondance

Et aussi le fait que les donnés vont à deux labo différents : il est plus simple et plus rapide que chaque labo copie leurs données en double pour l’envoyer à un labo plutôt que de laisser de le MIT copier tout les fichiers pour ensuite les renvoyer au max plank institut. Ils ont juste à installer les disque des réception et pas besoin d’en preparer eux de leurs côté pour recevoir l’info ;)



Au sujet des milliers de disques durs : les données collectées sur les disques durs des différents télescopes doivent être transportées par un avion de ligne (aussi appelé sneakernet) vers l’observatoire d’Haystack dans le Massachusetts, où les données seront comparées et analysées sur ordinateur avec 800 CPUs, tous connectés sur un réseau de 40 Gbits/s.



source :http://www.computerworld.com/article/2972251/space-technology/massive-telescope-…


ce sont des DD de 10 To : HGST’s He10 10TB hard drive seals in helium and user shingled magnetic recording to pack 10TB of capacity into a 3.5-in form factor.


Super article, hâte de voir si cela a réussi&nbsp;








boogieplayer a écrit :



Au sujet des milliers de disques durs : les données collectées sur les disques durs des différents télescopes doivent être transportées par un avion de ligne (aussi appelé sneakernet) vers l’observatoire d’Haystack dans le Massachusetts, où les données seront comparées et analysées sur ordinateur avec 800 CPUs, tous connectés sur un réseau de 40 Gbits/s.



source :http://www.computerworld.com/article/2972251/space-technology/massive-telescope-…









boogieplayer a écrit :



ce sont des DD de 10 To : HGST’s He10 10TB hard drive seals in helium and user shingled magnetic recording to pack 10TB of capacity into a 3.5-in form factor.





<img data-src=" />





<img data-src=" />


Le timestamp est donné dans l’article, mais en gros ils disent que ça doit ressembler à Interstellar. Ils sont d’ailleurs très fans de ce film, trop même, on aurait dit que la conférence était là pour promouvoir le film.


est il vrai qu’il s’agit de la “force” la plus destructrice de l’univers ? je lis tout et son contraire à ce niveau…