La Hadopi juge l'indemnisation des FAI bien trop généreuse

La Hadopi juge l’indemnisation des FAI bien trop généreuse

Graduée, la riposte est aussi monnayée

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Marc Rees

Publié dans

Droit

05/04/2017 6 minutes
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La Hadopi juge l'indemnisation des FAI bien trop généreuse

Depuis la semaine dernière, on connaît enfin l’indemnisation que vont toucher les FAI pour l’identification des adresses IP envoyée par la Hadopi. La débitrice de ces sommes a toutefois émis un avis pour le moins critique sur les niveaux attribués. Next INpact dévoile ce document.

Les principaux FAI français savent depuis le 29 mars combien ils vont toucher pour leur travail d’identification imposée par la loi. Sans replonger dans ses méandres, un décret et un arrêté distinguent selon le volume traité chaque année.

Ainsi, pour les dépenses de fonctionnement et de maintenance, le tarif est forfaitisé à 80 000 euros au-delà de 10 000 demandes traitées par an. Toujours au-dessus de ce seuil, et s’agissant des dépenses de personnel, les FAI touchent 160 euros par wagon de 40 000 IP et même 18 euros par demande complémentaire. Enfin, sous le palier des 10 000 demandes, la recherche sommaire des éléments d'identification relatifs à un abonné est facturée 12 euros. Les demandes complémentaires, là encore 18 euros.

Les premières lignes du décret se sont appuyées sur un avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, sans mentionner toutefois la délibération de la Hadopi. Le 15 décembre 2016, l’autorité est pourtant intervenue en amont suite à une demande du directeur de cabinet de la ministre de la Culture.

Il faut dire que la haute autorité est directement impliquée : les sommes tarifées sont désormais directement puisées sur son propre budget, non plus sur le dos de celui de l'État. Le document dévoilé dans nos colonnes est donc important en ce qu’il fixe la doctrine de la Rue de Texel sur ces flux financiers appelés à exploser année après année .

Des applaudissements…

Que dit cette délibération ? Les griffes sur sa subvention de 9 millions pour 2017, la Hadopi rappelle d’entrée que la compensation des FAI ne doit viser que les « surcoûts identifiables et spécifiques » des prestations « d’identification ». Elle applaudit donc le choix fait d’abandonner toute idée de tarification unitaire par IP, au profit d’un système forfaitaire que rechignaient à voir appliquer certains FAI.

De même, elle se satisfait du rejet d’une compensation visant également les frais téléphoniques ou le relayage des recommandations des lettres d’avertissements, dont sont là aussi astreints les fournisseurs d’accès.

...Suivis d’une pluie de critiques

Seulement, les applaudissements cessent rapidement pour laisser place à de vives critiques. Déjà, dans l’esprit de l’autorité débitrice, la compensation se doit d’être la traduction de charges comptablement identifiées et spécifiques. Hors de question par exemple de compenser des frais déjà financés au titre des autres obligations pesant sur les épaules des FAI. D’ailleurs, le déploiement de la plateforme des interceptions judiciaires (PNIJ) devrait faciliter l’isolement des surcoûts « Hadopi » chez les FAI.

Surtout, la Hadopi estime que les 80 000 euros HT annuels couvrant les « investissements », le « fonctionnement » et la « maintenance » des systèmes d’information est « anormalement élevée ». Et pour cause, le collège ne sait pas très bien ce que recouvrent les frais de fonctionnement d’un système totalement automatisé, alors que les frais de personnel et ceux de maintenance sont déjà isolés dans deux autres postes.

Ne pas compenser plusieurs fois les mêmes frais

Ce n’est pas tout. La même autorité considère que pour au moins un des FAI, Bouygues Télécom, les frais d’investissement sont déjà couverts pour le passé. Devant le Conseil d’État, l’opérateur a en effet perçu 900 000 euros de l’État, condamné fin 2015 en raison de la non-publication des tarifs. Ces sommes couvrent notamment, dixit la juridiction administrative,  la mise en place « des traitements particuliers » pour la gestion des identifications. 

En clair, pour la Hadopi, « la tarification pour l’avenir n’a donc nullement vocation à compenser [les investissements initiaux] à nouveau, en tant que tels ou à travers leur amortissement, sauf à mettre implicitement à la charge de la Hadopi, une partie de l’indemnisation pour le passé ».

Reproches similaires pour l’avenir : « il reste à établir que de nouveaux investissements d’envergure sont de nature à justifier le niveau de compensation proposé dès lors que celui-ci excède manifestement les coûts de maintenance des équipements en place et qu’une autre prestation que celles déjà prévues par le cahier des charges défini en accord avec les opérateurs n’est envisagée ».

Ce forfait annuel de 80 000 euros semble donc à la Hadopi bien trop important. Elle considère en creux que jamais les FAI ne se réaliseront de tels investissements chaque année.

Des frais de personnels prévus pour un système 100 % automatisé

Mais ce n’est pas le seul poste qui fait grincer son tiroir-caisse. S’agissant des frais de personnel, les 160 euros que la Rue de Texel devra verser à chaque FAI par grappe de 40 000 IP sont jugés là encore trop généreux. « Les déclarations de certains opérateurs font en effet ressortir, soit qu’une telle opération représente un temps quotidien minime d’intervention humaine peu qualifiée, soit qu’une manipulation ne serait nécessaire lorsque le système est entièrement automatisé ».

Même remarque s'agissant cette fois des 18 euros perçus en cas de demande individuelle complémentaire. La Hadopi militait pour un tarif bien plus bas. En effet, relativise-t-elle, ces demandes « ne visent que des précisions sur l’adresse postale ou électronique de l’abonné ou sur la réalité de son abonnement au moment des faits ».

Ce niveau a été inspiré par les réquisitions judiciaires où on retrouve ces 18 euros dans ce tableau. Référencée « WA 01 », la somme vise « à partir d'une adresse IP horodatée et d'informations complémentaires », l’obtention des éléments « d'identification relatifs à la personne physique, à l'installation, à la connexion, au contrat et aux identifications numériques ». Soit, aux yeux de la Hadopi, des « demandes bien plus complexes ».

Les critiques de la haute autorité n’ont pas été entendues par le ministère de la Culture. Les montants du projet de décret sont ceux finalement retenus au Journal officiel. Il faut dire que dans le même temps, la Rue de Valois a entamé des négociations serrées avec les fournisseurs d’accès afin de couvrir la période septembre 2010 à avril 2017, celle où c’est le seul budget de l'Etat qui est sollicité.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Des applaudissements…

...Suivis d’une pluie de critiques

Ne pas compenser plusieurs fois les mêmes frais

Des frais de personnels prévus pour un système 100 % automatisé

next n'a pas de brief le week-end

Le Brief ne travaille pas le week-end.
C'est dur, mais c'est comme ça.
Allez donc dans une forêt lointaine,
Éloignez-vous de ce clavier pour une fois !

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Commentaires (27)


Moi, c’est leurs salaires que je juge trop généreux.<img data-src=" />




Déjà, dans l’esprit de l’autorité débitrice, la compensation se doit d’être la traduction de charges comptablement identifiées et spécifiques.

Faudrait déjà eux que arrivent à identifier comptablement les “”“gains”“” qu’ils font faire à l’industrie (mais bon calculer 0, ca devrait être rapide)…


C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité ….



On impose de choses aux FAI en leur disant on verra plus tard pour l’indemnisation. Après seulement 7 années, on donne enfin une grille pour dédommager les FAI et elle n’est pas forcément très avantageuse pour eux.



La solution est simple pourtant, ils ne paient pas, ils n’ont plus d’ip qui leur est transmise. Et en plus il faut leur mettre un huissier au cul.


Je ne sais quel FAI (Free je crois) avait adopté ce comportement.. sauf qu’il était illégal. Du coup, ils ont reçu une injonction avec astreinte. D’un autre côté, leur remboursement était voté par la loi mais le montant décidé par décret qui a mis bien du temps à arriver. Bref, les joies de la législation française à deux vitesses.








Kurton a écrit :



Je ne sais quel FAI (Free je crois) avait adopté ce comportement.. sauf qu’il était illégal. Du coup, ils ont reçu une injonction avec astreinte. D’un autre côté, leur remboursement était voté par la loi mais le montant décidé par décret qui a mis bien du temps à arriver. Bref, les joies de la législation française à deux vitesses.







Illégal, je ne crois pas on te demande de réaliser quelque chose et on ne te paie pas, ça c’est illégal. Si tous les fai avaient joué le jeu, au revoir hadopi, ou alors ils auraient été payé.



Pareil pour Hadopi alors, la première année elle a touché des dizaines de million d’argent public pour s’installer, maintenant on peut diviser son budget annuel par 10 et qu’elle se débrouille avec ce qu’elle a “investi” <img data-src=" />


non c’est bien ce qui c’est passer.



au départ Free ne donnais pas les IP : nouveau texte pour les obligé

Free à ensuite fournis des listing papier : nouveau texte pour passer au numérique obligatoire …



&nbsp;


Je pense comme les autres ! Puisque la hadopi profite d’un système “automatisé” de signalement qui plus est un système en grande partie externalisé, il faudrait baisser sont budget maintenant que tout est développé.&nbsp;



&nbsp;Un jour il faudrait faire une étude réelle de “l’efficacité” de cet “organisme”.&nbsp;

Combien de téléchargements en moins, combien de dossiers en pourcentage vont jusqu’au bout, combien d’erreurs, ….



Par exemple, comment fait la Hadopi avec les abonnés fibre en ZMD ? Dans mon souvenir il y à mutualisation des adresses ip et hadopi ne supporte que les ipV4 non ?


Quand la Hadopi fera-t-elle le même genre de critique envers les sociétés de gestion de droits ?

Ou encore plus simplement, si la Hadopi montrait elle même l’exemple ?

Car enfin, ne peut on pas se demander si le budget de la Hadopi est “anormalement élevé” ?








darkbeast a écrit :



Illégal, je ne crois pas on te demande de réaliser quelque chose et on ne te paie pas, ça c’est illégal. Si tous les fai avaient joué le jeu, au revoir hadopi, ou alors ils auraient été payé.





En fait:




  • il est illégal que l’Etat ne compense pas tes charges

  • il est illégal de refuser un ordre de l’Etat pour une société



    Le problème était que la loi contre le second fait était adopté, alors que le décret du premier ne l’était pas… Du coup, ils savaient ce qui leur pendait au nez mais il ne savait pas combien ils allaient toucher…



    N’oublie pas que ce ne sont pas 2 entreprises, c’est l’Etat (qui fait la loi) et l’entreprise (qui la subi……) C’est clairement un combat truqué.









darkbeast a écrit :



Illégal, je ne crois pas on te demande de réaliser quelque chose et on ne te paie pas, ça c’est illégal. Si tous les fai avaient joué le jeu, au revoir hadopi, ou alors ils auraient été payé.





Pourtant, contre toute forme de logique, une loi avait été créée et votée en vitesse pour contraindre les FAI à travailler bénévolement.



C’est rigolo, quand ce sont les consommateurs qui payent “plusieurs fois” un montant “anormalement élevé” pour la “même chose” ça ne leur pose pas de problèmes…



Tu veux écouter un morceau de musique légal ? Achète le sur sur une plate-forme, paye sur ton disque dur externe, paye sur ton mobile, et bientôt paye sur ton cloud. C’est dommage que tu ne puisses pas le copier à cause des DRM (ok, ce n’est majoritairement plus vrai aujourd’hui, mais ça l’a été pendant de nombreuses années)…



Tu aimes particulièrement un film ? Achètes le en DVD, tu veux le copier ? Paye la taxe sur les DVD vierges censée compenser le fait que tu puisses le copier, et mets-toi dans l’illégalité puisque tu dois contourner les DRM pour ce faire… \o/



Tu es un professionnel de la photo ou un médecin qui doit stocker les clichés de radio ? Paye X fois pour un usage qui n’est pas le tien, et pour lequel ils n’ont aucune légitimité à te réclamer des sous… Mais dont ils profitent grâce au lobbying intense effectué auprès du gouvernement et Conseil d’état pour ni devoir rembourser les sommes perçues dans le passé, ni même abandonner le système du “paye d’abord, réclame après”.



Et maintenant ils chouinent (oui, je dis ils car même si ce ne sont pas techniquement les mêmes entités/personnes, ils sont globalement tous du même côté) ?

Qu’ils crèvent. Vite. En souffrant.

9 millions d’euros par an ?

Un prof des écoles débutant coûte à l’État, en étant très très large sur la dimension de la louche, 5000 euros par mois.

5000*12 = 60 000 euros par an.

9 000 000 / 60 000 =&nbsp;&nbsp; 3(300) / 32 = 150.

C’est peu, me direz-vous. Une goutte d’eau dans l’océan même.

C’est probablement vrai.



Maintenant, fermons les yeux un instant et multiplions ce chiffre par le nombre de toutes les putain de commissions de branleurs juste payées à faire de la paperasse sans intérêt pour caser les potes.



À votre avis, combien obtiendrait-on de postes d’enseignants débutants ?

Vous avez 30 mn. <img data-src=" />



(Perso, au jugé, en tenant compte du fait que les budgets varient largement d’un organisme à l’autre mais également le nombre total, je dirais bien 3500. Ça reste pas énorme, mais c’est toujours ça de pris pour l’avenir)


Hadopi qui rechigne plus à payer ses fournisseurs qu’un pirate à payer sa musique, belle pédagogie sur l’esprit de l’état français <img data-src=" />


il se porte bien le crocodile deinosuchus qu’ils ont au fond du porte monaie container qui leur sert a converser l’argent ? <img data-src=" />

&nbsp;

C’est clair que s’ils pouvaient revenir a la situation antérieure ce serait pas mal …


C’est pas parce qu’un système est “automatisé” qu’il ne demande pas de maintenance humaine…

Après est-ce que le cout est adapté, c’est un autre débat.


ça fait déjà pas mal d’argent public. Nul doute que le futur président trouvera bien le moyen d’élargir un peu le budget de la hadopi afin que le contribuable-pirate en supporte le coût plus directement.



Si on se met dans les pas de cette haute autorité, et si on veut troller un peu, il ne faut pas oublier que les FAI, en fournissant des connexions haut débit aux pirates favorisent en quelque sorte le piratage massif et devraient donc être heureux de s’en tirer à bon compte en collaborant à la recherche de ces pirates. Quelle audace de demander à être dédommagé en plus !



Mais dans un sens j’aime bien leurs efforts. De plus en plus de gens apprennent à utiliser des outils de plus en plus compliqués afin de pirater. C’est pas forcément un but très légitime, mais ces mêmes personnes pourront utiliser ces mêmes outils afin de mieux se protéger, par exemple vis à vis de leur vie privée sur internet.

&nbsp;








Winderly a écrit :



Pourtant, contre toute forme de logique, une loi avait été créée et votée en vitesse pour contraindre les FAI à travailler bénévolement.





Pas bénévolement, mais “contre dédommagement tel que définit dans un décret”, décret qu’on se garde bien de publier.

Et comme en droit deux tords ne font pas un bien (on ne peut pas plus légalement voler un voleur que n’importe qui d’autre), l’absence du décret de remboursement n’est pas une justification à ne pas exercer ses devoirs vis-à-vis de la Hadopi. Magique !



L’autre tour de magie&nbsp; épatant est que ce soit la Hadopi&nbsp; ou l’Etat via une condamnation, c’est toujours le contribuable qui paye. <img data-src=" />








bloossom a écrit :



Si on se met dans les pas de cette haute autorité, et si on veut troller un peu, il ne faut pas oublier que les FAI, en fournissant des connexions haut débit aux pirates favorisent en quelque sorte le piratage massif et devraient donc être heureux de s’en tirer à bon compte en collaborant à la recherche de ces pirates. Quelle audace de demander à être dédommagé en plus !







<img data-src=" />



Pourtant 80k euros ça me parait pas trop déconnant comme SI automatisé, déjà tu comptes mini 2 personnes pour le surveiller (il y a les vacances à prendre en compte) et le coup de l’entretien de l’infra. Plus les astreintes en cas de panne, etc…



Bref rien que les 2 personnes en partant avec un salaire de 30k à l’année ça fait 80k€ charges comprises….








News a écrit :



Et pour cause, le collège ne sait pas très bien ce que recouvrent les frais de fonctionnement d’un système totalement automatisé.





C’est bien connu, le matériel informatique ne prend aucune place, ne consomme pas d’énergie et a une durée de vie éternelle…



Il est écrit “les frais de personnel et ceux de maintenance sont déjà isolés dans deux autres postes” donc les 80 000 euros ne servent pas aux salaires.


L’éternel problème de trouver la facture trop salée dès qu’il faut mettre la main à la poche.

Bien fait pour leur gueule et si ça pouvait leur déchirer le fion de payer plus que de raison sur leur propre budget j’en serais heureux. <img data-src=" /><img data-src=" />


&nbsp;” TOUCHE PAS AU GRISBI , SALOPE ! ! !”



(Les tontons flingueurs inside) <img data-src=" />


Utiliser la loi pour se servir pendant 7 ans. Et se plaindre de la facture au bout du compte… Nan ils sont pas serieux la… Ils vivent dans quelle monde?


Je les comprend et je compatis. Moi aussi, à chaque fois que je dois me payer un truc, je trouve le prix demandé trop généreux (même pour les pains au chocolat, mais ça c’est uniquement parce que je n’ai pas encore trouvé le fournisseur de JFC…).



&nbsp;

Et puis bon, qu’ils ne ralent pas trop, parce que quand les socialiste prendront le pouvoir et mettrons Filippetti au ministère de la culture, ce sera bye-bye Hadopi! (ils l’ont promis: le changement c’est maintenant.)