Le Conseil constitutionnel va jauger le fichier des hooligans géré par les clubs

Le Conseil constitutionnel va jauger le fichier des hooligans géré par les clubs

Culture Club

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Marc Rees

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Droit

04/04/2017 6 minutes
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Le Conseil constitutionnel va jauger le fichier des hooligans géré par les clubs

Le Conseil constitutionnel va examiner la conformité à la Constitution du fichier des hooligans géré par les clubs. L’association nationale des supporteurs devine plusieurs atteintes aux textes fondamentaux dans ce dispositif géré par des sociétés commerciales.

Depuis la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre l'hooliganisme, les organisateurs de manifestations sportives à but lucratif peuvent leur refuser l’accès au stade. Ils ont aussi la possibilité d'annuler la délivrance d’un titre d'accès de quiconque contrevient aux conditions générales de vente ou au règlement intérieur relatives à la sécurité de ces manifestations.

De la délibération de la CNIL à la loi Larrivé

En clair, expliquait Guillaume Larrivé, député auteur du texte, cette disposition « donne la possibilité pour les clubs de football professionnel de refuser la vente de billets à certains spectateurs et de mettre en place un fichier des hooligans, qui ne sont pas de vrais supporters puisqu'ils méconnaissent totalement les valeurs sportives ».

Remontons un peu en arrière. Ce patch législatif est consécutif à une délibération de la CNIL du 30 janvier 2014. Ce jour, la Commission avait notamment épinglé le « fichier des indésirables » déniché dans les coulisses du PSG. Un fichier des personnes considérées « comme ayant un comportement non conforme aux valeurs du club ». 

Problème, ce traitement ne rentrait pas dans les clous des textes jusqu’alors en vigueur : d’un côté, la peine complémentaire d’interdiction judiciaire de stade (IJS), infligée par un juge à un supporteur coupable de délit. De l’autre, l’interdiction administrative de stade (IAS), décidée par la préfecture de police.

Contourner les limites des deux fichiers préexistants

Pour justifier sa loi, le député Larrivé dénonçait de « nombreuses limites » du fichier « Stade » de la préfecture de police, notamment parce que visant uniquement les supporters non les autres personnes « susceptibles de troubler l'ordre public ».  Lors de la mise en œuvre du fichier anti-hooligans, la CNIL avait néanmoins émis plusieurs critiques à l’encontre du décret d’application du 28 décembre 2016. Elle s’interrogeait par exemple sur son périmètre avec l’IJS et l’IAS alors que la commission avait déjà « autorisé certains organisateurs de manifestations sportives à mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel visant à permettre la gestion des interdictions de stade prononcées par l'autorité judiciaire ou administrative ».

Le ministère lui avait répondu en substance que les clubs n'interviennent pas dans le cadre des deux autres interdictions. Malgré tout, l’autorité administrative s’interrogeait sur ce nouveau fichier nourri notamment par les caméras de vidéosurveillance installées dans les enceintes sportives. Autre critique, le trop grand nombre d’imprécisions sur les données effectivement collectées et enregistrées, à tel point que la commission n’avait alors pas été « en mesure de rendre un avis éclairé sur le caractère adéquat, pertinent et non excessif des données traitées au regard de la finalité poursuivie ».

De même, elle n’a pas compris pourquoi les données et informations à caractère personnel doivent être « conservées pendant une durée qui ne peut excéder dix-huit mois à compter de leur enregistrement », délai inscrit à l'article R332-16 du Code des sports.

Les recours de l’Association nationale des supporters

En janvier dernier, l’Association nationale des supporters a déposé plusieurs recours visant à annuler le décret, voire l’article 1 de la loi Larrivé via une question prioritaire de constitutionnalité. « Désormais n’importe quel club (société commerciale à but lucratif) peut prononcer de lui-même une interdiction de stade et donc décider par lui-même qu’un supporter aurait commis un délit, résume-t-elle dans un communiqué, cela n’est pas acceptable ». Elle s’interroge ainsi sur « l’absence de garantie prévue au service de cette interdiction commerciale de stade (ICS) » puisque « contrairement aux IDS et aux IAS, limitées à 5 et 2 ans, l’ICS est à durée indéterminée ».

La QPC de l’association a passé hier le cap du Conseil d’État. Celui-ci a estimé qu’il y avait bien une possible atteinte aux droits et libertés garantis par le bloc de constitutionnalité. En particulier les articles 8 et 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Le premier impose le principe de nécessité de la loi, selon lequel un texte législatif « ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Le second institue le droit à la sûreté.

Le détail des critiques derrière la QPC

Qu’en est-il exactement ? Selon les détails fournis par Me Pierre Barthélemy, avocat au cabinet Jones Day, il est d’abord reproché à la loi de ne pas prévoir de durée maximale pour l’interdiction de stade. Certes, les données doivent être effacées des fichiers 18 mois plus tard, mais rien n’empêcherait un club d’interdire l’accès parce que la personne est simplement connue des organisateurs.

De plus, le délai oublié par la loi, mais prévu par le décret, est considéré comme trop long. En outre, celui qui défend les intérêts de l’ANS reproche l’absence de contradictoire préalable à la décision du club. « Nous voulons une phase préalable de discussions avec au moins possibilité de présenter des observations. »

Dans la même veine que les critiques adressées par la CNIL, il dénonce encore un manque de précision quant à l’étendue des comportements pouvant faire l’objet d’une telle interdiction. La crainte ? Qu’une société privée s’immisce dans le périmètre du juge et apprécie une possible infraction qui n’aurait pourtant pas été poursuivie par le Parquet. « Personne ne sait quel est le périmètre exact des comportements » poursuit l'avocat.

Dernier point considéré comme majeur : ce traitement pourrait finalement servir de préalable à une interdiction administrative de stade. Les données du traitement sont en effet accessibles à de nombreuses autorités, dont les fonctionnaires de la préfecture de police. Le risque est - par exemple - qu’un club privé n’instrumentalise ce fichier pour se débarrasser de contestataires pestant contre les prix des billets d’accès. Parole contre parole, la crainte est que celle du club pèse plus lourdement à l’oreille du préfet.

Saisi, le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision dans les trois mois.

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

De la délibération de la CNIL à la loi Larrivé

Contourner les limites des deux fichiers préexistants

Les recours de l’Association nationale des supporters

Le détail des critiques derrière la QPC

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Commentaires (6)


J’espère que le CC va mettre fin à cette justice privée. De toute façon il y aurait beaucoup de choses à dire sur la manière dont le supporter est (mal)traité en France.



En tout cas, c’est le genre d’article qui m’encourage encore et toujours à apporter mon soutien à nextinpact <img data-src=" />


Sur mon “dossier”, il est marqué :




  • origine sud européenne

  • anarchiste

  • catholique pratiquant

  • supporter du PSG



    J’ai tout bon, la CNIL ? <img data-src=" />








goom a écrit :



J’espère que le CC va mettre fin à cette justice privée. De toute façon il y aurait beaucoup de choses à dire sur la manière dont le supporter est (mal)traité en France.




 En tout cas, c'est le genre d'article qui m'encourage encore et toujours à apporter mon soutien à nextinpact <img data-src=">








Les supporters ne sont pas maltraités en France. Ceux sont des pseudo-supporters qui maltraitent les vrais supporters. Parmi eux se trouvent les hooligans, dans lesquels se trouvent une partie des ultras.      






Avant de commencer, je tiens à donner mon point de vue. J'inclue dans les pseudo-supporters une (grande ?) partie des ultras. Ils peuvent devenir des hooligans, lorsqu'ils sont mécontents. Ils peuvent être violent avec les équipes adversaires, que cela soit par des banderoles, par des gestes ou par des paroles. Ils peuvent même en venir à se battre et ce n'est pas quelques pauvres stadiers qui pourront les arrêter dans ce cas. Enfin, les ultras peuvent être violent envers les joueurs de leurs propres équipes, envers les entraîneurs et envers les directions quand les résultats ne sont pas au rendez-vous.      

J'estime que ces personnes ne peuvent pas être qualifiées de supporters, que cela soit de prêt ou de loin. Vivre pour son club, avoir dans sa peau son club ne peut pas expliquer ce type de comportement. Pour moi, ces personnes doivent être interdites de stade.






Je reviens maintenant à nos moutons et je vais prendre pour cela un exemple, via le PSG. Le club de foot a mis en place un plan sécurité dès 2010. Ils visent notamment à écarter les ultras. Les avoir écarté a changé l'ambiance au Parc des Princes. Sans les ultras, il y avait moins d'animation. Pour autant, cela a permis aux familles de revenir dans les tribunes, sans crainte d'être embêter par les ultras. Dois-je rappeler tous les incidents qu'il y a eu avec les ultras du PSG ? Aujourd'hui, la direction se montre enclin à ouvrir de nouvelles discussions avec les ultras pour les accueillir de nouveau, mais sous conditions évidemment.      






Aux Royaume-Uni, les clubs et les autorités sont allé plus loin. Le fichage des hooligans est une réalité. Ils sont tous interdit de stade, parfois à vie. Il faut dire que les îles britanniques ont connu de nombreux drames du à l'hooliganisme. Selon certains, avec ces mesures prises par les autorités, les stades britanniques sont devenu vide de vie. Les hooligans mettaient effectivement l'ambiance dans ces stades, quand ils étaient tranquilles. Mais c'est le prix à payer pour avoir désormais de la tranquillité.      






Le fichage des hooligans en France est nécessaire. Il faut pouvoir écarter ses personnes des stades français ou pouvoir les interpeler quand il y a des incidents. Que ce fichier soit contrôlé par la CNIL, oui. Il faut qu'une entité puisse contrôler ce qui est fait exactement de ce fichiers des hooligans. En revanche, que sous couvert de liberté, ces hooligans puissent continuer à pénétrer les enceintes des stades, non. Utiliser la violence pour supporter son club n'est pas entendable.








Romaindu83 a écrit :



Les supporters ne sont pas maltraités en France.





&nbsp;Les supporters sont victimes de généralisation de la part de la police, des instances, et de gens comme toi.

Je suis sûr qu’il existe un nom meilleur que “racisme” pour désigner le fait de juger quelqu’un uniquement sur son appartenance, mais comme je ne suis qu’un simple ultra, je suis trop stupide pour le connaître ^^







Romaindu83 a écrit :



Je reviens maintenant à nos moutons et je vais prendre pour cela un exemple, via le PSG. Le club de foot a mis en place un plan sécurité dès 2010. Ils visent notamment à écarter les ultras. Les avoir écarté a changé l’ambiance au Parc des Princes. Sans les ultras, il y avait moins d’animation. Pour autant, cela a permis aux familles de revenir dans les tribunes, sans crainte d’être embêter par les ultras. Dois-je rappeler tous les incidents qu’il y a eu avec les ultras du PSG ?&nbsp;





&nbsp;Doit-on rappeler qu’ils ont dissout l’ensemble des associations de supporters du club parce que certains membres de 2 d’entre elles causaient des problèmes ?



&nbsp;





Romaindu83 a écrit :



Aux Royaume-Uni, les clubs et les autorités sont allé plus loin. Le fichage des hooligans est une réalité.&nbsp;





En fait ils sont allés moins loin, ils ont repéré les personnes à problèmes sans vider l’ensemble des tribunes populaires, et ont trouvé un autre moyen pour faire fuir les autres : l’augmentation des prix. C’est moche, mais ça me semble quand même un peu plus… démocratique ?









AL-bondit a écrit :



&nbsp;Les supporters sont victimes de généralisation de la part de la police, des instances, et de gens comme toi.

Je suis sûr qu’il existe un nom meilleur que “racisme” pour désigner le fait de juger quelqu’un uniquement sur son appartenance, mais comme je ne suis qu’un simple ultra, je suis trop stupide pour le connaître ^^



&nbsp;

Lorsque tu as lu mon commentaire, tu a lu à plusieurs reprises “une partie des ultras”. Je ne mets pas tous les ultras dans le même panier. Etre un ultra ne veut pas forcément dire être potentiellement dangereux pour autrui. Cependant, tu ne peut pas nier cette réalité : certains ultras sont dangereux. Les années noires du PSG sont là pour nous le rappeler. Avant ce plan sécurité de 2010, certains ultras de ce club de foot pouvaient clairement être assimilés à des hooligans. Depuis 2010, le calme est revenu dans les tribunes. Les incidents sont désormais mineurs. Comme quoi ce plan sécurité n’a pas servit à rien. Certains trouvent que ce calme est trop calme, mais, en tout cas, il permet depuis sept ans aux familles de pouvoir revenir dans les tribunes sans aucune crainte.



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AL-bondit a écrit :



&nbsp;Doit-on rappeler qu’ils ont dissout l’ensemble des associations de supporters du club parce que certains membres de 2 d’entre elles causaient des problèmes ?



&nbsp;

C’est la mort d’un supporter, en marge d’un match PSG-OM, qui va décider Robin Leproux, alors président du PSG, à mettre en place un plan sécurité le 18 mai 2010. Les Boulogne Boys, les Lutèce Falco, les Supras Auteuil et les Tygris Mystic ne survivront pas à ce plan sécurité. En effet, ces associations sont composés d’ultras, considérés comme potentiellement dangereux. Sauf que… pourquoi ces associations n’ont-elles jamais viré leurs fauteurs de trouble ? Si elles avaient pris les devant, elles n’auraient peut-être pas empêché les incidents mais elles auraient montré leur volonté à faire le ménage. Les ultras violents, que cela soit par l’écrit (banderoles), par la parole (insultes, racisme, ect…) ou par des gestes (bras d’honneur, bagarres, ect…) n’auraient jamais du rester dans ces associations. En ne voulant pas les virer, elles ont signé leur arrêt de mort.



&nbsp;





AL-bondit a écrit :



En fait ils sont allés moins loin, ils ont repéré les personnes à problèmes sans vider l’ensemble des tribunes populaires, et ont trouvé un autre moyen pour faire fuir les autres : l’augmentation des prix. C’est moche, mais ça me semble quand même un peu plus… démocratique ?&nbsp;





Les îles britanniques ont fiché toutes les personnes considérés comme des hooligans. Certaines de ces personnes savent qu’elles ne pourront plus jamais remettre les pieds dans un stade de foot. La France n’est jamais allé aussi loin. En revanche, je te rejoins sur le fait que le Royaume-Uni a décidé d’augmenter le prix des places pour les match de foot. Cela dissuade les fauteurs de troubles de pénétrer dans les enceintes. Cette décision a tout de même eu une facheuse conséquence : les personnes les plus modestes ne peuvent plus voir un match de foot depuis une tribune. Elles doivent se contenter de les regarder les pubs ou depuis chez elles, à la télévision.









Romaindu83 a écrit :



&nbsp;

C’est la mort d’un supporter, en marge d’un match PSG-OM, qui va décider Robin Leproux, alors président du PSG, à mettre en place un plan sécurité le 18 mai 2010. Les Boulogne Boys, les Lutèce Falco, les Supras Auteuil et les Tygris Mystic ne survivront pas à ce plan sécurité. En effet, ces associations sont composés d’ultras, considérés comme potentiellement dangereux. Sauf que… pourquoi ces associations n’ont-elles jamais viré leurs fauteurs de trouble ? Si elles avaient pris les devant, elles n’auraient peut-être pas empêché les incidents mais elles auraient montré leur volonté à faire le ménage. Les ultras violents, que cela soit par l’écrit (banderoles), par la parole (insultes, racisme, ect…) ou par des gestes (bras d’honneur, bagarres, ect…) n’auraient jamais du rester dans ces associations. En ne voulant pas les virer, elles ont signé leur arrêt de mort.&nbsp;





Tu me dis que tu ne généralises pas mais ça te semble normal de dissoudre les quoi, 7 ou 8 associations de l’époque pour les agissements innommables de 2 d’entre elles ?



Evidemment que le plan Leproux a été efficace, mais quand je veux éradiquer les nuisibles d’une maison, je ne la détruis pas pour autant des fondations jusqu’au toit avec ses occupants à l’intérieur, j’essaie de ne m’attaquer qu’aux nuisibles en question :)