Qualcomm : 816 millions d'euros d'amende en Corée pour abus de position dominante

Qualcomm : 816 millions d’euros d’amende en Corée pour abus de position dominante

Prochain arrêt : Bruxelles

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Kevin Hottot

Publié dans

Droit

28/12/2016 6 minutes
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Qualcomm : 816 millions d'euros d'amende en Corée pour abus de position dominante

L'autorité de la concurrence coréenne (KFTC) a rendu le verdict de son enquête concernant d'éventuels abus de position dominante de la part de Qualcomm. Le fabricant est condamné à 816 millions d'euros d'amende et estime cette sanction disproportionnée et injustifiée.

Depuis 2015, Qualcomm fait face au feu nourri de nombreuses autorités de la concurrence tout autour du monde. En Chine, les autorités locales lui ont infligé une amende de 975 millions de dollars, sanctionnant diverses pratiques anti-concurrentielles. Parmi elles, la la vente liée de puces WCDMA et LTE avec d'autres composants « non essentiels » au fonctionnement de téléphones figurait en première position.

Qualcomm répète les abus de position dominante

La Commission européenne a également les yeux rivés vers le géant américain. Si aucune sanction n'a pour l'instant été prononcée, Bruxelles accuse Qualcomm d'avoir abusé de sa position dominante pour évincer son concurrent Icera du marché. Un stratagème qui a d'ailleurs fonctionné, la filiale de NVIDIA ayant mis la clé sous la porte en mai 2015 après « d'inexplicables rallongements des délais des commandes des clients, des réductions dans les volumes de commandes et des contrats qui n'aboutissent jamais, même lorsqu'un client ou un opérateur mobile coopérant avec un client potentiel a exprimé une forte intention d'achat ».

Selon la Commission, Qualcomm aurait « versé illégalement des sommes à un client important pour utiliser exclusivement ses chipsets et aurait vendu des chipsets à des prix inférieurs aux coûts dans le but d'évincer son concurrent Icera du marché » mais également « versé, depuis 2011, des sommes considérables à un important fabricant de smartphones et tablettes à la condition que ce dernier utilise exclusivement des chipsets de bande de base Qualcomm dans ses terminaux ». Une mauvaise conduite qui pourrait coûter plusieurs centaines de millions d'euros à l'entreprise américaine. 

La Corée du Sud tape du poing sur la table

La Korea Fair Trade Commission (KFTC) s'est elle aussi penchée sur le cas Qualcomm et a rendu son verdict ce matin. Dans un épais rapport, elle recense l'ensemble des méfaits que son enquête a pu mettre en avant. Et ses griefs sont aussi nombreux que variés. 

Il est reproché au fabricant d'avoir refusé de vendre des licences pour des « brevets standard et essentiels » (ou SEP) à plusieurs de ses concurrents, ou d'avoir imposé d'importantes restrictions sur ces licences. Ce dernier point contreviendrait au principe dit « FRAND » (Fair, reasonable and non discriminatory soit juste, raisonnable et non-discriminatoire en français) concernant la concession de tels brevets.

Par ailleurs, la KFTC reproche aussi à Qualcomm d'avoir lié la fourniture de puces avec celle de brevets, forçant ainsi les fabricants de terminaux à utiliser ses puces. Sans achat de puces, pas d'obtention des brevets SEP nécessaires à l'emploi de certaines technologies dans le domaine des communications en 2G, 3G et 4G, ce qui faisait risquer aux marques de coûteux procès.

Qualcomm KFTC

Enfin, l'autorité estime que Qualcomm n'a à chaque fois fourni qu'un nombre limité de licences, et « forcé unilatéralement les tarifs de ces dernières, sans engager de procédure permettant d'établir un prix juste », le tout « en imposant des accords injustes », en demandant par exemple aux fabricants de smartphones des licences gratuites pour leurs brevets. L'entreprise faisait valoir a ses clients dans sa documentation que ce prodédé les protègerait de toute attaque en justice, en agissant comme une sorte de parapluie.

Une amende colossale

Avant de déterminer les sanctions à infliger à Qualcomm, la KFTC s'est intéressée à l'évolution récente du marché des modems dédiés aux communications sans-fil. Deutsche Bank recensait début 2008 onze acteurs majeurs sur ce marché. Neuf d'entre eux ont quitté ce secteur d'activité, alors que celui-ci a enregistré une croissance de plus de 100 % entre 2008 et 2015, une situation anormale. 

Qualcomm KFTCQualcomm KFTC

Autre argument de l'autorité, la part de marché de Qualcomm a régulièrement progressé sur cette période, alors que celle de concurrents jadis bien placés s'est réduite comme peau de chagrin. La KFTC met en avant l'Indice de Herfindahl-Hirschman du secteur mesurant sa concentration. Il est ainsi passé de 2 224 en 2008 à 4 670 en 2014. Un score supérieur à 2 500 est considéré comme signe d'une forte concentration aux yeux de l'autorité de la concurrence américaine.

Autre point soulevé par la KFTC : « aucun concurrent de taille significative n'est entré sur ce marché » sur l'ensemble de la période étudiée. Le gendarme de la concurrence voit ici un effet direct de la politique de Qualcomm visant à refuser de céder des licences sur ses brevets essentiels (SEP).

Compte tenu de tous ces éléments, la KFTC a prononcé une amende de 1 030 milliards de wons, soit 816 millions d'euros. Une pénalité colossale, qui s'accompagne de diverses obligations, dont celle « d'engager des négociations de bonne foi » avec ces concurrents concernant ses brevets essentiels. Un point qui devrait tout particulièrement intéresser Intel, MediaTek et Via qui se sont vu refuser de telles négociations jusqu'à présent.

Qualcomm devra aussi renégocier ses accords de licence existants afin d'en ôter l'ensemble des clauses injustes, notamment celles imposant des frais sur des brevets non-essentiels, ainsi que celles réclamant des licences gratuites sur les propriétés intellectuelles de ses partenaires. 

Qualcomm digère mal le verdict

Dans un long communiqué, Qualcomm dit avoir pris connaissance de la décision de la KFTC, mais s'y « oppose fermement », la qualifiant de « sans précédent » et « d'insupportable ».

Selon l'entreprise, qui entend évidemment faire appel, l'enquête de l'autorité ne propose pas de « théorie cohérente concernant les violations des lois sur la concurrence » et « ne prouve pas le moindre tort à la concurrence qui est robuste chez les fabricants de puces et de terminaux, notamment parce que le modèle d'affaires de Qualcomm promeut la concurrence ». Nous vous laissons seuls juges concernant la dernière partie de cette citation.

Qualcomm estime également que « l'amende infligée est insupportable et n'est pas raisonnable au vu de la taille du marché coréen ». L'autorité avait estimé dans ses calculs que sur les trois dernières années, Qualcomm réalisait 20 % de son chiffre d'affaires en Corée du Sud. Pour rappel, Samsung, le premier fabricant de smartphones au monde en volume, est l'un des principaux clients de Qualcomm. De son côté l'entreprise met en avant le fait que les royalties reçues pour la vente de terminaux dans le pays n'excèdent pas 3 % de ses revenus liés aux brevets.

Enfin la marque met en avant le fait que lors des investigations de la KFTC, il lui a été refusé d'accéder aux documents apportés au dossier, afin de les examiner, ce en contradiction avec un accord bilatéral signé entre la Corée du Sud et les États-Unis. Un point qui à lui seul pourrait nécessiter un réexamen du dossier, s'il était avéré.

Écrit par Kevin Hottot

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Qualcomm répète les abus de position dominante

La Corée du Sud tape du poing sur la table

Une amende colossale

Qualcomm digère mal le verdict

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (16)


“théorie cohérente”

&nbsp;La théorie c’est bien, la réalité c’est mieux. <img data-src=" />


Ha oui, quand même&nbsp;<img data-src=" />


Tres bien.

Qu’ils crevent la gueule ouverte et en recevant des cailloux, si ca peut permettre l’emergence d’une concurrence saine.


Enfin une amende digne de ce nom. D’habitude les grandes entreprises se prennent des amendes ridicules. Du coup quand elles en prennent une vraie forcément ça leur fait tout drôle et elles trouvent ça « insupportable ».


Est ce que Nvidia pourrait demander compensation dans le cas d’un verdict avéré ? Vu que : “Bruxelles accuse Qualcomm d’avoir abusé de sa position dominante pour évincer son concurrent Icera du marché”.


Nvidia a déjà lancé des procédures en ce sens. Ils réclament 352 millions de dollars.


C’est a Bruxelles de rendre son verdict dans le cas présent. Mais je ne pense pas qu’ils se calquent sur l’autorité de la concurrence coréenne pour rentre un verdict…








Loucheux a écrit :



Enfin une amende digne de ce nom. D’habitude les grandes entreprises se prennent des amendes ridicules. Du coup quand elles en prennent une vraie forcément ça leur fait tout drôle et elles trouvent ça « insupportable ».





Bof, ça peut valoir le coup de lâcher quelques milliards en amende pour ne plus avoir de concurrence du tout.

Je n’ai pas de meilleure solution et l’amende est plus que méritée, mais le mal est fait…

Plus qu’à espérer que les mesures prises permettent à d’autres concurrents d’émerger.



KTFC ? petite coquille :p

&nbsp;


KFTC: Kentucky Fried Texan Chicken ?





<img data-src=" /> (Déjà très très loin)


Ouaip, le Korean Toulouse Football Club n’a effectivement rien à voir là dedans.


L’Union Européenne va elle voter un “allégement fiscale” à la société Qualcomm du montant de l’amende Sud-Coréenne, pour que le contribuable européen paie l’escroquerie des rentiers <img data-src=" />


Moi j’attends de voir Mediatek attaqué et condamné pour contrefaçon, mais c’est bien beau de rêver…



J’attends aussi de voir un article sérieux sur ce sujet sur n’importe quel journal parlant numérique/informatique, d’envergure, débouler et dénoncer ces pratiques mafieuses, mais c’est bien beau de rêver, aujourd’hui on relaie des news, très peu de réelles enquêtes…



Chez Mediatek, Ils adorent violer la licence GPL autant que faire se peut afin de maintenir captifs leurs clients (les marques vendant des appareils) en s’appropriant le noyau Linux et pas mal de modules, voir même parfois Android, afin de forcer les clients à cracher au bassinet pour une licence, s’ils veulent mettre à jour leurs terminaux vers une nouvelle version, et bien sûr quand l’entreprise en question récupère toutes les sources et outils qui vont bien, à moins de payer encore d’avantage pour ça, interdiction de libérer les sources.

Du coup en dehors des rares entreprises payant pour libérer les sources (et encore, les drivers sont fournis comme blob, donc lesdites sources pour passer sur un nouveau noyau servent à que dalle), et les leaks, tous ceux sur SOCS Mediatek sont la majorité du temps coincés.



Chez Qualcomm c’est pas parfait, tout n’est pas forcément libéré, mais assurer le support communautaire de MAJS est déjà bien plus aisé, vu que l’essentiel des sources est forcément libéré.








Loucheux a écrit :



Enfin une amende digne de ce nom. D’habitude les grandes entreprises se prennent des amendes ridicules. Du coup quand elles en prennent une vraie forcément ça leur fait tout drôle et elles trouvent ça « insupportable ».





Bah, c’est la seconde, la première vient de nos amis, eux aussi aux yeux en amandes, les chinois :)



Dans l’attente de celle de la commission européenne… 10% sur un CA monde de 21.5 milliards ça peut faire encore plus mal <img data-src=" />





dvr-x a écrit :



C’est a Bruxelles de rendre son verdict dans le cas présent. Mais je ne pense pas qu’ils se calquent sur l’autorité de la concurrence coréenne pour rentre un verdict…





Bah, les griefs sont différents donc, logiquement, oui.





Ellierys a écrit :



Ouaip, le Korean Toulouse Football Club n’a effectivement rien à voir là dedans.





Mais qu’est ce que c’est que ce truc ?

Toulouse a été vendu au chinois, pas aux coréens <img data-src=" />



Qualcomm et les drivers open c’est pas spécialement une réalité….

ils fournissent une pile fermée pour fonctionner avec le noyaux, j’appelle pas ça de l’ouverture.


Quand on connait la puissance du lobbying industriel en corée, il y a surtout fort à parier que Samsung et Lg y trouvent leur compte dans cette affaire.