Open Data : les conclusions de la mission sur les données d'intérêt général enfin dévoilées

Open Data : les conclusions de la mission sur les données d’intérêt général enfin dévoilées

La DIG a fini par sauter

Avatar de l'auteur
Xavier Berne

Publié dans

Droit

09/09/2016 7 minutes
2

Open Data : les conclusions de la mission sur les données d'intérêt général enfin dévoilées

Next INpact a (enfin) pu obtenir les conclusions de la mission Cytermann sur les données dites « d’intérêt général ». Plusieurs de ses propositions ont d’ores et déjà été gravées dans le marbre de la future loi Numérique, dans son volet relatif à l’Open Data, ainsi que dans d'autres véhicules législatifs.

« Le voici, le voilà », s’est amusé à nous annoncer le conseiller d’Axelle Lemaire qui nous a transmis le fameux rapport. Il faut dire que nous nous efforçons depuis maintenant quasiment un an d'en avoir une copie, allant même jusqu’à poser la première pierre d’une procédure « CADA » – en référence à la Commission d’accès aux documents administratifs (voir notre article à ce sujet).

Le cabinet du ministre de l’Économie a toujours refusé de rendre ces conclusions publiques, y compris lors d’une ultime relance, le 22 août dernier. Le départ d'Emmanuel Macron a toutefois permis de débloquer la situation, la secrétaire d’État au Numérique s’étant démarquée publiquement de son ministre de tutelle sur ce dossier.

Revenons-en à nos moutons. C’est en juin 2015 que Bercy a lancé, en toute discrétion, cette mission consacrée aux données d’intérêt général. L’objectif : mettre sur pied des « mesures législatives et réglementaires » pouvant contraindre des acteurs privés à ouvrir certaines informations particulièrement précieuses pour le public, par exemple dans le domaine de l’environnement, des transports, de l’énergie, etc. Et pour cause, notre droit est actuellement insuffisant en la matière, la loi « CADA » de 1978 ne s’appliquant qu’aux principaux acteurs publics (ministères, collectivités territoriales, autorités administratives indépendantes...).

L’idée d’Axelle Lemaire était de faciliter l’ouverture de ces données, dans un cadre favorable à l’Open Data, afin que leur réutilisation soit la plus aisée possible – en vue du développement d’applications pour smartphones concernant les horaires de transports publics, de programmes d’avertissement des risques sanitaires, etc.

La mission opposée à un régime juridique des « données d’intérêt général »

Que dit ce rapport ? Qu’imposer l’ouverture de certaines données détenues par des personnes privées « pourrait concourir à l’intérêt général en permettant une conduite plus efficace de politiques publiques sectorielles, en assurant une meilleure information des citoyens, en concourant à la recherche scientifique, ou en bénéficiant au développement économique ». Les auteurs vantent en ce sens les « fortes externalités positives (nouveaux usages, développement de l’activité économique, information citoyenne, etc.) » à attendre d’un tel mouvement.

Certes, mais comment faire ? C’est là que les choses se compliquent... Au regard de la « grande diversité des secteurs et des données concernées », la mission estime « qu’un régime juridique unique des données d’intérêt général n’est ni souhaitable ni possible juridiquement ». En lieu et place de grandes dispositions généralistes, celle-ci plaide plutôt pour « une démarche différenciée et progressive ». En clair, elle préconise d’adopter une approche secteur par secteur.

Pour les acteurs « para-publics » (de type SNCF ou sociétés de gestion de l’eau), le rapport propose « d’imposer la publication des données essentielles des SPIC [services publics industriels et commerciaux, ndlr] et des contrats de subventions, et d’introduire par défaut dans les contrats de concessions ou de subventions des clauses Open Data concernant les données d’exploitation ». Afin que ces informations puissent être facilement et légalement réexploitées, la mission suggère d’étendre « la liberté de réutilisation aux données des SPIC en situation de monopole (et à ceux listés explicitement par la loi, par exemple car jugés en situation de faible concurrence) », et d’appliquer ensuite « aux autres SPIC un régime de réutilisation modulable ».

Quant aux acteurs purement privés « cette ouverture, pour ne pas être qualifiée de privation de droit de propriété, ne devrait pas être imposée gratuitement ». Autrement dit, elle devrait donner lieu à une rémunération – qui « pourrait en revanche être régulée », précise le rapport.

La loi Numérique pose les premières pierres de cette approche sectorielle

Cette approche est globalement celle poursuivie pour l’instant par le législateur. Le projet de loi pour une République numérique (qui devrait être définitivement adoptée le 27 septembre prochain suite à un ultime vote du Sénat) contient en effet différentes dispositions puisées directement dans les conclusions de la mission sur les données d’intérêt général :

  • En cas de délégation de service public, le concessionnaire devra en principe fournir aux pouvoirs publics, « les données et les bases de données collectées ou produites à l’occasion de l’exploitation du service public faisant l’objet du contrat et qui sont indispensables à son exécution » dans un format compatible avec les standards de l’Open Data. Contrairement à ce que souhaitait la mission, il n’est cependant pas prévu que ces dispositions s’appliquent aux contrats en cours.
  • En cas de versement d’une subvention de plus de 23 000 euros, le donateur devra rendre public, dans « un standard ouvert aisément réutilisable », les « données essentielles de la convention de subvention » (un décret devra préciser ultérieurement quelles sont ces informations). Le législateur n’a en revanche pas souhaité que des clauses « Open Data » soient incluses par défaut dans les contrats de subvention, à l’image de ce qui a été prévu pour les délégations de service public.
  • Pour permettre à l’INSEE d’obtenir des données appartenant à des acteurs privés (tels que les opérateurs de téléphonie mobile par exemple), le projet de loi Numérique permet au ministre de l’Économie d’imposer aux entreprises la transmission par voie électronique d’« informations présentes dans [leurs] bases de données ». Comme le préconisait la mission, ceux qui traineraient des pieds s’exposeront à des amendes pouvant atteindre 25 000 euros, le double en cas de récidive.

Même si le rapport de la mission sur les données d’intérêt général n’avait pas préparé pas de dispositions législatives « clés-en-mains » pour ses propositions d’ouverture secteur par secteur – énergie, environnement, transports... –, force est de constater que la majorité s’est rapidement inspirée de ses suggestions (voir tableau ci-dessous).

cytermann dig intérêt général données
Crédits : Rapport sur les données d'intérêt général

Plusieurs amendements ont ainsi été introduits en avril au Sénat afin que les gestionnaires de réseaux publics de gaz et d’électricité soient tenus de diffuser en Open Data les « données détaillées de consommation et de production issues de leur système de comptage d’énergie ». Les sociétés d’autoroute devront par ailleurs alimenter une future « base de données nationale des vitesses maximales autorisées ». Une ordonnance a également été publiée cet été par le gouvernement afin que les données de circulation routière (trafic moyen) détenues par certaines collectivités territoriales soient libérées.

Écrit par Xavier Berne

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

La mission opposée à un régime juridique des « données d’intérêt général »

La loi Numérique pose les premières pierres de cette approche sectorielle

Fermer

Commentaires (2)


Ca reste très light.



il en faudra plus pour que ca bouge réellement


Je vais sans doute être naïf mais les données de la SACEM elle s vont être libre aussi ? <img data-src=" />