Droit et nouvelles technologies : les infos à retenir de l'été

Droit et nouvelles technologies : les infos à retenir de l’été

Garanti sans burkini ni Pokémon

Avatar de l'auteur
Xavier Berne

Publié dans

Droit

29/08/2016 8 minutes
1

Droit et nouvelles technologies : les infos à retenir de l'été

Que vous reveniez de vacances ou souhaitiez simplement avoir une petite piqûre de rappel, Next INpact vous propose en cette semaine de rentrée un récapitulatif des principales informations à retenir de l’été, sur le plan du droit et de la politique.

Du côté du Parlement

Députés et sénateurs n’auront pas chômé durant la session extraordinaire de cet été, qui s’est achevée le 21 juillet avec l’adoption définitive de deux textes majeurs : la loi Travail et la loi prorogeant l’état d’urgence jusqu’au 26 janvier 2017.

Publiée le 9 août au Journal officiel, la loi El Khomri comporte un volet numérique assez dense. Sa mesure phare : l’introduction d’un « droit à la déconnexion » pour les salariés, qui devrait être défini au sein de chaque entreprise par le biais de négociations annuelles – à partir de l’année prochaine. On y trouve également des dispositions concernant la dématérialisation des bulletins de paie, la responsabilité sociale des plateformes de type Uber, la relance du télétravail, etc.

La dernière loi sur l’état d’urgence ne se limite pas à allonger de six mois la durée de cette situation exceptionnelle – au cours de laquelle les perquisitions informatiques sont notamment facilitées. Le législateur en a en effet profité pour durcir l’arsenal anti-terroriste et les moyens alloués au renseignement (voir notre article).

Après un accord en commission mixte paritaire (où siègent sept députés et sept sénateurs), l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi Numérique le 20 juillet. Il ne manque plus qu’un ultime vote du Sénat, programmé pour le 27 septembre prochain, pour que le texte porté par Axelle Lemaire puisse être publié au Journal officiel.

députés assemblée
Crédits : Assemblée nationale

Un peu plus tôt dans l’été, le 7 juillet pour être précis, François Hollande a promulgué la loi Création. Au programme, notamment : différentes mesures relatives à la copie privée et l’instauration d’une redevance payée par les moteurs de recherche pour l’indexation d’images – qui fait le bonheur des ayants droit mais suscite l’ire d’acteurs tels que Wikimédia. On notera également l’entrée en vigueur de la loi sur la biodiversité, qui oblige les maîtres d’ouvrage à transmettre aux pouvoirs publics les « données brutes de biodiversité » collectées au travers de certaines de leurs études d’impact. De nombreuses (et précieuses) informations devraient ainsi être récupérées, avant d’être partagées sur Internet avec le grand public.

Signalons enfin que des députés de l’opposition et de la majorité ont tenté de trouver un compromis bipartisan autour d’une proposition de loi visant à rendre obligatoire les consultations en ligne de citoyens, préalablement à tout examen de texte par le Parlement (voir notre enquête). Les prochaines semaines permettront de savoir si cette initiative aura fonctionné.

Du côté du gouvernement

En dépit de la pause estivale, plusieurs faits marquants sont à relever du côté de l’exécutif. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a notamment annoncé que la France et l’Allemagne allaient prendre la tête d’une « initiative européenne » sur le chiffrement des communications – pointé du doigt après l’attentat de Saint-Étienne du Rouvray. La CNIL et le Conseil national du numérique sont montés au créneau la semaine dernière pour inviter le gouvernement à « ne pas se tromper de cible ».

D’un point de vue plus juridique, un décret donnant le coup d’envoi de la dématérialisation des bulletins de paie des fonctionnaires a été publié début août. Il prévoit un basculement progressif de ces documents vers un espace personnel propre à chaque agent public. Un autre décret impose cette fois aux employeurs, à compter de 2017, de protéger leurs salariés contre une exposition trop forte aux ondes électromagnétiques, via notamment des seuils à respecter.

L’ordonnance relative aux expérimentations de véhicules autonomes sur les routes françaises a été prise dans le courant de l’été. « Enfin », diront certains, la Cour des comptes ayant notamment déploré le retard français sur ce dossier.

Dans un autre domaine, rappelons que le décret d’application de la loi Valter sur la gratuité des données publiques a été publié au Journal officiel du 30 juillet, suscitant beaucoup de déception pour l’association Regards Citoyens. Fin juillet, le gouvernement a d'autre part pris une ordonnance censée conduire à la mise en Open Data des données de circulation routière (trafic moyen) détenues par certaines collectivités territoriales, mais sa mise en œuvre ne semble guère probable avant 2019...

Du côté de la justice

En pleine rentrée, le ministère de l’Éducation nationale se voit cité à comparaître le 8 septembre prochain, dans le cadre d’un référé d’heure à heure, devant le tribunal de grande instance de Paris. Le litige porte sur l’accord de « partenariat » conclu fin 2015 avec Microsoft dans le cadre du plan pour le numérique à l’école. Le collectif ÉduNathon, qui regroupe plusieurs acteurs français du logiciel libre, considère qu’il s’agit d’un marché public déguisé.

Le 22 juillet, le Conseil d’État a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel la « QPC » soulevée notamment par La Quadrature du Net et French Data Network, au sujet de la surveillance des communications hertziennes. Les « Sages » ont jusqu’à fin octobre pour se pencher sur le manque présumé d’encadrement de l’article L811-5 du Code de la sécurité intérieure, et vérifier sa conformité par rapport aux textes suprêmes.

conseil d'état

Niveau condamnations, on retiendra qu’un individu a été sanctionné de deux ans de prison ferme, début août par le tribunal correctionnel de Chartres, pour consultation habituelle de sites terroristes. Une première. Ce nouveau délit (imaginé sous l’ère Sarkozy) est en en effet en vigueur depuis le 4 juin. Dans un tout autre registre, le gérant de deux entreprises spécialisées dans le spam vocal (ou plus exactement dans le « ping call », un simulacre d’appel en absence destiné à diriger les victimes vers un numéro surtaxé) a écopé de deux ans de prison avec sursis et de 250 000 euros d’amende pour pratiques commerciales trompeuses et agressives. Ses deux sociétés se sont vues infliger des amendes de 300 000 et 500 000 euros.

Du côté des autorités administratives indépendantes

La CNIL a adressé au début de l’été une mise en demeure à Microsoft, pour divers manquements à la loi « Informatique et Libertés » constatés sur Windows 10 : manque d’information des personnes lors de la collecte de certaines données, dispositif d’authentification ne respectant pas les règles en matière de sécurité, etc. La firme de Redmond s’est vue accorder un délai de trois mois pour rentrer dans le rang, faute de quoi la gardienne des données personnelles pourrait ouvrir une procédure de sanction.

Du côté de la Hadopi, c’est la barre symbolique des 1 000 dossiers transmis au Parquet (en vue du déclenchement de poursuites) qui a été franchie dans le courant du mois de juin. Ce résultat est dû à une impressionnante accélération de la riposte graduée lors de la troisième phase. Rappelons au passage que l’institution a récemment sollicité une enveloppe budgétaire de 9 millions d’euros au titre de l’année 2017, soit 500 000 euros de plus que ce qu'elle a obtenu pour 2016, et 3 millions de plus par rapport à 2015.

Du côté de l'Union européenne

La Commission européenne a formellement adopté le 12 juillet le « Privacy Shield », qui remplace le Safe Harbor (invalidé fin 2015 par la justice européenne). Cet accord juridique destiné à encadrer et donc autoriser le transfert de données personnelles concernant des citoyens européen vers les États-Unis, là où les géants du Net ont leurs datacenters, est cependant loin de satisfaire les CNIL du Vieux continent.

Bruxelles a également poursuivi ses travaux sur plusieurs chantiers d’importance, dont on devrait reparler dans les semaines et mois à venir : droit d’auteur (et notamment question de la TVA sur les ebooks et la presse en ligne), régulation des fournisseurs de communications électroniques, exportation des outils de surveillance, etc.

Écrit par Xavier Berne

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Du côté du Parlement

Du côté du gouvernement

Du côté de la justice

Du côté des autorités administratives indépendantes

Du côté de l'Union européenne

Fermer

Commentaires (1)


Merci Xavier ! Typiquement le genre d’article à mettre de côté, façon archive.



Les commentaires sont pas déchaînés ici, mais tous les sujets ont été discutés ailleurs.