En réponse à des questions parlementaires des sénateurs Jean-Marie Mizzon (Moselle - UC) et Jean-Pierre Sueur (du Loiret - SOCR) au sujet de DataJust, un algorithme destiné à « l'élaboration d'un référentiel d'indemnisation des préjudices corporels », le ministère de la Justice précise qu'il se borne à « évaluer la possibilité d'élaborer un référentiel indicatif d'indemnisation des chefs de préjudices corporels extra-patrimoniaux, tels que les souffrances endurées ou le préjudice esthétique ».
Suite à la publication, en mars dernier, du décret portant création de Datajust, des avocats avaient protesté contre ce qu'ils qualifiaient de « barémisation de la vie humaine », rappelait Jean-Marie Mizzon.
Or, « toute vie humaine est singulière et, par voie de conséquence, chaque dossier est particulier et ne peut souffrir une justice mécanisée. De plus, remplacer l'intelligence du juge par une intelligence artificielle qui repose sur un algorithme au prétexte de rendre une justice égalitaire équivaudrait plutôt à la rendre inéquitable par la négation du particularisme de chaque dossier », déplore-t-il.
Jean-Pierre Sueur soulignait que des associations de protection des victimes de médicaments et des professionnels oeuvrant dans le domaine de la justice avaient regretté de ne pas avoir été consultés avant la publication de ce décret. Dans son arrêt du 20 novembre 2014, la Cour de Cassation avait réaffirmé l'importance de ce principe en indiquant, dans son jugement, que « la réparation du préjudice doit correspondre à ce dernier et ne saurait être forfaitaire ».
Le ministère précise de son côté qu'il « s'agirait d'un référentiel purement indicatif et qui aurait vocation à être réévalué régulièrement. Il répond à l'absence, pour l'heure, d'outil officiel, gratuit et fiable à disposition des publics concernés (victimes, assureurs, fonds d'indemnisation, avocats, magistrats). Loin de remplacer les professionnels du droit par des algorithmes, ce référentiel indicatif vise à mieux les informer, ainsi que les victimes qu'ils sont amenés à conseiller, sur le montant de la réparation que ces victimes sont susceptibles d'obtenir devant les juridictions - à l'instar du référentiel inter-cours ou des bases de données de jurisprudence actuellement utilisées par les praticiens ».
De plus, et « loin de figer les indemnisations ou de porter atteinte à l'individualisation de la réparation, ce projet vise, in fine, à permettre une plus juste indemnisation des victimes dans le respect total de l'indépendance du juge, et de manière transparente ».
« Très circonscrit, puisqu'il encadre uniquement le développement informatique de l'algorithme destiné à créer ce référentiel indicatif pour une période de temps limitée à deux années », le décret « doit permettre au ministère de la justice d'évaluer la faisabilité technique du projet. Si les travaux à mener s'avèrent concluants, un second décret viendra ensuite encadrer la mise à disposition au public, en conformité avec les règles prévues pour la mise oeuvre de l'open data des décisions de justice. Une consultation aura alors lieu sur ce second projet de décret », conclut le ministère.