L’ultradroite – à savoir, dans le jargon policier, « l’extrême droite violente » – a massivement investi Internet et l’ensemble des plateformes numériques, relève une note du 18 mai de la sous-direction antiterroriste (SDAT), que Le Monde a pu consulter.
L’influence de l’ultradroite se ferait surtout sentir « sur une galaxie de sites, de blogs, de groupes actifs sur des forums, de comptes ou de chaînes alimentés sur les différents réseaux sociaux » afin d'y diffuser leurs idées et recruter.
Certains « constituent des sites incontournables de la nébuleuse d’ultradroite », comme Egalité et réconciliation d’Alain Soral, Fdesouche ou VKontakte, le Facebook russe.
La SDAT observe cela dit que YouTube constitue le vecteur privilégié de diffusion de la propagande d’ultradroite, qui attire de nouveaux publics, notamment les jeunes, avec des contenus modérés, avant de les rediriger vers des vidéos plus radicales, afin de recruter des partisans : « YouTube joue ainsi un rôle majeur en termes de radicalisation », écrivent ainsi les policiers.
L’autre pôle privilégié de recrutement passerait par les forums de jeuxvideo.com qui, d’après le document, auraient été « investis par l’ultradroite » au début des années 2010. La SDAT cite le cas d'un joueur de Fortnite, testé avec des propos racistes ou antisémites afin de l'inviter, s'il semble intéressé, à rejoindre un autre forum plus radical sur Discord. Un autre, déjà condamné pour « apologie du terrorisme », cherchait quant à lui à s'y procurer des armes en messages privés.
La SDAT se propose ainsi d’investir davantage « le cyberespace, qui représente pour ces groupuscules, tout comme pour les organisations terroristes, un univers faiblement régulé qui amplifie les interactions sociales, y compris à l’international, et garantit l’anonymat de ses utilisateurs avertis ».
Pour autant, leurs effectifs n'auraient guère progressé. Les services de renseignement estimaient en effet que l’ultradroite comptait en 2004 entre 2 500 et 3 500 skinheads, identitaires, néonazis et hooligans. Le Service central du renseignement territorial (SCRT) évaluait pour sa part en 2020 leur noyau à environ 1 000 personnes, et 2 000 sympathisants – soit dix fois moins qu’en Allemagne.
« Il y a un risque de survalorisation du Web, même s’il est important, c’est un super organe de propagande », relativise l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite. « Les vidéos sont importantes pour la jeune génération, elles les conduisent vers des idées radicales, mais pas nécessairement jusqu’à une radicalisation violente. »