Diffuser sur Internet des photos d’un ou d’une « ex » en petite tenue, voire dans une situation sexuellement bien plus explicite, le tout en rajoutant son nom, son adresse ainsi qu’un lien vers sa page Facebook : c’est ce qu’a permis pendant près d’un an le site « ugotposted.com ». Son administrateur présumé se retrouve aujourd’hui derrière les barreaux. Explications.
Le procureur de l’État de Californie a annoncé mardi l’arrestation d’un homme suspecté d’être le propriétaire et l’administrateur d’un site de « revenge porn ». Ce phénomène, déjà évoqué dans nos colonnes, consiste pour rappel à publier sur Internet une vidéo ou une photo d’un ou d’une ex petit(e) ami(e), de préférence dans une position la plus sexuellement explicite possible, afin de l’humilier au maximum.
Certains sites Internet ont d'ailleurs été spécialement créés à cet effet, à l’instar de « ugotposted.com », qui a ouvert ses portes en décembre 2012. C’est justement à cause de ce site que Kevin Bollaert, 27 ans, a été interpellé mardi par la police de San Diego. Trente et un chefs d’accusation pèsent aujourd’hui à l’encontre de cet homme, dont « usurpation d’identité », « harcèlement » et « extorsion de fonds ». Il encourt à la fois une peine d’amende et de prison.
Un premier site pour publier photos et données personnelles (adresse, page Facebook...)
Et pour cause : le procureur explique dans sa plainte (PDF) que ce site permettait à des internautes de mettre en ligne des images intimes d’autres personnes. Sans leur demander leur accord, bien entendu. Au 17 septembre 2013, ce sont 10 170 photos qui avaient ainsi été mises en ligne.
Mais le processus ne s’arrêtait pas à la publication de « simples » photos, puisqu’il était exigé que celles-ci soient accompagnées d’informations personnelles concernant les victimes : nom, adresse, âge, et lien vers une page Facebook (et éventuellement vers Twitter, LinkedIn, etc.)... Bref, le parfait cocktail pour enclencher une spirale infernale aux conséquences potentiellement très dangereuses pour la personne visée par l’opération.
Un second site pour faire payer les retraits
Mais ce n’est pas tout. Kevin Bollaert est également accusé d’avoir ouvert un second site Internet, « changemyreputation.com », qui proposait de son côté aux victimes de « ugotposted.com » de gommer les passages les concernant... Et les sollicitations en la matière ne manquaient pas : près de 2 000 demandes de retraits ont par exemple été adressées par mail à l’administrateur de « ugotposted.com » entre le 20 juin et le 26 août 2013.
À chaque sollicitation, les victimes se voyaient réclamer en retour des frais allant de 299,99 à 350 dollars (soit entre environ 215 et 250 euros), payables via un compte PayPal ou au travers de cartes cadeau sur Amazon. Et ce sans compter les 900 dollars de recettes publicitaires que générait en moyenne ce site. Il est reproché à l’accusé d’avoir ainsi empoché plus de 10 000 dollars - soit près de 7 250 euros - en moins d’un an.
Exemple de mail adressé à ugotposted.
Ces deux sites ont aujourd'hui fermé leurs portes.
Six mois d'enquête
Cette arrestation, présentée comme le fruit d’une enquête de six mois, intervient quelques semaines après que la Californie ait adopté une proposition de loi visant justement à s’attaquer au « revenge porn », dans la mesure où la qualification juridique de tels faits est parfois délicate étant donné que les images sont bien souvent prises avec le consentement de la - future - victime. Ainsi, le Code pénal californien sanctionne dorénavant d’une peine maximale de six mois de prison et de 1 000 dollars d’amende le fait, pour « tout individu photographiant ou enregistrant, par quel moyen que ce soit, les parties intimes du corps d'une autre personne identifiée », de distribuer ces images avec la volonté de provoquer chez la personne concernée une détresse émotionnelle profonde.
Mais comme l’explique ArsTechnica, ces nouvelles dispositions ne changeront pas grand-chose au cas de Kevin Bollaert, puisque l’intéressé est ici mis en cause pour des faits différents (extorsion de fonds, harcèlement et publication de données personnelles notamment), qui étaient déjà encadrés par la loi auparavant.