« PUR » (pour « Promotion des usages responsables »), c’est terminé. La Hadopi a en effet annoncé hier en catimini que les labels qu’elle délivre depuis maintenant plus de trois ans s’intituleraient désormais « offre légale Hadopi ». L’ouverture d’un nouveau site de référencement des offres labellisées ou bien « pouvant être regardées comme légales » a été ouvert pour l’occasion. Certains ont déjà vu dans ce « Label Offre Légale » le signe du LOL...
Depuis hier, ceux qui souhaitent accéder au site « Pur.fr » se voient redirigés vers un tout nouveau portail, intitulé « offrelégale.fr ». Si aucune annonce n’a été faite à ce sujet sur le site officiel de la Hadopi, le secrétaire général de l’institution, Éric Walter, l’avait confié il y a quelques jours dans le cadre d’une interview à Édition Multimédi@ : « un nouveau site de recensement de plus de 300 offres culturelles en ligne encore non répertoriées » devait ouvrir ses portes ce mardi 10 décembre.
Un total de 335 offres labellisées ou bien « pouvant être regardées comme légales »
Concrètement, ce nouveau site se présente comme une énième plateforme permettant de rechercher un site ou service (musique, vidéo, ebook, jeux vidéo, etc.), éventuellement à partir de critères bien précis, de type « mode de lecture » ou « compatibilité » avec tel appareil ou système d’exploitation. La véritable différence avec le précédent portail, c’est qu’au lieu d’afficher uniquement les sites et services labellisés par la Hadopi, d’autres offres « pouvant être regardées comme étant légales » apparaissent également dans les résultats de recherche.
Mais pour que l’internaute sache faire le tri entre le « PUR » et le moins pur, les offres labellisées sont affichées en tête des résultats de recherche. Autrement dit, elles sont sur-référencées. De plus, pour être sûr qu'il n'y ait pas de confusion, les heureux titulaires voient leurs offres affublées d’une petite étiquette permettant aux utilisateurs de les reconnaître. C'est justement ce qu'avait proposé le rapport Lescure, qui voulait qu'un moyen « simple et visible » conseille les internautes, par exemple grâce à « des icônes ou des codes-couleurs ». Un tel système de signalement est typiquement poussé par les ayants droit réunis au sein de PRS for Music au travers de Traffic Lights, lequel vise à qualifier ou disqualifier les sites dans les moteurs à l’aide de pastilles de couleur.
Pour l’heure, ce sont 335 offres qui sont référencées par ce nouveau portail « offrelégale.fr », dont 62 sont labellisées. Mais d’où viennent les 273 nouveaux sites et services non labellisés mis en avant ? Ils ont été identifiés par la Hadopi elle-même, avec l’appui de « listes provenant d’organismes publics (généralistes ou spécialistes d’un secteur culturel), d’organisations professionnelles (syndicats) et de certains experts identifiés ». Le Centre national du cinéma (CNC) a ainsi participé à cette sélection, de même que l’Agence française pour le jeu vidéo (AFJV).
Pour faire son tri, la Rue du Texel affirme avoir analysé chacune des offres (accès à un paiement sécurisé, présence de mentions légales, etc.), allant même jusqu’à regarder si celles-ci n’avaient pas fait l’objet de demandes de déréférencement auprès de Google. La Hadopi explique en effet qu’à partir du « Transparency Report » de la firme de Mountain View, elle a ainsi pu « écarter les plateformes qui font l’objet de demandes de déréférencement récurrentes », sans préciser à partir de quel seuil elle a choisi d’exclure certains sites.
Un site qui se veut davantage contributif
Le portail « offrelégale.fr » se veut d’autre part contributif, puisqu’il est possible de suggérer l’ajout d’une nouvelle plateforme, de commenter chaque offre référencée, etc. La publication d’un « palmarès des sites les plus appréciés » pourrait même être envisagé. Manifestement inspiré par Facebook, la Hadopi a également apposé un outil « J’aime »...
À noter que les informations publiées sur ce nouveau site à propos des offres référencées (compatibilité, types d’œuvres, présence ou non de DRM, mode d’accès, spécificités de chaque plateforme...) sont proposées sous forme d’un tableau au format CSV, lequel devrait être mis en ligne « prochainement » sur la plateforme d’Open Data gouvernemental data.gouv.fr.
Le coût de ce nouveau portail ? « L'institution précise que le site a été réalisé en interne et que les prestations extérieures lui ont coûté 8 000 euros » rapporte L’Expansion. Aucune campagne de communication particulière ne semble au programme, tandis que le lancement de « PUR » s’était accompagné d’une campagne multi support ayant coûté plus de 3 millions d’euros.
PUR passe à la poubelle, le label « offre légale Hadopi » prend le relais
« Le label (anciennement PUR) s’appelle désormais "Label offre légale Hadopi", tout simplement », annonce laconiquement la Rue du Texel. Si « PUR » est donc liquidé, il ne s’agit cependant que d’un changement de façade, puisque la procédure applicable aux candidats à l’obtention du fameux sésame n’a pas changé. Seules modifications présentées par la Rue du Texel : le design du logo a été revu, « afin de s’adapter au mieux à la charte graphique des sites sur lesquels il est apposé », et le guide d’utilisation du label a été « simplifié » en conséquence.
L’on remarquera que le nom de domaine « offrelegale.fr » est proche de nombreuses autres variantes, qui ne renvoient pour le coup pas du tout vers le site aux couleurs de l’Hadopi. D’ailleurs, souvenez-vous : l’annonce, durant les débats parlementaires de 2009, d’une mise en place future d’un portail dédié à l’offre légale avait conduit de nombreux petits malins à enregistrer une ribambelle de noms de domaines à partir des mots « offre » et « légale » (voir notre article de l’époque).
Sur-référencement des offres labellisées, chantage aux aides publiques : les pistes
Alors que la Hadopi sait ses jours comptés, le projet de loi consacrant le transfert de la riposte graduée au CSA étant attendu pour les prochains mois, l’institution s’efforce de mettre en avant son action, y compris s'agissant du volet relatif à la « promotion de l’offre légale ».
De la même manière que lors de la publication de son dernier rapport d’activité annuel, elle rivalise d’ailleurs d'idées pour améliorer le dispositif. « Nous espérons pouvoir proposer bientôt sur le site un système de recherche par œuvre, plus pratique pour les internautes » a ainsi expliqué Éric Walter à Metronews. « Mais pour cela, nous devons disposer d'un droit d'accès aux bases de données des services, en négociant directement avec eux ou dans un cadre fourni par le législateur » a fait valoir le secrétaire général de l’institution. Pour rappel, la Rue du Texel a également réclamé en octobre que le décret régissant le processus de labellisation des offres légales soit modifié, de telle sorte que les précieux sésames soient délivrés pour trois ans (à la place de un an actuellement) et que les conditions de renouvellement soient allégées.
Si la mission de promotion de l’offre légale confiée à la Hadopi a été critiquée, y compris au sein de son propre collège (« Le résultat est nul », déclarait en mars dernier Jean Musitelli, ancien membre du collège ayant claqué la porte de l’institution en 2012) elle n’en demeure pas moins un vecteur d’espoir pour certains. Le rapport Lescure a en effet proposé de sur-référencer « les sites conventionnés par le CSA [qui prendrait donc le relais de la Hadopi, ndlr], par hypothèse légaux » dans les moteurs de recherche, avec pour effet mécanique de sous-référencer les offres non labellisées. La Hadopi a d’ailleurs beaucoup planché sur une telle option, notamment au travers de son projet LinkStorm. Pour compléter le tout, Aurélie Filippetti avait de son côté proposé de conditionner le versement des subventions publiques à la détention préalable d’un label.