Après le Syntec Numérique, l'Association française des éditeurs de logiciels, Renaissance numérique, l'Interactive Advertising Bureau, la Quadrature du Net, la Fédération internationale des droits de l'homme, voilà que le Medef fustige à son tour l’article 13 du projet de loi de programmation militaire.
C’est cette après-midi que les sénateurs examineront le projet de loi de programmation militaire (notre longue analyse, un résumé). Le texte, déjà voté en première lecture par les deux chambres, sera l’objet de toutes les attentions. En cause, spécialement, l’article 13 lequel va autoriser en temps réel la récupération par les autorités d’une masse non définies de « documents » et « d’informations », aussi bien auprès des FAI que des hébergeurs. Pour se faire, Bercy, l’Intérieur, la Défense ou la Sécurité intérieure n’auront qu’à motiver leur demande initiale par la lutte contre le terrorisme ou la sauvegarde du « potentiel scientifique et économique de la France » et à la prévention « de la criminalité ou de la délinquance organisées. »
11 amendements discutés aujourd'hui
Sur les 11 amendements déposés en seconde lecture au Sénat, seuls trois concernent ce fameux article. Des sénateurs Verts demandent sa suppression pure et simple. Des parlementaires UMP préfèrent qu’on remplace la sollicitation du réseau par « la sollicitation de l’opérateur » afin d’imposer un sas entre le renseignement et les intermédiaires. Dans un troisième amendement, l’opposition demande à ce que la totalité des surcoûts engendrés par ces nouvelles obligations soit supportée en intégralité par l’État.
Le Medef évoque un risque pour la confiance
D’ores et déjà, plusieurs acteurs de la société civile ont dénoncé les capacités intrusives de ce dispositif. Et pour cause, le mode opératoire laisse sagement de côté l’intervention du juge. De même, les débats parlementaires n’ont pas permis de lever le brouillard de plusieurs dispositions notamment celle de la « sollicitation du réseau », notion qui laisse présager une possibilité d’interconnexion directe pour aspirer ces données.
Dernier en date à s’opposer à ce texte, le Medef. Le patronat français estime que l’article 13 « instaure un dispositif permanent de surveillance en temps réel, dans un cadre extrêmement large sans les garanties procédurales nécessaires », et de ce fait engendre « une grave atteinte à la confiance que l'ensemble des acteurs doivent avoir dans l'Internet ». L’analyse est surtout économique. Le Mouvement des entreprises de France se demande en effet « comment faire de la France un territoire attractif et propice à la création d'entreprises, quand la confiance des acteurs économiques (tout autant que celles des citoyens) dans le numérique est affectée substantiellement par de telles dispositions ? »
Avec cet article 13, il craint « l’isolement sur la scène internationale » et consécutivement « une contraction d'un secteur de croissance ». Le Medef demande du coup que cet article ne soit pas adapté en l’état.
La position (très) tempérée du CNNum
Si le Syntec Numérique, l'Association française des éditeurs de logiciels, Renaissance numérique, l'Interactive Advertising Bureau, la Quadrature du Net, la Fédération internationale des droits de l'homme ont tous dénoncé cet article, dans le paysage, on remarquera l’analyse pour le moins contrastée de Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique : « On sent bien une volonté de régularisation des méthodes existantes. Mais il ne s'agit pas d'un Prism à la française. Les autorités n'ont pas accès à toutes les données : elles sont surtout détenues par les géants du Web américains. » Des éléments de langage qui collent parfaitement avec ceux de Fleur Pellerin. La ministre tentait là de ridiculiser les critiques de l’Asic, l’association des acteurs du web 2.0 qui compte dans ses rangs Google.