Un rapport publié la semaine dernière par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective analyse la façon dont la « Silver Économie » pourrait aider la France à retrouver de la croissance économique. Les nouvelles technologies développées pour les personnes âgées et/ou dépendantes (et parfois appelées « gérontechnologies ») sont notamment mises en avant.
C’est jeudi dernier que le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a officiellement remis au gouvernement son rapport sur « La Silver Économie, une opportunité de croissance pour la France » (PDF). Mais qu’est-ce que la Silver Économie ? Il s’agit de la valeur économique pouvant se dégager du vieillissement de la population. Autrement dit, même si les seniors sont souvent pointés du doigt en raison du coût de leurs retraites et de leurs dépenses de santé, ils sont également un moteur pour l’économie. Et ce d’autant plus que ce phénomène s’accélère sous l’effet dit du « papy boom » (départs à la retraite des enfants nés durant le « baby boom » des Trente glorieuses).
Selon le rapport du CGSP, le développement d’une « Silver Économie » est de nature à servir de levier à plusieurs secteurs, dont celui des nouvelles technologies. L’institution, rattachée à Matignon, estime en effet que le vieillissement de la population « ouvre des marchés de produits, de technologies et de services dédiés aux personnes âgées suffisamment larges pour donner à une offre émergente une taille critique et une rentabilité ». Aussi, il apparaît que « l’essor de ces marchés, par leurs connexités avec certaines technologies clés ou filières industrielles, apporte un effet de levier majeur à l’ensemble de notre politique industrielle (domotique, robotique, numérique, technologies pour l’autonomie...) ».
Maison intelligente : domotique, robotique, objets communicants...
Plusieurs « marchés clés » sont ainsi identifiés, tels que celui de la « maison intelligente ». Il faut entendre par là l’habitation offrant des « éclairages automatiques, plans de travail mobiles qui se mettent à hauteur des personnes en fauteuil roulant, fermeture électrique centralisée des volets et des portes, identification des ouvertures de réfrigérateurs, du temps passé dans les diverses pièces, etc. ». À cet égard, le rapport relève qu’il existe une barrière assez importante, liée au fait que « chaque service, voire chaque fournisseur, propose encore des systèmes de contrôle-commande "propriétaires", c’est-à-dire avec un protocole spécifique, non interopérable ». Les « stratégies d’acteurs qui défendent leurs solutions propriétaires » sont explicitement pointées du doigt.
Au-delà de la domotique, la « maison intelligente » peut s’ouvrir sur de nombreuses autres fonctions : gestion de l’énergie (production et moyens de stockage locaux), santé à domicile, sécurité des biens et des personnes, notamment via la robotique, etc. D’autre part, il est également fait référence aux objets communicants, ceux qui peuvent « communiquer entre eux selon des protocoles prédéfinis, être pilotés à distance, voire se piloter en tant que système autorégulé pour certaines fonctions ».
Le rapport plaide pour une entrée stratégique dans cette dynamique
« Ces nouvelles technologies couplant internet, téléphone, géolocalisation, ouvrent un grand nombre de possibilités et donnent un potentiel à des technologies comme les capteurs, les robots, les systèmes de communication... Elles ne seront sans doute matures que dans dix ou quinze ans mais il est stratégique de s’inscrire dès aujourd’hui dans cette dynamique » plaide le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
Pour ce faire, différentes préconisations sont mises sur la table. L’État est notamment invité à endosser un rôle en matière de « normalisation » et de développement d’infrastructures. « En favorisant le recours à un bus (middleware) qui doit être pensé comme une plateforme web standardisant les échanges d’informations, l’État permet aux différents acteurs d’entrer facilement dans le jeu avec leur proposition de services ou de produits, dès lors qu’ils ont obtenu le label et accepté d’être interconnectés à l’ensemble » recommande le CGSP, en référence notamment aux objets communicants.
Le rapport considère d’autre part qu’il faudrait encourager le développement à l’international d’une offre de résidences pour seniors équipées de tels dispositifs de domotique et de services innovants. La Banque publique d’investissement pourrait dans cette optique être amenée à donner un coup de pouce à certains projets.
L'exécutif séduit par cette « opportunité inédite pour la croissance de la France »
De son côté, le gouvernement a qualifié ce rapport de document « essentiel ». Alors que les prévisions de croissance et les chiffres du chômage sont encore loin de convaincre, l’exécutif affirme que la Silver Économie constitue à ses yeux « une opportunité inédite pour la croissance de la France ». Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées, ont ainsi souligné qu’avec la production d’appareils de domotique et de dispositifs d’assistance, la Silver Économie sera « génératrice d’emplois industriels et techniques (vente, installation, maintenance de ces instruments) », de la même manière que le développement des services d’« e-autonomie » (téléassistance active ou passive, géoassistance, vidéovigilance, télémédecine, chemin lumineux, etc.). Les deux ministres insistent cependant sur le fait que « les technologies pour l’autonomie ne sont qu’une porte d’entrée pour la Silver Économie », en ce que celles-ci ne sont pas ses seules constituantes.
Des craintes déjà exprimées par la CNIL
Rappelons enfin que si ce qu’on appelle parfois les « gérontechnologies » sont vues ici avant tout comme un gisement économique, par ailleurs porteur de certaines avancées sociales, certains n’hésitent pas à souligner leurs limites. Cet été, la CNIL expliquait ainsi avoir observé « une tendance en faveur de la substitution de réponses technologiques aux comportements humains de vigilance ». Relativement inquiète face au « risque de déresponsabilisation des acteurs concernés au profit de technologies qui ne sont pas infaillibles », l’institution annonçait l’ouverture d’une réflexion sur le sujet. Elle insistait alors sur le fait que ces technologies « ne doivent pas porter une atteinte excessive aux droits et libertés des personnes, en particulier leur dignité ».