En février 2012, Facebook France a accepté la demande de fermeture d’une page non-officielle relative à « Plus Belle La Vie », la société de production de la célèbre série se plaignant d’atteintes à ses droits de propriété intellectuelle. Le mois dernier, le tribunal de grande instance de Paris a cependant estimé que cette demande était injustifiée. Le réseau social devra donc rétablir la fameuse page Facebook, tandis que la société de production a été condamnée à verser 10 000 euros de dommages et intérêts à la victime.
Comme beaucoup de séries à succès, « Plus Belle La Vie » fait l’objet sur Facebook de nombreuses pages non-officielles et animées par des fans. Laurence C., créatrice du site Internet « www.pblvmarseille.fr », a ainsi ouvert en 2008 une page Facebook intitulée « PBLV Marseille ». L’intéressée coopère alors de manière régulière avec la société produisant le célèbre feuilleton diffusé tous les soirs sur France 3, Telfrance Série, afin d’organiser par exemple des jeux concours.
Sauf qu’en février 2012, tout bascule. Telfrance Série demande à Facebook France de fermer la page non-officielle de Madame C. (qui comptabilise alors plus de 600 000 « fans ») pour la fusionner avec sa propre page Facebook, officielle cette fois. Motif invoqué ? L’utilisation illicite des marques déposées « Plus belle la vie » et « PBLV ». Le réseau social accepte cette requête, au grand dam de Laurence C qui estime que la société s’approprie ainsi ses « fans » et, au-delà, ses efforts d’animation.
Tant et si bien que quelques mois plus tard, en septembre 2012, l’animatrice assigne Telfrance Série et Facebook France devant le tribunal de grande instance de Paris. Madame C. considère ne pas avoir porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle de la société de production, de telle sorte que la suppression de sa page Facebook était injustifiée. Elle demande ainsi réparation au titre du caractère déloyal des agissements de Telfrance Série, l’entreprise ayant selon elle profité indûment de son travail et de son investissement relatifs à cette page. Facebook France est de son côté accusé de ne pas avoir respecté les règles de la LCEN lors de la fermeture de la page « PBLV Marseille ».
Pas de visées commerciales pour cette page non-officielle
Dans un jugement rendu le 28 novembre dernier (disponible sur Legalis), la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris a finalement donné gain de cause à l’internaute. Contrairement à ce que soutenait Telfrance Série, les magistrats ont en effet retenu que les activités de Laurence C. n’avaient pas de visées commerciales. « L’organisation par madame C. de jeux concours sur cette page Facebook - dont la société Telfrance Série était au courant puisqu’elle fournissait des cadeaux aux gagnants - n’établit pas que la participation à ces jeux était payante, ni ne démontre pas l’existence d’un quelconque avantage économique qu’en aurait retiré madame C. » relève ainsi le TGI.
Les juges ont également considéré que « l’absence de toute activité économique tirée de l’exploitation de la page Facebook “PBLV Marseille” par madame C. » était de nature à exclure l’hypothèse selon laquelle la plaignante aurait utilisé les marques « Plus belle la vie » et « PBLV » afin de tromper les internautes dans l’intention de réaliser des profits. Dès lors, « faute pour la société Telfrance Série de démontrer que Madame C. a fait usage des marques dont elle est titulaire dans la vie des affaires ou en a tiré un avantage direct ou indirect, elle ne pouvait s’opposer à l’usage de ses marques sur la page Facebook "PBLV Marseille" sur le fondement des articles L 713-2 et L 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ».
Facebook France devra rétablir la page, telle qu'elle existait lors de sa fermeture
Cela signifie que Facebook France a fermé une page qui n’était finalement pas illicite. La responsabilité du réseau social doit-elle être engagée, comme le réclamait la plaignante ? « La société Telfrance Serie étant titulaire des marques "PBLV" et "Plus belle la vie", et sollicitant la fermeture d’une page non officielle consacrée à la série télévisée "Plus belle la vie", sa demande pouvait apparaître fondée pour la société Facebook France, tenue d’intervenir rapidement » a répondu à cet égard le tribunal de grande instance de Paris. En clair, le réseau social a bloqué l’accès à un contenu qu’il pouvait légitimement considérer comme manifestement illicite, comme le prévoit la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Dès lors, le blocage de cette page par Facebook « ne saurait constituer une faute justifiant qu’elle soit condamnée au paiement de dommages et intérêts ».
Néanmoins, la demande de fermeture émanant de la société Telfrance Série étant injustifiée, le TGI a ordonné à Facebook France de rétablir la page de Laurence C., « telle qu’elle existait avant sa fermeture ». Le réseau social dispose de quinze jours à compter de la signification de cette décision pour s’exécuter. Passé ce délai, il devra payer une astreinte de 500 euros par jour de retard.
10 000 euros de dommages et intérêts alloués à la victime
Telfrance Série a de son côté été condamnée à payer 10 000 euros de dommages et intérêts à Laurence C., au titre de son préjudice moral. Les juges ont explicitement pris en compte « l’importance du nombre de fans de cette page » pour « apprécier l’investissement humain réalisé par madame C. dans l’animation de cette page, et le préjudice moral qui a résulté de cette fermeture ». La société de production devra également verser 3 000 euros à la victime au titre de ses frais de justice.
Notons enfin que ce n’est pas la première fois que Telfrance Série s’en prend à des pages ou blogs de fans relatifs à Plus Belle La Vie. Sauf que ces litiges ne sont pas tous connus du public ou ne se poursuivent pas forcément jusqu’au procès (voir notre article sur cet arrangement entre la société de production et le responsable d’un blog résumant les épisodes de la fameuse série).