Comme prévu, le filtrage administratif des sites de proxénétisme n'a pas été adopté par les députés. Ceux-ci ont voté cependant dans la proposition de loi contre la prostitution, un nouveau cas d'extension de la responsablité des FAI et des hébergeurs. Une mesure soutenue vendredi après-midi par Najat Vallaud-Belkacem.
Les députés du Parti socialiste avaient dans un premier temps tenté d’imposer ce contre quoi ils avaient toujours lutté : le filtrage administratif des sites. Dans la v.1 du texte soutenu par Najat Vallaud-Belkacem (NVB), l’autorité administrative aurait pu en effet ordonner aux intermédiaires techniques le blocage d’accès aux sites de proxénétisme. Le gouvernement, représenté par la ministre des droits de la femme a finalement abandonné cette idée, considérée comme prématurée alors que « les conclusions du groupe de travail sur l’habeas corpus numérique permettront d’enrichir cette proposition de loi » (voir notre actualité).
Mais c’est surtout le tollé soulevé par cette disposition qui aura eu raison d’elle : l’Asic, La Quadrature du Net, ou le Conseil national du numérique se sont tous opposés. La volteface du PS sur le filtrage administratif n’a cependant pas échappé aux autres parlementaires.
Ainsi, Sergio Coronado (EELV) dira vendredi après-midi : « J’aurais souhaité que la commission spéciale se penche avec beaucoup de rigueur sur cette question, qui a agité notre assemblée lors de la discussion de la loi HADOPI et de la LOPPSI 2. À l’époque, j’avais cru comprendre que le parti qui est le principal soutien de cette proposition de loi était totalement rétif à ce type de disposition. Lors du recours devant le Conseil constitutionnel, nous avions dénoncé l’inefficacité, le caractère contreproductif du filtrage administratif et les risques d’atteinte aux libertés qu’il comportait. »
Plus de responsabilités pour les intermédiaires techniques
Si Najat Vallaud-Belkacem a finalement repoussé le principe du blocage administratif, une autre disposition a été adoptée par les parlementaires avec le soutien de la ministre. Comme nous l’exposions, FAI et hébergeurs ne sont en principe soumis à aucune obligation générale de surveillance des données transmises ou stockées. Cependant, à ce jour, pour certaines infractions très graves et dont l’illicéité est évidente, cette passivité n’est pas tolérée : en cas d’apologie des crimes contre l'humanité, incitation à la haine raciale, pornographie enfantine, ils doivent dénoncer aux autorités ces activités illicites signalées par les internautes.
Cette disposition soutenue par NVB est bien plus insidieuse. L’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique est en effet modifié afin d’étendre ces obligations aux sites de proxénétismes. Cette extension va dans le même sens que celle initiée par le projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, défendu toujours par la même ministre : avec ce dernier texte, FAI et hébergeurs devront lutter identiquement contre « toutes les formes d’incitation à la haine, notamment pour ce qui concerne la haine fondée sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle » résume Maud Olivier, rapporteure du texte sur la prostitution.
Internet n'est pas une zone de non-droit, selon NVB
Vendredi après-midi, la ministre des droits de la femme a jugé que « c’est une bonne mesure, car internet ne peut pas, ne doit pas, être une zone de non-droit, une zone d’accueil de la prostitution alors que nous cherchons à la contrer par ailleurs ». Des propos calqués sur ceux de l’UMP quand le groupe majoritaire tentait de justifier par tout moyen des tours de vis réglementaires du net.
Sergio Coronado, membre de la Commission des lois, aura une grille de lecture plus précise de ces futures obligations. « Si vous lisez bien le texte (…) l’article modifié permet d’engager la responsabilité civile et pénale des hébergeurs dès lors qu’ils n’empêcheraient pas l’accès à des contenus illicites dont ils auraient eu connaissance ». Et pour cause. Avec le proxénétisme (projet de loi sur la prostitution), l’incitation à la haine notamment fondée sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle (projet de loi égalité femme et homme), la responsabilité des intermédiaires sera plus facilement activable (voir l'émission 14h42 d'Arrêt sur Images et PC INpact sur ce sujet).
Pourquoi ? Quand l’internaute dénoncera un contenu à l’intermédiaire, celui-ci aura juridiquement « connaissance » de son caractère illicite. Le cas échéant, s’il ne fait rien pour le gommer alors que les contenus sont jugés manifestement illicites, il pourra voir sa responsabilité engagée. Cependant, autant la pédopornographie saute aux yeux, autant des propos sexistes ou des cas de proxénétisme vont exiger des FAI et des hébergeurs une expertise bien plus fine, avec des risques de « censure » de contenus qui pouvaient être parfaitement légitimes.