Le Parlement vient de voter le projet de loi fixant les modalités d’organisation du « référendum d’initiative populaire ». Si certains détails devront encore être fixés par décret, sénateurs et députés ont souhaité que l’expression des soutiens des électeurs se fasse uniquement par voie électronique, via un site Internet dédié. Des aménagements ont toutefois été prévus.
Arpentant les rangs du Parlement depuis 2010, le projet de loi organique portant application de l'article 11 de la Constitution a finalement été adopté la semaine dernière dans les mêmes termes entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Derrière ces mots quelque peu barbares, se cache en réalité un dispositif institutionnel un peu plus parlant : le « référendum d’initiative populaire ». De quoi s’agit-il ? Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le président de la République n’est plus le seul à pouvoir décider de l’organisation d’un référendum. En effet, un tel scrutin peut également être organisé « à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Sachant qu’à la fin février 2011, 43,2 millions de Français étaient inscrits sur les listes électorales, la mise en marche d’un tel processus nécessitera un soutien d’au moins 4,3 millions d’électeurs... Ce qui est considérable.
Mais ce qui nous intéresse ici, c’est l’expression concrète de ces soutiens. Car pour affirmer qu'ils souhaitent donner leur avis sur telle ou telle proposition de loi (qui sera forcément rédigée par un parlementaire, soutenu par 184 de ses pairs), les électeurs en passeront par la voie électronique. Après avoir longuement débattu sur ces aspects (voir notre article), députés et sénateurs sont finalement tombés d’accord.
Vers un site Internet dédié
Durant une période de neuf mois, les électeurs pourront exprimer leurs soutiens via un site Internet spécialement prévu à cet effet. Des aménagements ont toutefois été prévus. D’une part, pour ceux qui n’auraient pas de connexion, des bornes d’accès seront mises à leur disposition « au moins dans la commune la plus peuplée de chaque canton ou au niveau d'une circonscription administrative équivalente ». Les consulats seront également équipés.
D’autre part, pour ceux dont les connaissances en informatique seraient moindres, il est prévu que « tout électeur peut, à sa demande, faire enregistrer électroniquement par un agent de la commune ou du consulat son soutien présenté sur papier ». Autrement dit, les soutiens par voie papier sont admis dans la pratique. Ils doivent simplement faire l’objet d’une permutation sous forme électronique par les agents publics.
Un site au coût évalué entre 3 et 4 millions d’euros
Si le recueil des soutiens par voie électronique fut présenté comme une solution moins onéreuse que par voie papier, elle n’en demeurera pas pour autant indolore pour le Trésor Public. L’étude d’impact du projet de loi estimait en effet que la création du site Internet dédié, son hébergement et sa maintenance pouvaient être « évalués à un coût compris entre 3 et 4 millions d’euros (avec environ 3 millions d’euros de coûts initiaux et 600 000 euros de coût par initiative) ». À cela s’ajoutera le coût des points d’accès à Internet installés dans les communes et consulats, dont le montant probable n’est pas évoqué au travers de cette étude d’impact.
Si l’ensemble des modalités pratiques liées au futur site Internet de recueil des soutiens sera définie ultérieurement par décret, rappelons que lors des débats à l’Assemblée nationale, le député écologiste Paul Molac s’inquiétait déjà des éventuels problèmes de sécurité d’un tel dispositif. L’élu s’élevait effectivement en avril dernier contre « des risques de dérives potentielles ». Il déclarait alors que « compte tenu des réserves émises par la CNIL sur le vote électronique, il sera nécessaire de travailler à fiabiliser la procédure ». Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement, rétorquait alors que le contrôle des soutiens, « déposés sur un même site national, serait dans une large mesure facilité et fiabilisé ».
L’étude d’impact du projet de loi invitait quant à elle les autorités à garantir à la fois l’accessibilité du site, le nombre de connexions étant susceptible d’être élevé, mais également la confidentialité des soutiens. « Même si le soutien à une initiative ne peut pas être comparé à un vote, il importe que ces soutiens ne puissent pas faire l’objet d’une diffusion par voie électronique pour des usages politiques ou commerciaux » était-il alors indiqué. L’on notera à cet égard que l’organisation des référendums d’initiative populaire génerera des dépenses spécifiques. L’étude d’impact fait ainsi référence à 100 000 euros qui seraient consacrés « au financement d’un audit des procédures de recueil et de comptage des signatures, de stockage et d’accès aux données ».
Si le projet de loi doit désormais être examiné par le Conseil constitutionnel avant d’être promulgué - à la demande du Premier ministre - l’on rappellera que le référendum d’initiative populaire fait l’objet de très nombreuses critiques. Jugé complexe, restrictif, le dispositif pourrait en effet ne déboucher sur l'organisation d’aucun scrutin (voir cet article de Mediapart).