Pour éviter les doublons, économiser des frais postaux et simplifier les relations entre les usagers et l’administration, le gouvernement souhaite arrêter d’envoyer des lettres simples aux conducteurs venant de faire l’objet d’un retrait de points. Les administrés devront se tourner vers Internet.
Christiane Taubira, la ministre de la Justice, a déposé hier devant le Sénat son projet de loi « relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ». Le texte, engagé en procédure accélérée, contient une mesure qui va concerner directement des millions de Français, puisqu’elle a trait au relevé de points du permis de conduire.
« Actuellement, explique la Garde des Sceaux dans son exposé des motifs, un conducteur qui commet une infraction est informé quelques mois plus tard par courrier simple du retrait de point pour l'infraction commise ainsi que de son solde de points. Il s'agit là d'une simple information et non d'une notification prévue par l'article L. 223-3 du code de la route ». Dans les cas les plus graves (retrait de permis, lorsque le solde de points franchit le seuil des 6 points), c’est une lettre recommandée qui est envoyée aux administrés concernés.
Problème : l’envoi de ces lettres simple (sans parler des recommandés) coûte cher à l’État. L’étude d’impact du projet de loi s’appuie en effet sur un rapport sénatorial rédigé en 2012 par Vincent Delehaye, selon lequel 15,5 millions de courriers devaient être adressés aux automobilistes au cours de l’année 2013, et ce « pour une dépense estimée à 13,4 millions d’euros, soit un coût d’unitaire d’environ 86 centimes par lettre ».
Économiser à terme plus de 13 millions d’euros par an
L’idée est donc d’arrêter d’envoyer ces lettres simples, ce qui permettrait au budget de l’État de ne plus avoir à supporter de tels frais d’envoi (papier, affranchissement, etc.). Mais en échange, l’exécutif vante les mérites de la dématérialisation et affirme vouloir « permettre aux usagers un accès à leur relevé de points par Internet tout en garantissant la protection des données personnelles et la confidentialité par un système d'identification approprié ».
Sauf qu’aujourd'hui, chaque titulaire d’un permis de conduire peut déjà consulter en ligne, via le service Télépoints, son solde de points. Même si la procédure s’avère relativement fastidieuse (nécessitant notamment une demande, écrite ou sur place, auprès de la préfecture) elle permet à tout conducteur de savoir combien il lui reste de points. Le projet de loi de Christiane Taubira entend donc modifier l’article L. 223-3 du Code de la route de telle sorte que chaque conducteur puisse « obtenir, sur sa demande, communication par voie électronique de son solde de points ou du retrait de points dont il a fait l'objet ». Même si les contours du nouveau dispositif semblent encore un peu flous, l’on comprend qu’il sera désormais possible d’accéder à la fois au solde de points, ainsi qu’aux informations concernant un retrait de points.
Un tel élan de « simplification » s’imposait d’autant plus que selon l’étude d’impact, « les avis de contravention émis par l'agence nationale du traitement automatisé des infractions [l’ANTAI, qui adresse notamment les avis de contravention dans le cadre des radars automatiques, ndlr], qui génèrent la quasi-totalité des retraits de points, précisent depuis juin 2013 le nombre exact de points retirés à la suite de l'infraction commise ». Autrement dit, il s’agit là d’une façon de mettre fin à des situations de doublon tendant à se multiplier sous l’automatisation croissante des dispositifs de constatation des infractions (voir à ce propos notre dossier sur la vidéoverbalisation).
« Naturellement les informations essentielles concernant la vie du permis (nécessité de suivre un stage, retrait du permis...) continueront d'être expédiées par lettre recommandée afin d'éviter tout risque de contestation » précise l’étude d’impact.
Restera maintenant à voir si la mesure obtiendra le soutien des parlementaires, tout en sachant que plusieurs députés et sénateurs ont plaidé au cours des derniers mois pour un accès simplifié des conducteurs aux informations relatives à leur permis de conduire. Au travers de propositions de loi, plusieurs élus ont effectivement réclamé « un suivi simplifié et permanent [du] capital points, amendes en cours et amendes payées, et contestations en cours ». Soit une avancée bien plus poussée que celle qu'esquisse actuellement le gouvernement.