La fronde soulevée par la proposition de loi du parti socialiste sur le blocage administratif des sites de proxénétisme aura porté ses effets jusqu’au gouvernement. Celui-ci vient de déposer un amendement afin de faire tomber cette mesure proposée dans le cadre du texte sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel.
C’est un amendement court qu’a déposé hier le gouvernement. Il demande la suppression des mesures de blocage que le groupe socialiste tentait d’imposer aux fournisseurs d’accès, sans intervention du juge. Cette mesure a suscité les critiques de l’Asic, de la Quadrature du Net et du Conseil National du Numérique, qui s’est autosaisi très tardivement sur ce texte qu’il n’avait pas vu passer depuis son dépôt le 10 octobre.
Une mesure voulue par le PS et jugée non efficace par le PS
Pour le gouvernement, la mesure a finalement été jugée non efficace « compte tenu de la possibilité pour les proxénètes de recréer rapidement des sites internet ». L’exécutif estime en outre que « le partage entre les responsabilités respectives du juge et de l’autorité administrative dans ces décisions est un sujet qui mérite une réflexion plus approfondie, dans le respect des droits fondamentaux en termes de libertés d’expression et de communication. » Enfin, il considère « prématuré » de prévoir un tel dispositif alors que « cette réflexion » est engagée dans le cadre de la préparation de l’habeas corpus numérique. « Il est prématuré de prévoir l’inscription d’un dispositif de ce type dans une proposition législative ». Message transmis aux députés du groupe PS qui avaient imaginé cette mesure, contre laquelle le PS s'était toujours opposé dans le passé.
FAI et hébergeurs auront plus de responsabilités malgré tout
Dans ce fameux article 1, seule devraient survivre les premiers alinéas modifiant la loi de la confiance dans l’économie numérique, jugés « plus efficaces » pour lutter contre le proxénétisme en ligne. Cette mesure est à nuancer : à ce jour, les FAI et les hébergeurs ne sont soumis à aucune obligation générale de surveillance sur les données transmises ou stockées. Cependant, ils doivent prévoir un système d’alerte à l’égard de certaines infractions considérées comme très graves sur l’échelle sociale : l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale, la pornographie enfantine, notamment. Le gouvernement veut ajouter à cette liste les sites de proxénétismes (et de traites en tout genre des êtres humains).
Les FAI et hébergeurs devront ainsi mettre en place « un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données ». Une fois alertés, ils devront « informer promptement les autorités publiques compétentes » de ces activités illicites, via la plateforme Pharos gérée par l’OCLCTIC. Dans le même temps, la loi sur la confiance dans l’économie numérique rend responsables les FAI et les hébergeurs si, après avoir eu « connaissance » d’un contenu manifestement illicite, ils n’ont rien fait pour le retirer. La question se pose de savoir du coup si, alerté par un internaute, l’intermédiaire technique ne va pas automatiquement être en situation de « connaissance », suscitant des réflexes d’autocensure sur des contenus parfois difficilement qualifiables. La même logique est constatée dans le projet de loi sur l'égalité entre les Femmes et les Hommes, voulue par Najat Vallaud-Belkacem. Les débats seront, espérons-le, éclairants sur ce thème.