Données de connexion : de la Raudière et Tardy contre-attaquent

Données de connexion : de la Raudière et Tardy contre-attaquent

Treillis et rangers

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Marc Rees

Publié dans

Droit

25/11/2013 6 minutes
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Données de connexion : de la Raudière et Tardy contre-attaquent

Le projet de loi de programmation militaire subit ses premiers amendements à l’Assemblée nationale. Ce texte, trop souvent passé inaperçu dans les médias, va considérablement muscler les pouvoirs de l’administration sur les données détenues par les FAI et les opérateurs de télécommunication. Les députés Laure de la Raudière et Lionel Tardy ont du coup démultiplié ces rustines pour encadrer ce dispositif mis en oeuvre sans contrôle préalable du juge.

laure de la raudière

 

Avec ce texte (notre analyse), les services de renseignement du ministère de la Défense et ceux du ministère du Budget pourront notamment accéder aux sept fichiers administratifs (immatriculation, carte nationale d’identité, passeports, etc.) dès lors que sont mises en avant des « atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ». Mais c’est surtout vis-à-vis des données détenues par les opérateurs et FAI que l’attention se focalise.

 

L’article 13 du projet de loi autorise en effet des agents habilités de la sécurité intérieure, de la Défense, de l’Économie et du Budget à solliciter des opérateurs la communication en temps réel la transmission « des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communication électronique ».

 

Ces flux viseront notamment les données techniques relatives à l’identification des numéros d’abonnement ou de connexion à des services de communication électronique, mais aussi l’ensemble des numéros d’abonnement ou de connexion d’une personne désignée, les données relatives à la localisation des équipements terminaux utilisés, les données techniques relatives aux communications d’un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications.

 

Ce mécanisme sera conditionné à la recherche de renseignements intéressant la sécurité nationale, à la sauvegarde d'éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, mais encore à la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisée, ce qui ouvre grandement les vannes comme l’a regretté l’ASIC, l’association des acteurs du web communautaire (Google, Microsoft, etc.).

Refuser ce droit de communication musclé à Bercy

Les députés Laure de la Raudière et Lionel Tardy voudraient du coup raboter quelque peu ces pouvoirs. Ainsi, ils souhaitent que cet accès soit refusé au ministère du Budget et de l’Économie, et donc réservé à la sécurité intérieure et à la défense.

 

Les deux parlementaires notent que c’est un décret qui exposera les éventuels surcoûts et donc le droit à remboursement des FAI et opérateurs sollicités. Par mesure de sécurité, les deux députés demandent encore à ce que ce décret soit pris au plus tard six mois après l’entrée en vigueur de la loi. En effet, soulignent-ils, « il ne faudrait pas que la compensation des fournisseurs d’accès prévue à cet article ne soit jamais mise en place », à l’instar de ce qui se passe avec le dispositif Hadopi.

 

Le député de Haute Savoie voudrait également qu’un rapport soit remis chaque année au Parlement afin de fournir des statistiques sur le nombre de données sollicitées.

Accès en temps réel aux données et documents

Ce n’est pas tout. Si on observe bien l’article 13, celui-ci autorise le transfert des « données » mais aussi des « documents » en possession des intermédiaires. Ce terme est jugé bien trop vague. Les deux députés UMP veulent par conséquent limiter ce flux aux seules données de connexions. « Il concerne donc des données techniques, numéros de connexion, données temporelles, données de localisation, etc. Elles constituent donc des informations que les services en ligne auront à transmettre. Le recueil de « documents » dépasse le simple cadre des données de connexion et ne saurait être rendu possible. »

 

Autre largesse autorisée par le projet de loi, la liste des informations que devront fournir les FAI et les opérateurs télécom sur « sollicitation » et « en temps réel » n’est pas limitative. Dans un autre amendement, ces mêmes parlementaires veulent fermer cette liste pour la rendre exhaustive.

Une interconnexion directe et en temps réel

De la Raudière et Tardy réclament aussi la suppression de « sur sollicitation du réseau ». Ils jugent l’expression « floue, inopérante, et ne recouvre aucune réalité précise ». Mais dans le même temps, dans l'exposé des motifs, ils réclament, sans détour, une interconnexion directe et en temps réel avec les réseaux des opérateurs

 

L’expression est pour le moins ambitieuse, mais devrait pour l’occasion pousser le gouvernement à exposer clairement ce qu’il entend par « sur sollicitation du réseau. »

Vulnérabilités

Notons encore qu’un autre article de ce texte – très riche - permet aux agents habilités et assermentés de l’agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) d’« obtenir des opérateurs de communications électroniques l’identité, l’adresse postale et l’adresse électronique d’utilisateurs ou de détenteurs de systèmes d’information afin de les alerter sur la vulnérabilité ou la compromission de leur système ».

 

Cette demande de données de connexion sera cadrée « pour les besoins de la prévention des atteintes aux systèmes de traitement automatisé » et nécessitera la mise en cause de la sécurité des systèmes d'information de l'État et des opérateurs d’infrastructure vitale (OVI).

 

Toujours pour éviter un transfert trop généreux, Tardy voudrait que ce recueil soit clairement fléché et limité à l’information des utilisateurs identifiés sur « la vulnérabilité ou la compromission de leur système. ». Selon le député, en effet « il est nécessaire de préciser les finalités du recueil de données prévu à cet article. Ce recueil vise bien à informer les détenteurs que leur système est vulnérable, menacé ou attaqué ».

Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

Refuser ce droit de communication musclé à Bercy

Accès en temps réel aux données et documents

Une interconnexion directe et en temps réel

Vulnérabilités

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Commentaires (25)


Reste juste à définir ce que sont les “intérêts fondamentaux de la Nation”. Et à ne pas les confondre avec les intérêts fondamentaux d’un ou plusieurs partis parti, syndicats, groupe…








anagrys a écrit :



Reste juste à définir ce que sont les “intérêts fondamentaux de la Nation”. Et à ne pas les confondre avec les intérêts fondamentaux d’un ou plusieurs partis parti, syndicats, groupe…





En même temps, la notion existe dans le code pénal, hein (source de bon aloi)



La NSA en a rêvé, le PS l’a fait.<img data-src=" />








WereWindle a écrit :



En même temps, la notion existe dans le code pénal, hein (source de bon aloi)







Oui mais tellement peu appliquée <img data-src=" />









WereWindle a écrit :



En même temps, la notion existe dans le code pénal, hein (source de bon aloi)







…et de son patrimoine culturel.(dans le texte)



T’es chopé par Hadopi, t’es fiché aux RG.<img data-src=" />





Mais dans le même temps, dans l’exposé des motifs, ils réclament, sans détour, une interconnexion directe et en temps réel avec les réseaux des opérateurs.



ok donc on est là dans la mise en place d’un système d’écoutes administratives potentiellement massives (suffit de modifier la taille du tuyau).

c’est encore pire qu’aux US: au moins là-bas ils passent par la FISA, un tribunal secret mais au moins il y a des juges (même si visiblement ceux-cis ne font pas dans la dentelle).

j’hallucine un peu quand même (pour la forme, dirais-je), surtout venant de ces deux députés.<img data-src=" />


En bien bravo à ces deux députés (surtout Tardy qui s’illustre régulièrement - et à juste titre - sur de telles lois bancales) pour ne pas laisser passer encore une fois des lois trouées comme des passoires…




Ainsi, ils souhaitent que cet accès soit refusé au ministère du Budget et de l’Économie, et donc réservé à la sécurité intérieure et à la défense.





S’ils ne le font pas ça veut dire que le Fisc aura accès en temps réel à toutes vos informations de connexions pour traquer vos moindre centimes à l’autre bout du monde ?



Ca fait rêver.



Bientôt une taxe sur le nombre de fois où on va pisser dans la journée ?








zozolebo a écrit :



S’ils ne le font pas ça veut dire que le Fisc aura accès en temps réel à toutes vos informations de connexions pour traquer vos moindre centimes à l’autre bout du monde ?



Ca fait rêver.



Bientôt une taxe sur le nombre de fois où on va pisser dans la journée ?





Pas besoin ils imposent les dames pipi sur le revenu.



–&gt;[- ]









maxxyme a écrit :



En bien bravo à ces deux députés (surtout Tardy qui s’illustre régulièrement - et à juste titre - sur de telles lois bancales) pour ne pas laisser passer encore une fois des lois trouées comme des passoires…





Tu félicites Tardy de demander une mise en place d’un espionnage gouvernemental en temps réel de nos données ?









Inny a écrit :



Tu félicites Tardy de demander une mise en place d’un espionnage gouvernemental en temps réel de nos données ?





Il faut situer le contexte :

Il demande de supprimer une expression qui ne veut rien dire

“ sur sollicitation du réseau.” en expliquant que ce qui est demandé est que



L’interconnexion avec les réseaux des opérateurs doit être directe et se faire en temps réel.



Et il limite les cas où cela peut être demandé.

Il ne veut autoriser que le ministère de la défense pour l’accès.



L’intervention du ou des ministre(s) chargé(s) de l’économie et du budget est injustifiée dans le cadre de l’accès administratif aux données de connexion.









Inny a écrit :



Tu félicites Tardy de demander une mise en place d’un espionnage gouvernemental en temps réel de nos données ?





Mais de quoi tu parles ? Ce n’était pas l’esprit originel de cette loi ? Si.

Lui ne fait que reformuler pour encadrer, cf. le paragraphe concerné - que tu sembles avoir lui mais pas compris.



Et merci



fred42 a écrit :



{…}



pour la clarification.



C’est juste dans la news :



Mais dans le même temps, dans l’exposé des motifs, ils réclament, sans détour, une interconnexion directe et en temps réel avec les réseaux des opérateurs.








Inny a écrit :



C’est juste dans la news :





Tu as cliqué sur le lien ou tu ne sors surtout pas de PCI ?



Je t’ai fait l’explication de texte 2 messages plus haut.

C’est l’exposé des motifs de la suppression de “sur sollicitation du réseau”. Ils expliquent juste pourquoi ils veulent enlever cette expression et la première raison est :



L’expression « sollicitation du réseau » est floue, inopérante, et ne recouvre aucune réalité précise.



Ils ajoutent ensuite que l’interconnexion doit être directe et se faire en temps réel.



Ils n’ont pas demandé d’ajouter cela dans la loi. C’est une explication de leur amendement.









Ricard a écrit :



T’es chopé par Hadopi, t’es fiché aux RG.<img data-src=" />







A ajouter à ces proverbes qui nous mettent en garde contre les mal-famés… :

Qui vole un oeuf, vole un boeuf.

Qui a bu, boiera.

Les chiens ne font pas des chats.

Qui se ressemble, s’assemble.

Il n’y a pas de fumée sans feu.

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zozolebo a écrit :



S’ils ne le font pas ça veut dire que le Fisc aura accès en temps réel à toutes vos informations de connexions pour traquer vos moindre centimes à l’autre bout du monde ?



Ca fait rêver.



Bientôt une taxe sur le nombre de fois où on va pisser dans la journée ?







Déjà fait : l’eau est payante, donc taxée. Plus du pisses, plus tu tires la chasse, plus tu paies.









Aloyse57 a écrit :



Déjà fait : l’eau est payante, donc taxée. Plus du pisses, plus tu tires la chasse, plus tu paies.





Bien en fait, contrairement à une idée reçue, l’eau est gratuite en France. C’est son traitement qui est payant.<img data-src=" />









Aloyse57 a écrit :



Déjà fait : l’eau est payante, donc taxée. Plus du pisses, plus tu tires la chasse, plus tu paies.







/me content d’utiliser un récupérateur d’eau de pluie parfois









Ricard a écrit :



Bien en fait, contrairement à une idée reçue, l’eau est gratuite en France. C’est son traitement qui est payant.<img data-src=" />









Et tu es un connaisseur en la matière!





5 volumes d’eau pour un volume de Ricard <img data-src=" />









hellmut a écrit :



ok donc on est là dans la mise en place d’un système d’écoutes administratives potentiellement massives (suffit de modifier la taille du tuyau).

c’est encore pire qu’aux US: au moins là-bas ils passent par la FISA, un tribunal secret mais au moins il y a des juges (même si visiblement ceux-cis ne font pas dans la dentelle).

j’hallucine un peu quand même (pour la forme, dirais-je), surtout venant de ces deux députés.<img data-src=" />





Apparemment les juges de la FISA bloquent presque tout mais la NSA n’en tient jamais compte (ma source est une série TV, donc ça vaut pas grand chose).





Est-ce qu’en plus d’informer les lecteurs sur ces dérives, PCInpact ne pourrait pas aussi être notre voix (par le biais d’une pétition ou d’une lettre ouverte par exemple)?



Individuellement on est rien, mais si chacun d’entre nous partageait ce genre d’initiative avec notre famille, nos amis, nos réseaux sociaux; nous serions un appui important à ces 2 députés…








coket a écrit :



Et tu es un connaisseur en la matière!





5 volumes d’eau pour un volume de Ricard <img data-src=" />





<img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" />



Vu l’évolution Orwelliene ici comme ailleurs, faites chauffer vos VPNs…








Ishan a écrit :



Vu l’évolution Orwelliene ici comme ailleurs, faites chauffer vos VPNs…







depuis quand les VPNs sont secures?

j’ai ai parlé y’a environ un an sur pci, on m’a repondu “theorie du complot”.



si un pays, une agence gouvernementale ou whatever peut avoir un certificat, le vpn sert plus a rien.



La pluspart ne le sont pas, mais c’est mieux que rien :)