Le 18 octobre dernier, la cour d’appel de Nîmes a condamné un élu FN pour des commentaires illicites publiés par des « amis » sur sa page Facebook. L’intéressé a alors écopé d’une amende de 3 000 euros. Retour sur cette décision.
À l’image de nombreux hommes politiques, l’actuel conseiller régional (Front National) du Languedoc-Roussillon Julien Sanchez dispose depuis plusieurs années d’une page Facebook. Sauf que le 24 octobre 2011, deux utilisateurs du célèbre réseau social ont laissé des commentaires aux relents nauséabonds sur le « mur » de l’intéressé. Ces messages ne visaient pas n’importe qui, puisqu’ils concernaient Frank Proust, eurodéputé (UMP) et premier adjoint au maire de Nîmes, ainsi que sa compagne, Leila T.
L’un lançait par exemple : « Ce grand homme a transformé Nîmes en Alger. Pas une rue sans son kebab et sa mosquée. Dealers et prostituées règnent en maître. Pas étonnant qu’il ait choisi Bruxelles, capitale du nouvel ordre mondial, celui de la charia (...). Merci Franck et kiss à Leïla ». Au travers d’un autre commentaire, l’on pouvait lire : « des bars à chichas de partout en centre-ville et des voilées, voilà ce que c’est Nîmes la ville romaine soit disant... L’UMP et le PS sont des alliés des musulmans ».
Distinction entre auteur des propos et directeur de publication
Seulement voilà, si la justice a sanctionné en février dernier les auteurs de ces commentaires après qu’une plainte a été déposée par Leila T, Julien Sanchez fut lui aussi mis en cause pour ces messages. Assimilé à un directeur de publication, la justice a décidé de lui infliger une peine de 4 000 euros d’amende, dont 1 000 avec sursis. Sauf que l’intéressé a fait appel de cette décision, affirmant notamment qu’il n’était pas prouvé qu’il avait bel et bien eu connaissance des propos incriminés.
De la même manière que le tribunal correctionnel, la cour d’appel de Nîmes a estimé le 18 octobre dernier que les propos tenus sur Facebook par les deux internautes tendaient « à susciter un fort sentiment de rejet ou d’hostilité envers un groupe de personnes, en l’espèce le groupe de personnes de confession musulmane ». Aussi, les juges ont retenu que ces commentaires constituaient une provocation à la haine ou à la violence à l’égard de Leila T « à raison de son appartenance, supposée en raison de son prénom, à une communauté musulmane ». Bref, ils ont confirmé que ces propos étaient bien illicites.
Paramétrage du mur et responsabilité
Mais qu’en est-il du comportement de Julien Sanchez ? Une nouvelle fois, la cour d’appel est allée dans le même sens que les juges de première instance. En effet, elle a considéré que l’élu FN avait « sciemment rendu public son mur Facebook et [avait] donc autorisé ses amis à y publier des commentaires ». Ainsi, « par cette démarche volontaire, il est devenu responsable de la teneur des propos publiés » par ses amis Facebook.
Il faut d’autre part noter que les juges n’ont pas manqué de relever de nombreux éléments n’ayant pas joué en faveur du conseiller régional. Non seulement parce que « sa qualité de personnage public lui imposait une vigilance d’autant plus importante », mais aussi en ce qu’il a, selon la cour d’appel, délibérément maintenu les propos litigieux sur son mur. Les magistrats font effectivement valoir dans leur décision que Julien Sanchez avait affirmé durant l’enquête qu’il consultait tous les jours sa page Facebook. Il n’a d’ailleurs rien fait pour effacer les commentaires incriminés. L’un des deux auteurs l’a fait de son propre chef, et les propos de l’autre étaient encore en ligne lors d’une consultation faite par les enquêteurs le 6 décembre 2011.
Julien Sanchez a finalement écopé d’une peine de 3 000 euros d’amende. Les 1 000 euros de dommages et intérêts alloués à la victime en première instance sont maintenus. Celle-ci a toutefois obtenu 1 000 euros d’indemnités supplémentaires au titre des frais de justice. Néanmoins, l’affaire n’est pas terminée pour autant, l’élu frontiste ayant annoncé qu’il souhaitait se pourvoir en Cassation. La haute juridiction ne se prononcera cependant pas sur le fond de ce litige, mais bien sur l’application du droit par les juges.