Quasiment un an après sa dernière étude sur la 3G et un dépôt de plainte contre Free Mobile, l'UFC-Que Choisir vient de publier les résultats d'une nouvelle analyse sur le terrain. Même si la situation s'est un peu améliorée pour le jeune opérateur, la qualité du réseau reste un point problématique. Mais il n'est pas le seul et, de manière plus générale, l'association pointe du doigt une dégradation de la 3G... afin de mieux mettre en avant la 4G ?
Mi-janvier, l'UFC-Que Choisir mandatait un expert afin de sillonner les rues de Lille, de Toulouse et de l'île de France afin d'effectuer des mesures sur la 3G. La 4G n'en était alors qu'à ses balbutiements et seul SFR la proposait dans une poignée de villes. Au terme de cette étude, une plainte à l'encontre de Free Mobile avait été déposée, « pour pratiques commerciales trompeuses ». Celle-ci suit son cours.
Plus de 3 000 mesures à Lille, Toulouse, en Île-de-France ainsi qu'à Grenoble
Quoi qu'il en soit, l'UFC-Que Choisir vient de dévoiler les résultats d'une seconde étude basée sur les relevés effectués dans les mêmes lieux géographique, ainsi qu'une nouvelle ville, Grenoble. L'association explique ce choix : « Elle est de taille intermédiaire caractérisée par une densité de la population plus élevée qu’à Lille et Toulouse et située dans un espace non testé jusqu’à présent ». De plus, « cet élargissement s’imposait. En effet, en braquant les projecteurs sur l’Île-de-France, Lille et Toulouse, l’UFC-Que Choisir laissait déjà entrevoir qu’elle testerait à nouveau ces zones pour vérifier l’évolution de la situation de la qualité des services 3G. L’idée que les opérateurs seraient susceptibles d’accorder un soin tout particulier au développement de leurs infrastructures dans ces zones a naturellement conduit au test d’un nouveau territoire. »
Les mesures ont donc été effectuées entre septembre et octobre 2013 avec, pour chaque opérateur deux téléphones : un Galaxy S2 et un iPhone 4S. Ce sont donc huit smartphones qui ont été mis en place afin d'éviter les « phénomènes ponctuels anormaux », un point qui avait été soulevé par une experte lors de l'étude sur la 4G à Paris. Au total, 3040 mesures ont ainsi été effectuées sur les plateformes suivantes : Speed Test, YouTube, Dailymotion, France TV Pluzz, Deezer et le téléchargement de l'application SNCF TER sur l'App Store ou le Play Store.
Mesures dépassant les 2 000 kb/s : Orange premier, Free Mobile dernier
Voici les résultats concernant les débits des différents opérateurs dans l'ensemble des trois villes testées l'année dernière afin d'établir une comparaison avec les relevés précédents et suivre l'évolution dans le courant de l'année :
Sur son propre réseau, Free Mobile est donc en dernière position avec seulement 43,6 % des mesures au-delà de 2 000 kb/s, le meilleur élève étant Orange avec 60,9 %. Comparé au début de l'année, Free Mobile fait mieux... et heureusement puisqu'il n'était alors question que de 29 %. L'association ajoute que « néanmoins, le réseau propre de Free Mobile reste le seul sur lequel on observe une majorité de mesures qui présentent des débits inférieurs à 2 000 kb/s. »
De manière générale, l'heure est à l'augmentation pour ce qui est des résultats à plus de 2 000 kb/s, sauf pour SFR qui passe de 59 % à 50 % seulement. Par contre, les relevés de 0 à 500 kb/s explosent et grimpent à 18 % contre seulement 6 % auparavant.
Le cas de Grenoble : 100 % des mesures à plus de 1 500 kb/s pour Free Mobile
Passons maintenant aux résultats des quatre opérateurs pour ce qui concerne Grenoble, qui fait donc son entrée dans l'étude :
Cette fois-ci, la chanson est bien différente et Free Mobile caracole en tête avec 91,7 % des mesures au-delà de 2 000 kb/s. Le trublion se paye même le luxe d'avoir un taux de 100 % pour des débits de 1500 kb/s et plus. En itinérance par contre (lorsqu'un client Free Mobile passe par le réseau d'Orange), la situation est différente et se rapproche des résultats de ce dernier.
Bouygues Telecom arrive en seconde position avec 79,1 % de résultats à plus de 2 000 kb/s et 100 % à 500 kb/s ou plus. De leur côté, Orange et SFR ferment la marche avec seulement 50 %.
Il n'y a pas que les débits dans la vie, quid de la qualité de service ?
Au-delà des débits théorique ou pratique, il y a un point essentiel à prendre en compte : la qualité de service. En effet, les clients Freebox et /ou Free Mobile savent de quoi il en retourne : lenteurs sur YouTube, accès au Play Store difficile, etc.
Bien évidemment, l'UFC-Que Choisir s'est intéressée à cela, en commençant par les services de vidéo en streaming : Dailymotion, France TV Pluzz et YouTube. Voici le détail de ses résultats sur Lille, Toulouse et l'île de France. Notez que les pourcentages indiqués correspondent aux nombres de mesures qui ne permettent pas d'utiliser ce service dans de bonnes conditions :
Pour l'UFC-Que Choisir, le résultat est sans appel : « il subsiste toujours un problème de non-qualité sur les deux « réseaux » de Free (propre et itinérance) par rapport à ceux sur les réseaux des « historiques ». En effet, quel que soit le service de streaming vidéo auquel on s’intéresse, il apparaît que les abonnées Free Mobile doivent se heurter à des difficultés pour y accéder ».
Il faut dire que le pourcentage d'échec est particulièrement important puisqu'il peut grimper à 85,7 % pour Dailymotion et YouTube lorsque le débit varie entre 500 et 1 000 kb/s. Notez que la situation semble systématiquement moins bonne en cas d'itinérance et que, quoi qu'il en soit, les autres opérateurs s'en tirent beaucoup mieux. Voici en effet, le détail des résultats pour Free Mobile avec la moyenne des trois autres opérateurs, les graphiques parlent d'eux-mêmes :
Selon l'association, la tendance est à l'amélioration pour YouTube, quel que soit l'opérateur, tandis que la qualité de service de Dailymotion est principalement en baisse. Elle précise que, « au final, même si les taux de non-qualité de Free sont toujours importants pour les clients utilisant le réseau d’Orange grâce (ou à cause) de l’itinérance, la tendance est à une amélioration de la situation. Cependant, une autre tendance se fait jour : les taux de non-qualité sur le réseau propre de Free croissent fortement, et bien plus que chez les autres opérateurs. »
Grenoble est-elle une nouvelle fois l'exception ? Pas vraiment non...
Là encore, le cas de Grenoble est étudié à part et voici le détail des résultats :
En itinérance, les résultats de Free Mobile sont relativement mauvais avec systématiquement 60 % de taux de non-qualité pour les débits de plus de 2 000 kb/s, soit largement au-dessus de ceux de ses concurrents. La situation est par contre bien différente pour son propre réseau là encore : « via le réseau Free l’utilisation des services de streaming vidéo se fait dans des conditions plutôt bonnes, voire très bonnes, qui se rapprochent de celles constatées chez les « historiques » ».
Deezer et téléchargement d'applications : Free Mobile encore une fois bon dernier
Concernant maintenant le cas de Deezer, le trublion arrive une fois de plus en dernière position avec des taux de plus de 28,6 % quelle que soit la situation. Le cas de Grenoble est un peu particulier dans le sens ou sur son propre réseau le taux de non-qualité est inférieur à 10 %, contre 20 % minimum via le réseau d'Orange.
Lors du téléchargement d'une application via le Play Store de Google ou l'App Store d'Apple, les résultats de Free Mobile sont, là encore, largement en deçà de ceux des trois opérateurs historiques. Sur les débits de plus de 2 000 kb/s, cela est particulièrement frappant avec plus de 50 % pour Free Mobile contre 7,5 % pour Bouygues Telecom, 6,2 % pour SFR et 3,8 % pour Orange. Grenoble ne déroge pas à la règle et seule Orange arrive à tirer son épingle du jeu.
Moyenne des taux de non-qualité Bouygues et SFR sortent du lot, Free à la traine
Voici un graphique représentant la moyenne des taux de non-qualité pour l'ensemble des services et sur l'ensemble des villes :
Sans surprise, Free Mobile est bon dernier, que ce soit avec ou sans itinérance sur le réseau d'Orange. SFR arrive en tête avec 17,2 %, tandis que Bouygues suit avec 18,70 % et enfin Orange prend la troisième place du podium avec 20,9 %.
Les opérateurs dégraderaient-ils leur réseau 3G ?
Si on se focalise sur la qualité de service sur les débits de plus de 2 000 kb/s, comparé à l'année dernière, on est en légère hausse des taux d'échec chez Orange et SFR, tandis que cela grimpe de manière significative chez Free Mobile. En itinérance, ce dernier baisse, et heureusement puisqu'il partait de 74 %... mais il n'arrive qu'à 36 %, ce qui est toujours relativement élevé.
Finalement, avec une baisse de 1,7 point Bouygues Telecom sorti du lot et arrive en première position sur ce segment avec seulement 4,5 % d'échec :
Au final, l'UFC-Que Choisir se demande donc si les opérateurs ne seraient pas en train de « dégrader la 3G pour pousser la 4G ? ». Notez que, comme nous l'avons déjà évoqué à de nombreuses reprises, c'est déjà le cas dans les publicités où les opérateurs dénigrent régulièrement leur réseau 3G+ / H+ afin de vanter une 4G jusqu'à 10 fois plus rapide. Pour l'association, « si l’on assiste à une dégradation générale de la qualité de la 3G, la singularisation de Free s’agissant de l’importance de ces taux de non qualité demeure encore aujourd’hui. Les consommateurs de Free Mobile ont ainsi un accès particulièrement dégradé aux services 3G, et les utilisateurs qui passent par l’itinérance ont la désagréable opportunité d’avoir un accès encore plus dégradé auxdits services. »
La H+ rattachée à la 4G dans les offres de Bouygues Telecom
Mais Free n'est pas le seul concerné et l'UFC pointe également du doigt Bouygues Telecom concernant « la dégradation des offres 3G ». En effet, alors que la H+ (3G+ jusqu'à 42 Mb/s) était généralisée il n'y a pas si longtemps, ce n'est plus le cas et les forfaits 3G+ de l'opérateur sont désormais bridés à 14,4 Mb/s (comme chez Free Mobile par exemple). Pour profiter de la H+, il faut souscrire à une offre 4G, un point que regrette l'association pour qui, « ce double constat laisse craindre une dégradation généralisée de la 3G afin de créer un avantage artificiel au profit des onéreux forfaits 4G. »
Envie d'aider l'UFC à connaître la qualité du réseau ? Il y a une application pour ça
Au final, elle saisit l'ARCEP afin de lui « demander de fixer dès à présent des exigences sur une qualité de service minimale pour la 3G, et de lier ces exigences à la capacité des opérateurs à exploiter les fréquences 4G ». Elle donne également le coup d'envoi d'un « Observatoire de la couverture mobile du territoire ». Pour cela, elle demande aux consommateurs de télécharger sa nouvelle application Info réseau sur le Play Store afin de lui permettre de disposer, en temps réel, d'informations sur l'évolution et la qualité des réseaux mobiles, toutes technologies confondues.
Vous retrouverez l'ensemble de l'étude de l'UFC-Que Choisir par ici.