La proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel » rentrera en débat à l'Assemblée nationale à partir du 27 novembre. Avec elle, le groupe socialiste, qui a présenté ce texte, va ouvrir une nouvelle brèche permettant le blocage administratif des sites.
Le PS a déposé début octobre une proposition de loi visant à actionner un nouveau cas de blocage administratif. Il s’agira cette fois de couper l’accès à des sites qui « contreviennent à la loi française contre le proxénétisme et la traite des êtres humains ».
Une autorité administrative - qui n’est pas encore désignée - aura la faculté d’exiger des fournisseurs d’accès à internet qu’ils empêchent l’accès à ces services en ligne. Si le FAI n’est pas content, il devra lui-même saisir le juge, qui n’intervient donc qu’a posteriori, après la décision de blocage.
Selon le cœur de l’article 1er de la loi, « lorsque les nécessités de la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle (…) le justifient, l’autorité administrative notifie aux [FAI] les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai. Les décisions de l’autorité administrative peuvent être contestées devant le juge administratif dans les conditions de droit commun. »
Les FAI devront donc bloquer « sans délai » ces sites, une fois ceux-ci notifiés par l’administration. En plus, ils devront « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données ». Ils auront dès lors l’obligation d’informer les autorités publiques compétentes des activités illicites qui leur seraient signalées par ce biais, via Pharos.
Oublié le moratoire souhaité par le PS
La démarche tranche avec les positions passées du groupe qui, en 2010-2011 par exemple, s'opposait au blocage des sites pédopornographiques sans juge (loi LOPPSI, article 4).
Toujours en 2011, le PS avait également réclamé un moratoire sur les mesures de blocage/filtrage. Cette demande avait été adressée à l'occasion des débats sur le projet de loi Consommation de Frédéric Lefebvre.
Alors dans l’opposition, les socialistes avaient déposé un amendement pour dire combien étaient mauvaises les mesures envisagées (un blocage pourtant judiciaire), en réclamant une pause afin d'évaluer ces mécanismes plus en avant : « Ces mesures techniques engendrant des phénomènes de surblocage et de contournement perturbant le fonctionnement et la sécurité des réseaux et pouvant nuire à la liberté de communication et d'expression, il convient de procéder à une évaluation précise de ces dispositifs, comme le préconise le rapport sur la neutralité d'Internet publié en avril 2010. » (l’amendement, voir aussi notre article).
Le rapport dont il est ici fait mention avait été cosigné de l’UMP Laure de la Raudière et de la PS Corinne Erhel. Mais les choses ont bien changé depuis : le moratoire a été oublié et cette dernière fait aujourd’hui partie des signataires de la proposition de loi qui initie cette fois un cas de blocage sans juge.
Mieux, dans le rapport qui a précédé cette proposition de loi discutée à la fin du mois, la socialiste Maud Olivier avait émis un autre souhait : les FAI qui refuseront de bloquer l’accès au site pourront être mis en cause pour complicité de proxénétisme.
Quelle sera la réponse du Conseil constitutionnel ?
Il faudra maintenant attendre les débats pour mesurer les responsabilités précises des acteurs. Dans son recours contre la loi LOSSPI (blocage des sites pédopornographiques, notamment), le PS avait débordé d’arguments pour éviter ces mesures sans juge. Le Conseil constitutionnel avait finalement accepté cette mesure, mais dans les commentaires aux « Cahiers », il expliquait que la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs était finalement un cas à part qui peut justifier ces mesures exceptionnelles.
Il sera du coup intéressant de voir s’il accepte ce contournement du juge au motif de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.