« Les DRM dans des voitures vont rendre les consommateurs fous ». L’Electronic Frontier Foundation a consacré un article sur son site pour dénoncer la politique de Renault dans la gestion des batteries de la ZOE, l’une de ses voitures électriques. Et pour cause, si l’automobiliste devient propriétaire de son véhicule, il ne fait que louer la batterie qui y est embarquée. Et Renault a la faculté de bloquer à distance les recharges des locataires indélicats.
La batterie de la Renault ZOE (photo Renault)
De fait, il n’y a pas que la ZOE qui dispose d’une telle batterie, puisque tous les véhicules électriques Renault optent pour ce modèle commercial. Cela permet déjà de rendre les prix à l’achat plus accessibles, mais chaque mois l'automobiliste est attendu au tournant. La location d’une batterie ZOE commence à 79 euros par mois pour 10 000 km par an, avec un engagement de trois ans. Les tarifs varient en fait selon le kilométrage ou la gamme. Pour d’autres véhicules comme la Twizy, la location est proposée ainsi à partir de 49 euros.
Lorsque le propriétaire-locataire de la batterie ne paye pas sa mensualité, Renault a alors l'heureuse possibilité de bloquer la recharge de cette dernière, grâce à un dispositif informatique contrôlable à distance. C’est justement ce qui électrise l’EFF, organisation soucieuse des libertés des utilisateurs. « Au lieu de vendre aux consommateurs des voitures qu’ils peuvent utiliser, réparer, et mettre à niveau comme ils l’entendent, Renault préfère verrouiller les acheteurs dans un contrat de location avec un fabricant de batteries tout en faisant respecter le contrat avec des DRM qui permet d’empêcher à distance le rechargement de la batterie. »
Les plus et les moins de la batterie Renault
Questionnée, la direction de Renault nous assure que « concrètement, il ne s’agit pas d’un DRM ». Selon la marque au losange, « on n’a aucune restriction sur la voiture. Ce n’est pas notre rôle ».
Avant d’affiner ces affirmations pur jus, le constructeur évoque d’abord l’avantage technique du choix de la location et de ce contrôle à distance : « nous avons besoin d’un accès à distance à la batterie pour des raisons d’entretien ». Cet accès se fait via une « unité de télécommunication (une puce, NDLR) dans la batterie du véhicule qui nous donne des indications sur son état de charge et son vieillissement. Nous avons pris le parti de louer la batterie car on pense qu’il y a des avantages pour le client. »
Parmi les plus, il y a donc celui du remplacement de la batterie quand celle-ci voit ses capacités diminuer. « Une batterie coûte très cher, pratiquement la moitié du prix de la voiture. Nous libérons le client de cette contrainte puisque dès qu’il y a une perte de capacité, nous la changeons gratuitement. Le fait de la louer permet d’avoir une garantie. Quand vous tombez en rade de batterie, nous vous cherchons et vous dépannons gratuitement. Enfin, lorsque vous cédez la voiture, cela vous permet aussi de la revendre sans batterie HS. Pour nous c’est un plus pour le client de louer cette batterie. »
Au nom de toute la batterie
Mais au niveau des droits, ceux qui permettent à Renault de bloquer la recharge du véhicule dont le propriétaire-locataire n’a pas payé sa mensualité de location ? « C’est comme un contrat de location de téléphone portable ou une LOA (location avec option d’achat, NDLR), si le client ne paye pas, après beaucoup de lettres de relance et faute de solutions à l’amiable, on a effectivement la possibilité de couper la batterie ». Renault assure que la mesure n’est en rien brutale. « Ce n’est pas immédiat. L’automobiliste pourra utiliser sa charge sans se retrouver d’une seconde à l’autre sur le bord de la route, mais il sait qu’il ne pourra refaire la prochaine charge si ce n’est pas régularisé. »
Plusieurs lettres de relance ? Si on regarde de près l’article 10.1 du contrat de location de la batterie ZE (voir une copie), on voit au contraire que Renault peut agir dès la première indélicatesse : « La location pourra être résiliée de plein droit (…) après l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse en cas d’inexécution d'une obligation essentielle du contrat notamment non paiement d'un seul terme de loyer ». Une seule mise en demeure suffit théoriquement, Renault étant libre d’adopter une position plus souple. Le même contrat, signé par l’automobiliste, précise d’ailleurs bien que le loueur « sera en droit de prendre toutes dispositions en vue de la restitution de la batterie par le locataire ou en vue de suspendre toute nouvelle recharge de la batterie », confirmant les propos de notre interlocuteur ou les craintes de l’EFF.
Avec des DRM, plus d’échappement
Le client a-t-il la possibilité de désactiver ce module télématique ? « Non » boulonne la direction de Renault qui reprend l’exemple de la téléphonie mobile. « Est-ce que l’utilisateur a le droit d’empêcher que son opérateur lui coupe sa ligne s’il ne paye pas ? C’est juste du bon sens ». Pour soulager d’autres inquiétudes, Renault assure que la batterie est dépossédée de balise GPS et n’est donc pas géolocalisable avec précision.
En attendant, selon Renault, aucune personne n’a été à ce jour empêchée de recharger son véhicule avec la prise dédiée (le véhicule se recharge aussi en roulant, notamment lors du freinage, comme la Prius). « C’est une clause juridique comme il y en a dans tous les contrats. Aujourd’hui, nous n’avons pas eu ce genre de problème. »
Avec ces nouvelles technologies sous le capot, une remarque souvent entendue souligne que le conducteur perd finalement la maîtrise de son véhicule. Renault reformule le débat, en vrombissant dans la quête d'essence. « Là, on parle de carburant. Si vous ne payez pas votre essence, vous ne pouvez plus utiliser votre voiture. Cela peut aussi se voir comme une Location avec Option d'Achat ou un remboursement de crédit. Si vous ne payez pas, votre véhicule est saisi. Quand ils font le plein, d’essence, les gens ne se disent pas qu’ils perdent leur liberté. » En somme, chez Renault quand le client mérite un coup de pompe, la batterie fait sa LOA.