Pourquoi la justice a imposé à Google de filtrer les images de Max Mosley

Il est ivre, Max

Après avoir obtenu une copie du jugement rendu hier par le tribunal de grande instance de Paris au sujet de l'affaire « Max Mosley vs Google », PC INpact revient sur cette décision. 

max mosley

 

Comme nous l’expliquions ce matin, les déboires de Max Mosley ont débuté en 2008, lorsque le tabloïd britannique « News of the World » révèle une vidéo de lui en train de s’adonner à une séance sado-masochiste, et ce en la charmante compagnie de cinq prostituées. Celui qui est alors le patron de la Fédération internationale de l'automobile (FIA) va devant les tribunaux, afin d’obtenir le retrait des images issues de ce film, mais aussi - et surtout - l’interdiction de leur diffusion. Le Britannique obtient ainsi gain de cause en France comme au Royaume-Uni, où les juges considèrent que ces images portent atteinte à son droit à la vie privée.

 

L’affaire aurait pu s’en arrêter là. Sauf que les images extraites de la vidéo ont continué de se répandre sur la toile, se retrouvant notamment sur Google Images, le moteur dédié du géant de l’internet. Max Mosley commence alors à utiliser la procédure habituelle pour exiger le déréférencement de certaines images : il transmet à Google les URL dont il estime qu’elles servent à diffuser des images illicites car attentatoires à sa vie privée. Entre juin 2009 et décembre 2010, il transmet de cette manière 21 requêtes à la firme de Mountain View.

 

Mais le 28 décembre 2010, le Britannique écrit à Eric Schmidt, président exécutif de Google, ainsi qu’à Google Inc. et Google France. Las d’avoir à signaler sans cesse la réapparition des images litigieuses, il veut que la société américaine prenne les devants. Comment ? En empêchant tout simplement leur réapparition future. La firme de Mountain View ne veut cependant pas entendre parler d’un tel filtrage, et répond début janvier 2011 à Max Mosley qu’elle refuse d’effectuer « une surveillance a priori des contenus qu’elle indexe ».

 

Réplique de l’intéressé : il assigne Google Inc. et Google France auprès du tribunal de grande instance de Paris. En l’occurrence, Max Mosley souhaite que la justice ordonne à Google de retirer puis d’empêcher l’apparition dans Google Images de neuf images (extraites de la vidéo) qu’il verse au dossier, et dont il considère que la justice a déjà estimé qu’elles étaient illicites. Résultat, Google Inc. a été enjoint hier à « retirer » et « cesser l’affichage » sur son moteur de recherche « Google images » les neuf images.

 

Primauté du droit au respect de la vie privée

Dès le début, Google France est mis hors de cause par les magistrats en ce qu’il ne s’agit que d’un bureau commercial de l’entreprise, lequel n’a de surcroît aucun lien avec le fonctionnement de Google Images.

 

Pour accéder aux demandes de Max Mosley, le tribunal de grande instance s’est appuyé sur l’article 9 du Code civil. Cet article prévoit en effet que les juges peuvent « prescrire toutes mesures, (...) propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ». Après avoir rappelé que « la publication de ces images porte atteinte au droit de Max Mosley au respect de sa vie privée », les magistrats ont considéré que même en tant que prestataire intermédiaire technique, Google devait prendre des mesures visant à empêcher qu’une nouvelle atteinte n’ait lieu à l’avenir. Ils estiment en effet dans leur décision que « cette qualité ne fait pas obstacle à ce que lui soient imposées des obligations de retrait ou d’interdiction d’accès ».

Une mesure proportionnée aux yeux des juges

Alors que Google estimait qu’une telle mesure de filtrage a priori serait disproportionnée, le tribunal de grande instance a au contraire tranché dans le sens inverse. La condition de proportionnalité est en effet à ses yeux « parfaitement remplie ». Et ce, de deux façons. D’une part, du fait de l’obligation qu’a la France de faire respecter le droit de Max Mosley au respect de sa vie privée (tel que consacré par l’article 8 de la CEDH). D’autre part, à cause de la situation dans laquelle se trouve le Britannique. Les magistrats ont en effet conclut qu’il lui était impossible « de faire respecter ce droit [au respect de la vie privée, ndlr] en n’usant que des seules procédures mises à sa disposition par [Google] ». En clair, ils ont retenu que ses droits ne pouvaient pas être assurés du fait de la procédure proposée par Google, selon laquelle l’intéressé devait notifier une URL à chaque nouvelle mise en ligne d’une des images. Les magistrats notent à cet égard que Max Mosley a suivi cette procédure « pendant près de deux ans en vain, ces images, compte tenu de leur nature, réapparaissant sur les pages de résultats du moteur de recherche de la société Google Inc, systématiquement après une suppression ».

 

Aux yeux des juges, une telle mesure de retrait et d’interdiction de référencement des neuf images poursuit « un but légitime », en ce qu’elle « tend à éviter que ce moteur de recherche, en publiant ces images illicites sur les pages de résultats ne participe, en les amplifiant, aux incontestables atteintes qui sont portées [à Max Mosley, ndlr] sur divers sites internet, au respect dû à sa vie privée ».

Le risque de sur-blocage était « tout à fait mineur »

Sur un plan technique, le tribunal de grande instance s’est appuyé sur un rapport du professeur Mayer-Schönberger pour affirmer que le filtrage d’images n’occasionnerait pas de difficulté technique pour Google, ni même de « coûts exorbitants ». Seul demeurait néanmoins le risque de sur-filtrage. Mais, selon les juges, ce risque « apparaît tout à fait mineur compte tenu de la nature des images en cause ».

 

Le tribunal de grande instance a néanmoins donné raison à Google sur un point : une telle mesure se devait d’être limitée dans le temps. Il choisira d’ailleurs « une durée de cinq ans à compter de l’expiration du délai de deux mois suivant la signification [à Google, ndlr] de la présente décision ».

 

justice palais tgi paris

 

D’autre part, le tribunal de grande instance a accordé un euro de dommages et intérêts au titre du « préjudice de principe » subi par Max Mosley du fait du refus de Google de supprimer les images litigieuses de son moteur de recherche, et ce alors qu’il « avait connaissance de l’atteinte que ces images portaient à la vie privée » du plaignant. L’entreprise américaine devra également verser 5 000 euros au Britannique au titre de ses frais de justice.

Une affaire qui devrait bientôt se retrouver à nouveau devant les tribunaux

« Nous allons faire appel » nous a confirmé ce matin Google, pour qui « cette décision est préoccupante et a des conséquences sérieuses pour la liberté d’expression ».

 

Ce jugement a également été perçu comme inquiétant par Félix Tréguer, de l’association La Quadrature du net. À ses yeux, celle-ci instaure en effet « une forme de censure privée et automatisée, où Google va être contraint de mettre en place des logiciels qui vont filtrer les contenus mis en ligne par son moteur de recherche » a-t-il expliqué aux micros de France Info. Le tribunal a d’ailleurs pris appui sur le rapport Maye-Schönberger lorsque celui-ci explique qu’il est possible de filtrer non seulement des copies exactes d’images identifiées mais aussi des copies modifiées, au moyen d’un algorithme plus sophistiqué. Les juges citeront spécialement « le logiciel PhotoDNA » (de Microsoft) utilisé notamment dans le blocage d’images pédopornographiques.

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