Faudrait-il revoir les délais de prescription des actions en diffamation selon que ces propos sont publiés en ligne ou dans des journaux papier ? C’est ce que préconise le député Stéphane Saint-André au travers d'une question parlementaire.
« Les blogs qui fleurissent sur le web sont considérés par la loi comme des organes de presse et à ce titre sont régis par la loi du 29 juillet 1881, écrit-il dans une question posée à la Garde des Sceaux avant d'ajouter que l'article 65 dispose que l'action publique et l'action civile résultant de crimes, délits et contraventions prévus par la loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis. »
Problème, estime le député, si l’article sur support papier « finira à la poubelle » et donc dans les oubliettes, celui diffusé en ligne reste inscrit dans le marbre du web. « L'article paru sur un blog y restera indéfiniment, passé le délai de prescription ». En somme, le contenu perdure mais celui qui se prétend victime ne peut plus agir sur le terrain de cette action puisque celle-ci n’est activable que dans les trois mois suivant la publication. Le parlementaire suggère donc d’allonger les délais de prescription en matière de contenu diffamatoire, dès lors que ces propos ont été publiés sur un site.
Faire partir les 3 mois à compter du retrait ?
La question de la prescription des actions en diffamation en ligne a plusieurs fois eu les honneurs des tribunaux ou du Parlement. En 1999, la cour d’appel de Paris jugeait que le délai de 3 mois ne commençait à courir qu’à compter du retrait du message litigieux. Une tentative jurisprudentielle qui n'a pas passé le cap de la Cour de cassation. Celle-ci annula ce jugement en rappelant que le point de départ est celui où le message a été publié.
En 2004, lors des débats relatifs à la loi sur la confiance dans l’économie numérique, un amendement fut adopté pour retenir la solution de la cour d’appel, mais le Conseil constitutionnel considéra la mesure comme contraire au principe d’égalité puisque ces règles ne concernaient que les textes exclusivement publiés en ligne. En 2008 enfin, le Sénat examina une proposition de loi pour jouer non plus sur le point de départ mais sur le levier de la durée de prescription. Les propos diffamatoires en ligne auraient pu être attaquables dans l’année en ligne, et toujours dans les trois mois en version papier.
La proposition de loi réservait cependant une situation de choix aux journaux qui reproduisent leurs articles papier sur le web. Ceux-ci n’auraient pas été concernés par cet allongement. « À défaut en effet, expliquaient les auteurs du texte, comme presque tous les journaux de la presse écrite disposent désormais d'une édition en ligne, la réforme reviendrait en pratique à porter de trois mois à un an la prescription des délits de presse, ce qui serait excessif et mal compris par les entreprises de presse ». Le texte est depuis resté dans les tiroirs après avoir cependant été adopté par la Haute assemblée.
L'adaptation de la jurisprudence
On remarquera cependant que la jurisprudence a su s’adapter à l’univers du Net avec des solutions parfois ambitieuses. Ainsi, les juges ont considéré que la création d’un simple lien vers un article plus ancien « doit être analysée comme une nouvelle mise en ligne du texte auquel ce lien hypertexte renvoie ». Un article diffamatoire publié en 2010, mais « linké » dans un autre article publié aujourd’hui pourrait ainsi être attaqué dans les trois mois de cette nouvelle publication.