L'UFC-Que Choisir vient de publier les résultats complets de son étude autour de la 4G, côté couverture et débits annoncés. Pour cela, plus de 60 000 mesures ont été effectuées dans les rues de Paris, avec des résultats qui ne correspondent pas toujours aux annonces des opérateurs et l'association porte plainte contre Orange et SFR pour « pratiques commerciales trompeuses ». De plus, l'association pointe du doigt le manque de transparence des annonces de débits à 115 ou 150 Mb/s qui dépendent de la bande de fréquences exploitée.
Au mois de novembre l'année dernière, SFR prenait de court ses concurrents et donnait le coup d'envoi de sa 4G, mais uniquement pour ses clients Lyonnais. Montpelier, La Défense et Marseille ont suivi quelques semaines plus tard. Au début du mois d'avril, Orange lui emboîtait le pas, suivi par Bouygues Telecom.
Mais ce dernier a repris la tête le 1er octobre dernier grâce à son réseau « 4G national » qui couvre plus de 63 % de la population, dont une carte détaillée est disponible par ici. En effet, l'opérateur peut exploiter la bande de fréquence des 1800 MHz pour la 4G et ainsi réutiliser ses installations existantes, au moins en partie, ce qui permet d'accélérer grandement la vitesse de déploiement. Mais tout cela ne se fait pas dans l'entente la plus cordiale, à l'image d'Orange qui a récemment fait condamner Bouygues Telecom par le tribunal de commerce de Paris au sujet d'une publicité comparative.
L'UFC s'attaque à la couverture 4G de Paris, en attendant les relevés de débits
Quoi qu'il en soit, c'est au tour de l'UFC-Que Choisir d'entrer dans la danse et de déposer plainte auprès du TGI de Paris contre Orange et SFR pour pratiques commerciales trompeuses, notamment en raison de « l’anormal décalage entre la carte de couverture de la ville de Paris que l’opérateur propose sur son site Internet et l’accessibilité effective à son réseau 4G ».
Cela n'est pas vraiment une surprise puisqu'une première annonce avait été faite il y a à peine deux semaines. Mais l'association explique que le matraquage publicitaire avec des éléments qui ne correspondent pas à ses relevés, et l'augmentation des plaintes reçues concernant la couverture et les débits ont motivé cette décision.
C'est via Directique, un prestataire utilisé par les services de l'ARCEP, que les rues de la capitale ont été sillonnées pendant 15 jours afin de recueillir pas moins de 66 483 mesures sur trois Galaxy S3 4G de chez Samsung (un par opérateur). Celui-ci n'est pas de dernière génération, mais le but n'était pas de faire des relevés de débits, ce qui arrivera dans un second temps, mais simplement de vérifier si la 4G de Bouygues Telecom, Orange et de SFR était bel et bien accessible en extérieur et en mode piéton.
Si pour le premier, le contrat est rempli avec 99,4 % de taux de couverture, ce n'est pas le cas des deux autres avec respectivement 79,3 % et 75 % :
La couverture 4G de Paris relevée par l'UFC-Que Choisir pour Bouygues Telecom / Orange / SFR
Début septembre Orange annonçait couvrir l'intégralité de Paris, contre la moitié seulement pour SFR, mais avec une prévision de 100 % d'ici la fin de l'année. Et c'est justement le flou entretenu entre la couverture actuelle et celle qui sera effective à la fin de l'année qui pose problème à l'UFC-Que Choisir, l'association précise que « les consommateurs se rendant sur le site de SFR constateront qu’une couverture importante de Paris est annoncée par SFR. L’opérateur, qui a récemment contesté les publicités comparatives de l’un de ses concurrents en invoquant le défaut d’une information fournie aux consommateurs qui se baserait sur des prévisions, ne peut décemment pas se cacher derrière le flou qu’il alimente en mettant en avant des distinctions sur la temporalité progressive du territoire en 4G ».
Comme nous l'avions déjà évoqué dans cet édito, le déploiement de la 4G est largement en avance sur le calendrier de l'ARCEP, un point également relevé par nos confrères qui voudraient voir le régulateur plus présent sur la vérification de la couverture dans la pratique : « le président de l’ARCEP s’est félicité de constater que le développement du réseau 4G avait deux ans d’avance sur le calendrier. À nos yeux, la conséquence qu’une bonne logique mène à tirer est la suivante : il faut vérifier la couverture en 4G du territoire avec deux ans d’avance sur le calendrier initialement retenu, autrement dit, dès aujourd’hui ».
Débits maximums : de 150 Mb/s dans les publicités à 75 Mb/s dans la pratique
Un autre point soulevé concerne les débits annoncés par les opérateurs de téléphonie mobile, un petit jeu auquel Orange semble disposer d'une avance, du moins sur le papier. En effet, ce dernier n'hésite pas mettre en avant 150 Mb/s, contre 115 Mb/s pour ses concurrents. C'est par exemple le cas sur son site dédié (voir notre analyse) comme nous l'avions récemment nous-mêmes critiqué. Mais pour en profiter, il faut tout d'abord disposer d'un smartphone compatible, et ceux-ci se comptent encore sur les doigts de la main.
Pour rappel, cela est possible car Orange dispose d'une bande de fréquence de 20 MHz Full Duplex sur la bande des 2600 MHz, alors que Bouygues Telecom et SFR n'ont que de 15 MHz, ils doivent se contenter de 115 Mb/s, toujours en théorie (112,5 Mb/s pour être tout à fait exact). Notez que Free Mobile pourra donc également prétendre à de la 4G « jusqu'à 150 Mb/s », toujours sur le papier, puisqu'il a aussi 20 MHz Full Duplex.
Mais sur la bande des 800 MHz qui est aussi actuellement utilisée, les opérateurs ne disposent que de 10 MHz Full Duplex (sauf Free Mobile qui n'a pas remporté d'enchères), soit des débits maximums théoriques de... 75 Mb/s seulement. Il s'agit de limitation technique indépendante des opérateurs, mais l'association regrette le manque de transparence de la part des trois sociétés qui ne précisent pas la bande de fréquence des antennes sur leur carte.
En effet, dans le cas d'Orange par exemple, le débit maximum théorique peut varier du simple ou double en fonction de l'endroit où l'on se trouve. Pour l'UFC-Que Choisir « il est ainsi illégitime qu’un opérateur base sa communication sur le débit maximum théorique permis par la bande de fréquence ayant la largeur la plus importante alors que dans de nombreuses zones, en particulier pour les zones non denses, ce débit théorique, même dans le meilleur des cas, sera parfaitement inatteignable ».
La plainte est donc plus spécifique dans le cas de l'opérateur puisqu'elle est aussi motivée par « une publicité comparative laissant penser aux abonnés à ses forfaits 4G qu’ils accéderaient à la 4G avec un débit maximum théorique de 150 Mbit/s sur l’ensemble des zones où la technologie serait disponible ».
Très hauts débits mobiles : quand on reparle de la H+, ou 3G+ jusqu'à 42 Mb/s
La dernière partie abordée par nos confrères concerne l'épineuse notion de très haut débit mobile, notamment pour tout ce qui touche à la publicité. Là encore, Orange et plus spécifiquement SFR sont dans le collimateur. En effet, tous les deux évoquent cette notion pour la H+ / Dual Carrier alors qu'il n'est question « que » de 42 Mb/s.
Notez que cela n'est valable que lorsqu'ils se souviennent que leur 3G+ peut atteindre de tels débits, bien souvent ils la dénigrent complètement en prenant souvent comme base 7,2 ou 14,4 Mb/s afin de mieux vanter les débits de la 4G. Un double discours qui n'aide certainement pas les consommateurs à s'y retrouver.
La 4G, c'est 10x plus rapide ! Le Dual Carrier ? C'est quoi ?
D'après les documents de l'ARCEP relatant les attributions des fréquences 4G aux opérateurs (pour la bande des 2600 MHz), il est clairement précisé qu'« un accès mobile à très haut débit est défini comme un accès fourni par un équipement de réseau mobile permettant un débit maximal théorique pour un même utilisateur d’au moins 60 Mbit/s dans le sens descendant ». Sur ce point, le régulateur à un double discours puisque cette notion est différente pour le fixe : « l'ARCEP a adopté la définition du seuil du très haut débit de la Commission qui est de 30 Mbit/s ». Une uniformisation serait donc la bienvenue.
Quoi qu'il en soit, le placement de la limite du très haut débit semble être choisi de manière à dépasser la dernière norme haut débit : la 3G+ (H+ / Dual Carrier) pour le mobile et l'ADSL2+ pour le fixe. Au-delà, que ce soit via la 4G, le VDSL2, le câble ou la fibre, nous passons sur le très haut débit. Que se passera-t-il lorsque la 4G LTE-Advanced sera disponible ? Aurons-nous droit à du très très haut débit mobile ?
La publicité et les effets d'annonces, nerf de la guerre des opérateurs
Cette situation n'est pas nouvelle et englobe une problématique bien plus grande : le manque d'encadrement pour ce qui est de la communication autour des débits sur le fixe et le mobile, un sujet que nous avions d'ailleurs récemment analysé en détail. En effet, dans les deux cas les opérateurs évoquent allégrement les débits maximums théoriques qui ne sont pas toujours (rarement ?) atteints dans la pratique.
Une solution que nous avions évoquée pourrait être de s'inspirer de nos voisins d'outre-Manche qui parlent généralement de débits moyens, mesurés par un prestataire :
La communication autour de la 4G en Angleterre : 12 Mb/s pour la H+ et 14 Mb/s pour la 4G
Bien évidemment, et en plus des plaintes contre Orange et SFR, l'UFC-Que Choisir en profite pour demander plusieurs changements à l'ARCEP : tout d'abord la création immédiate d'un observatoire de la 4G afin de « suivre en temps réel le déploiement du réseau de cette nouvelle technologie et de garantir la validité des allégations des opérateurs, aussi bien sur les couvertures que sur les débits », mais aussi « d’imposer aux opérateurs téléphoniques de distinguer dans les cartographies de la 4G qu’ils proposent aux consommateurs les zones selon les débits maximums théoriques que les technologies qui les couvrent autorisent ». Reste à voir si cela sera prochainement le cas... ou pas.