Afin de sensibiliser les autorités et l’opinion mondiale, Terre des Hommes a piégé des milliers de prédateurs sexuels prêts parfois à payer une fillette pour des actes sexuels par webcam. Sauf que cette fillette est en réalité un personnage de synthèse, avec lequel l’ONG a pu identifier 1 000 personnes dont les coordonnées ont été envoyées aux autorités et à Interpol.
L’ONG hollandaise Terre des Hommes a été capable d’identifier quelque 1 000 adultes parfois prêts à payer des enfants pour que ceux-ci s’adonnent à des actes sexuels par webcam. Comment ont-ils pu mener à bien cette enquête ? Des chercheurs travaillant pour cette association ont tout simplement élaboré une jeune fille virtuelle, « Sweetie », qui a pu piéger des adultes dans 65 pays différents.
L’identification de ces personnes a été réalisée via les réseaux sociaux, alors que cette enfant virtuelle très réaliste échangeait avec ces prédateurs. Plus les discussions s’engageaient, plus ceux-ci étaient amenés à donner des informations personnelles permettant leur identification. « Alors que les adultes interagissaient avec la fille virtuelle, les chercheurs réunissaient les informations à leur sujet à travers les réseaux sociaux afin de découvrir leur identité » commente le groupement hollandai qui a glané les séquences vidéo, les photos, les adresses mails des personnes soupçonnées (voir le rapport complet, en PDF).
« En entrant sur un forum de chat avec le pseudo 10 f Philippine, un chercheur se présentant comme un enfant de 10 ans, reçoit entre 10 et 30 messages d’adultes souhaitant engager des conversations sexuelles ou réclamant un show sur webcam. »
Avec cette enquête sur le tourisme sexuel par webcam et une pétition lancée aujourd’hui à l’échelle mondiale, Terre des Hommes Pays Bas pousse les gouvernements à adopter des mesures proactives. Selon l’association, en effet, si la pédopornographie est condamnée dans l’ensemble des pays et des lois internationales, les enquêtes ne vont souvent pas bien loin, notamment parce que les enfants doivent parfois témoigner contre leur propre famille, ce qui est impossible pratiquement. L’ONG préconise du coup des mesures plus musclées.
« Nous pensons que les opérations d’infiltration et autres techniques proactives d’investigation peuvent effectivement être utilisées dans l’objectif d’identifier et poursuivre avec succès un large nombre de prédateurs ». Selon elle, cette politique devrait contribuer à susciter l’impression générale qu’internet n’est pas une place sûre pour ceux qui cherchent et obtiennent sous anonymat des contenus pédopornographiques. Sites de rencontres, sites de webcam, chats rooms, toutes ces places devraient ainsi être truffées de pots de miel pour contribuer à la lutte contre ces actes.
L’association sait cependant que ces actions menées contre le « Webcam Child Sex Tourism » (WCST) soulèvent des questions éthiques et juridiques, dont la réponse varie suivant les législations nationales. Cependant, Terre des Hommes assure qu’il est possible d’infiltrer ces lieux d’échanges sans pour autant piéger les individus. Il suffit parfois de rester passif pour faire révéler au grand jour ces actes contraires à la dignité de la personne humaine.
En France : des pseudos, mais pas de provocation
Lors d’un reportage au Fort de Rosny sous Bois, la gendarmerie française nous avait montré comment elle opérait ce type d’enquête sur les réseaux. La loi les autorise à mener des cyberpatrouilles sous pseudonyme ou fausse identité mais elle leur interdit dans le même temps de provoquer des infractions. Une règle intangible. « Si je m’appelle Isabelle et que j’ai 12 ans, en dix minutes, j’en ai un qui se masturbe devant l’écran… » nous expliquait en tout cas un des membres de ce service spécialisé, confortant les propos de Terre des Hommes.
Les opérations se font par binôme au Fort de Rosny car « c’est le genre d’action où on peut avoir tendance à vouloir aller assez vite pour accrocher quelqu’un. Justement, il faut qu’on laisse venir, sans rentre-dedans ». Le problème tient surtout de la coopération internationale. « On n’a pas beaucoup de contact avec la Russie… » alors que les contenus pédopornographiques sont souvent issus des pays de l’Est. Les autorités travaillent en étroite collaboration avec Interpol et les FAI où une IP peut être identifiée très rapidement en « une heure, deux heures et si c’est urgent des procédures permettent d’obtenir l’information encore plus rapidement ». L’infraction est caractérisée dans notre droit « à partir du moment où ils montrent ou nous donnent des photos, nous font des propositions, nous donnent rendez-vous, etc. ». Une cinquantaine de personnes sont condamnées chaque année. Un chiffre qui peut sembler faible mais qui est surtout tributaire des moyens mis en œuvre.