C’est un véritable pied de nez que vient de faire l’ADAMI aux représentants de La Quadrature du Net, de l’UFC-Que Choisir et du SAMUP. Reprenant très fidèlement le titre de leur tribune de mardi, la société de perception et de répartition des droits de propriété intellectuelle des artistes et musiciens interprètes a publié une tribune allant dans le sens inverse, intitulée : « Pourquoi nous participerons à la mission Lescure ». Contacté, le directeur général de l’ADAMI nous a expliqué qu'il ne voulait pas « vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué ».
Dans une tribune publiée dans Libération, jour de lancement de la mission de Pierre Lescure sur l’exception culturelle, Philippe Aigrain, Alain Bazot et François Nowak expliquaient pourquoi ils ne rendraient pas aux auditions auxquelles ils étaient conviés. Les représentants de ces organisations membres de la plateforme Création Public Internet dénonçaient une « caricature de débat démocratique », notamment en ce l’ancien PDG de Canal + aurait « des idées bien arrêtées sur chacun des sujets devant pourtant faire l’objet des débats ». « L’étroitesse de vue de la mission » Lescure était également pointée du doigt, en ce que, selon eux, « seul semble importer la survie d’un modèle d’industrie de distribution culturelle dont les auteurs, artistes et techniciens sont le dernier souci ».
Le contre-pied de l'ADAMI
En titrant « Pourquoi nous participerons à la mission Lescure », la tribune signée par le président et par le directeur général de l’ADAMI (Philippe Ogouz et Bruno Boutleux) suggère d’entrée un fort antagonisme. Et pour marquer encore plus le trait, les auteurs de ce texte se sont inspirés du « moi, président de la République,... » utilisé à douze reprise par François Hollande lors du débat de l’entre-deux tour de la présidentielle. « Nous, artistes, irons à la mission Lescure.. » revient en effet cinq fois.
Voilà pour la forme. Pour le fond, l’ADAMI explique tout d’abord vouloir participer aux auditions de la mission Lescure afin de faire entendre sa voix. « Nous, artistes, irons à la mission Lescure parce que la parole des artistes n’appartient à personne et qu’il ne faut plus la laisser aux mains de ceux qui s’en prétendent les représentants alors qu’ils défendent leurs propres intérêts ». Aussi, il faut selon l’ADAMI que la parole politique puisse s’opposer au « dogmatisme européen inadapté » aux besoins de la filière musicale. « Les menaces contre la copie privée ou le financement du cinéma en sont des exemples inquiétants », notent les auteurs de la tribune.
Les revendications de l’organisation ? Une remise en question du partage de la valeur et de la rémunération des artistes sur Internet. Plus précisément, la solution « se trouve dans la gestion collective » d’après l’ADAMI : « il faut un guichet unique qui autorise les plates-formes de streaming à exploiter, sous conditions, les catalogues musicaux (...). Ce guichet répartira ensuite de manière équitable la richesse entre producteurs et artistes ». L’association réclame également « que les comédiens soient rémunérés pour les usages secondaires des œuvres audiovisuelles », au moyen d’un « revenu minimum proportionnel à ces exploitations ».
Bruno Boutleux refuse de croire que « la messe est dite »
Contacté, Bruno Boutleux nous a expliqué que refuser de participer à la mission Lescure ne lui semblait pas être « très adroit ». Même si l’ADAMI reste « lucide » - étant donné que les précédentes missions « n’ont produit aucun résultat », l’intéressé ne veut pas « vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ».
Le directeur général de l’ADAMI se refuse par là de croire à certaines critiques de fond adressées à la mission Lescure par Aigrain, Bazot et Nowak : « Sur le fait que la messe serait déjà dite, nous, nous ne voulons pas le croire » a-t-il expliqué. « Nous n’avons pas le sentiment que Pierre Lescure a des idées bien arrêtées avant d’avoir commencé. Je crois que Pierre Lescure a surtout fait des déclarations pour tester des idées, susciter des réactions. Moi j’y vois plutôt une tactique pour faire émerger des positions des uns et des autres. Mais je veux croire qu’au début d’une mission, le responsable d’une mission n’a pas déjà des conclusions rédigées secrètement ».
Bruno Boutleux nous a également indiqué qu’une tribune devait être publiée, même sans la « sortie » de Philippe Aigrain, Alain Bazot et François Nowak. « Nous étions prêts à prendre position, nous avions décidé de nous exprimer avant de rencontrer la mission Lescure » a-t-il précisé. Dernière confidence du directeur général de l’ADAMI : l’organisation doit être auditionnée le 15 octobre prochain.