Un simple email peut servir de preuve dans le cadre d’un licenciement considéré comme abusif. C’est à cette conclusion qu’est arrivée la Cour de cassation dans un arrêt opposant une salariée et son employeur.
Une salariée s’était fait licencier pour faute grave car un mois après la fin de son congé maladie, elle n’avait toujours pas réintégré son poste sans le moindre justificatif. C’est en tout cas ce qu’affirme son employeur qui, un mois après la fin de son arrêt, lui adressera un courrier : « Lors de l’entretien préalable, vous n’avez donc aucune explication de nature à me permettre de modifier mon appréciation à ce sujet. Eu égard à la gravité de la faute qui vous est reprochée, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. » Et celui-ci de la licencier sans indemnité de préavis.
Cette version était cependant contestée par l’employée qui affirme qu’à l’issue de son arrêt maladie, l’employeur lui a demandé de « ne plus revenir travailler ».
L’affaire avait été portée devant les juridictions prud'hommales. Pour justifier du caractère abusif de ce licenciement, la salarie produira un email venant de l’adresse du site de son employeur et signée au nom d’Alban X.
« Salut grosse vache (…) j’attends toujours ta lettre de démission car après mon comportement tu dois bien comprendre que je ne veux plus voir ta gueule et qu’il est hors de question que je débourse un centime pour ton licenciement ! ! ! ! ! Et pas la peine que tu me casses les couilles avec tes conneries de prud’homme parce que moi j’ai un avocat et je t’enfoncerai encore plus que je l’ai déjà fais et crois moi c’est possible (…) Alors je te préviens envoie moi ta lettre et plus vite que ça, tu vas enfin bouger ton gros cul pour quelque chose ! ! ! ! !(…) Et t’avises pas d’essayer de me la faire à l’envers avec la Marjorie sinon tu vas voir ce que c’est du harcèlement, je vais te montrer ce que c’est moi une dépression grosse vache ! ! ! ! Alors ? ? ? ? ? ? tu regrettes toujours pas ? ? ? ? il aurait peut être été plus simple de coucher finalement ! ! ! l maintenant t’a plus rien, plus de boulot, plus d’argent et toujours pas de mec tu peux la faire ta dépression ! ! ! ! Juste pour info change de secteur je t’ai grillé chez toutes les banques tu feras plus rien dans ce métier. A bon entendeur salut ! ! ! ! ! ! ! ».
Un email suivi d’un tout aussi fleuri « PS : tes heures sup tu peux te les foutre au cul ».
Pas de signature électronique
Ce simple email pouvait-il appuyer les arguments de l’ex salariée? La cour d’appel a répondu par l’affirmative. Il ordonnera le versement d’une indemnité de 4 000 euros, en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement en plus de 5 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cette réponse a cependant été combattue devant la Cour de cassation par l’employeur, comme le relève Legalis.net. Selon l’entreprise, les juges du fond ne pouvaient prendre appui sur cet email non authentifié puisque les conditions de la signature électronique, très encadrées dans le Code civil, ne sont pas satisfaites. Il aurait en effet fallu que le courrier ait « été établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité » et qu’il comporte bien « une signature électronique résultant de l’usage d’un procédé fiable d’identification. »
Appréciation souveraine des juges du fond
La Cour de cassation va balayer cet argument en se rangeant du côté des juges d’appel. Les dispositions relatives à la signature électronique invoquées par l’employeur ne sont en effet pas applicables aux simples emails. La preuve étant libre, les juges ont pu souverainement apprécier la validité de cette pièce apportée par l’ex salariée. La cour d’appel avait notamment souligné que l’employeur « ne rapport[ait] pas la preuve que l’adresse de l’expéditeur mentionnée sur le courriel soit erronée ou que la boîte d’expédition de la messagerie de l’entreprise ait été détournée » et qu’« en tout état de cause, un tel détournement ne pourrait être imputé à Mme X... » qui n’était plus présente dans l’entreprise à la date d’envoi du fameux email.