Le projet de loi d'Obama pour court-circuiter les patents trolls

Un consensus qui ne règle pas tous les problèmes

Les « patent trolls » pourraient prochainement avoir beaucoup plus de mal à mener leurs activités sur le sol américain. L’administration Obama avait promis en effet que des réformes étaient en cours d’élaboration et un projet de loi pourrait provoquer pour la première fois un changement très significatif dans le processus judiciaire permettant actuellement aux « trolls » d’imposer leur règne.

tribunal federal

Obama contre les vampires 

Les patent trolls sont des sociétés au fonctionnement particulier. En elles-mêmes, elles ne produisent rien ou plus rien. Elles sont caractérisées par une activité centrée exclusivement ou presque sur la propriété intellectuelle. Ce peut être grâce à un long travail de recherche et développement dont l’entreprise décide de vivre, soit un regroupement de plusieurs portefeuilles de brevets émanant de sociétés telles que Microsoft, Google, Apple, Tesla, Qualcomm, etc.

 

L’objectif d’un patent troll est avant tout de valoriser le portefeuille. La propriété intellectuelle n’est alors plus un bouclier mais une arme puissante servant plusieurs buts. Deux en particuliers sont particulièrement courants : mettre à genoux les petites et moyennes entreprises pour vampiriser leurs ressources et parasiter le développement d’un gros concurrent. C’est ainsi que nous avons abordé récemment le cas de Lodsys, qui ponctionne des dizaines de sociétés pour obtenir une rente particulièrement efficace car la plupart des entreprises touchées souhaitent éviter les procès.

L'obligation de détailler les plaintes 

Les patent trolls ont un impact très négatif sur le monde professionnel puisqu’ils détournent les forces vives qui alimentent les entreprises classiques. Une énergie qui n’est alors pas investie dans la conception de produits réels mais qui se matérialise sous la forme de dollars dans quelques comptes en banque. L’administration Obama, consciente du problème, avait il y a plusieurs mois promis que des efforts législatifs seraient faits pour court-circuiter le travail des patent trolls et limiter leur impact sur le fonctionnement des entreprises « normales ».

 

 

Ce projet de loi est maintenant connu, et il attaque un large pan des activités des trolls. Plusieurs aspects sont abordés, à commencer par la plainte elle-même devant les tribunaux. Il faut savoir qu’actuellement, lorsqu’une entreprise dépose une plainte pour violation de brevet, le document initial ne contient que quelques pages ne donnant pas nécessairement un grand nombre de détails. En fait, il n’est parfois pas possible de savoir exactement en quoi consiste cette violation, et quels sont les points précis concernant la société attaquée.

 

Si la nouvelle loi était adoptée en l'état, la situation serait très différente. Le plaignant devrait impérativement fournir d’entrée de jeu tous les détails. Une modification qui aurait deux conséquences majeures. D’une part, la société attaquée saurait précisément à quoi s’en tenir et comment se défendre. D’autre part, et c’est clairement un point important, la création de la plainte demandera beaucoup plus de travail au plaignant. Dans le cas d’un patent troll, cet aspect augmentera les coûts opérationnels de structure qui cherchent justement à les réduire au maximum.

Plus de procédure sans en payer les frais 

Deuxième point important : les frais en cas d’échec dans la procédure. Le projet prévoit en effet que si la société qui dépose plainte est finalement déboutée, elle devra s’acquitter de frais. Jusqu’à présent, ce n’était pas le cas, et la conséquence sera qu’une entreprise devra y réfléchir à deux fois. Or, si elle est devait être votée, cette loi n’affecterait évidemment pas que les patent trolls, mais également les procès plus classiques, comme ceux opposant Apple et Samsung. Cet aspect particulier est conçu pour calmer les velléités de sociétés qui ont recours trop systématiquement aux tribunaux.

 

Troisième point : les « preuves ». Un changement de taille est prévu puisque seuls les éléments ayant un rapport direct avec les points détaillés dans la plainte pourront être pris en charge durant la première phrase de la procédure. Cela évitera que des éléments soient ajoutés petit à petit au dossier, étendant la durée du procès et augmentant les frais pour la défense.

Transparence : la maison-mère serait systématiquement impliquée 

Le projet de loi prévoit également une cassure conséquente dans la manière dont les parties seront représentées. D’une part, les liens entre les sociétés mères, les succursales, les sociétés écrans et ainsi de suite devront impérativement être dévoilés. Ainsi, toutes les personnes morales ou physiques ayant un « intérêt financier » dans la procédure devront obligatoirement être déclarés. En cas de dépôt d’une plainte, c’est l’entité la plus élevée qui devra s’occuper du dépôt de la plainte, ceci dans un souci de transparence.

 

Si cette loi devait passer, elle court-circuiterait en outre une autre méthode utilisée par les patent trolls : déposer une plainte contre les utilisateurs d’une technologie plutôt que contre l’entreprise qui en est à l’origine. Ici, on touche directement à l’activité de Lodsys qui s’estime propriétaire notamment des brevets portant sur les achats in-app. Ainsi, Lodsys ne se bat pas contre Apple, mais directement contre les petites entreprises qui développent des applications pour iOS. Malgré l’intervention d’Apple, Lodsys a obtenu des royalties d’un très grand nombre de ces structures, effrayées à l’idée de dépenser plus d’un million de dollars dans un procès qui engloutirait tout leur budget. Avec la nouvelle loi, une « parenthèse » s’ouvrirait pour obliger l’attaquant à affronter d’abord l’initiateur de la technologie avant de passer à ceux qui l’utilisent.

Un consensus applaudi mais qui ne règle pas tous les problèmes  

Il faut noter cependant que même si le texte représente une étape cruciale dans la lutte contre les patent trolls, il ne peut remédier à toutes les situations. S’il aurait par exemple été efficace dans des affaires telles que Rambus et SCO, il sera sans efficacité sur Lodsys dans la majorité des cas. Pourquoi ? Tout simplement parce que le projet concerne les tribunaux : Lodsys négocie directement auprès des petits éditeurs pour obtenir ses royalties.

 

Pourtant, le projet représente un espoir conséquent de calmer le jeu dans le domaine des plaintes pour violation de brevets. Il a d'autant plus de chance d'être adopté qu’il est porté par des membres éminents des deux principaux partis politiques américains et qu’il établit un consensus. En outre, il est clairement applaudi par des associations telles que l’Electronic Frontier Foundation et la Computer and Communications Industry Association.

 

Rappelons enfin qu’il ne s’agit que d’un projet et qu’il s’écoulera au moins plusieurs mois avant que la loi devienne éventuellement effective. En outre, ses dispositions sont encore susceptibles d'évoluer au fil des débats, et ce sachant que certaines entreprises telles que Dolby Labs et Qualcomm en critiquent d'ores et déjà plusieurs aspects.

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