La disponibilité de Mavericks est l’occasion pour Apple de s’essayer à un nouveau mode de distribution de son système d’exploitation pour les Mac. En passant à la gratuité, la firme initie un changement plus grand qu’il n’y paraît, s’éloignant largement de ce que l’on connaissait dans le marché informatique.
Mavericks ? Mais ce n'est qu'une petite mise à jour, c'est normal...
Mavericks est la version la plus récente d’OS X. Elle représente la mouture 10.9 du système, et marque un changement important dans la manière dont Apple considère son produit. Pendant des années, les nouvelles versions d’OS X ont été proposées à 120 euros, avant que Lion n’arrive et change la tarification : 24 euros. Puis ce fut au tour de Mountain Lion, dont le prix était une nouvelle fois en baisse : 18 euros.
Mavericks est le premier système à abandonner les noms de félins pour se tourner vers les « spots de surf », pour reprendre les mots de Tim Cook, le PDG d’Apple, durant sa première présentation. Il est aussi le premier système de la firme à être totalement gratuit. Une gratuité qui fonctionne aussi bien pour ceux qui viennent de Mountain Lion, que pour les utilisateurs des versions plus anciennes Lion et Snow Leopard (mise à jour 10.6.8 obligatoire pour disposer du Mac App Store, seul moyen de récupérer Mavericks).
Pour beaucoup, la gratuité de Mavericks est justifiée. D’abord parce que la baisse continuelle des tarifs allait dans cette direction, mais également parce que le système ne contient pas un grand nombre de nouveautés. Finder avec onglets, tags, améliorations pour les écrans multiples, réduction de la consommation, Plans et iBooks sont ainsi les améliorations principales. Certains pourraient d’ailleurs dire que les améliorations n’étaient pas légion entre Lion et Mountain Lion que le système coûtait quand même 18 euros. Alors pourquoi ?
Un plus grand pas qu'il n'y paraît
Le fait de proposer Mavericks gratuitement initie un nouveau chemin pour Apple. Il faut savoir tout d’abord que la firme s’est toujours défendue de vouloir vendre son système pour l’ouvrir à l’ensemble des PC, surtout après le passage aux processeurs Intel. L’explication était alors simple : OS X n’est qu’un accompagnement pour les Mac, et non l’inverse. Le produit principal est donc la machine, fournie avec une interface et un écosystème logiciel propres. La gratuite va renforcer cette idée, en ayant très certainement d’autres apports bénéfiques en termes de marketing.
Tout d’abord, la question d’un OS X qui fonctionnerait sur n’importe quel PC ne sera certainement plus abordée de manière sérieuse. Le sujet en avait déjà pris un coup à partir de Lion qui avait débuté la vente exclusive à travers le Mac App Store. Ensuite, il ne faut pas penser qu’à Mavericks en tant que tel : à partir de maintenant, ce sont tous les OS X qui resteront gratuits, comme pour iLife et désormais iWork.
Un puissant argument marketing
On imagine dès lors très facilement les retombées dans l’image que se font les consommateurs d’un Mac. Acheter un MacBook Pro par exemple garantira à l’utilisateur d’avoir continuellement les nouvelles versions du système, de la suite bureautique et des outils du quotidien iLife, iMovie et GarageBand, sans débourser un centime supplémentaire. C’est l’image même de la pérennité qui s’en retrouve renforcée, ce qui ne peut avoir qu’un effet bénéfique sur les ventes. Évidemment, l’intensité de cet effet est pour l’instant difficile à évaluer.
Cette gratuité introduit également des éléments de comparaison avec les deux plateformes concurrentes, Windows et Linux. Pour la plateforme de Microsoft, la situation est très différente. Elle représente un très vaste écosystème dont l’éditeur fait payer relativement cher le ticket d’entrée. Ainsi, la licence de base de Windows 8.1 est vendue 129 euros, tandis que la version Pro coûte 199 euros. Mais Microsoft ne vend pas les ordinateurs qui accompagnent son système, et l’équation est donc inverse : Windows représente une partie importante des revenus de la firme, de même qu’Office. Sur le plan de l’intégration verticale, Redmond peut difficilement lutter, d’autant qu’elle est avant tout une société de logiciels.
Un mobile dans lequel le système est toujours (presque gratuit)
Et côté Linux ? La gratuité de Mavericks ne devrait guère changer la donne pour les distributions libres. C’est en tout cas l’avis de Linus Torvalds, qui s’est exprimé lors du LinuxCon Europe qui se tient actuellement à Edinburgh en Écosse. Interrogé sur l’impact potentiel d’une telle gratuité, le créateur du noyau Linux a ainsi déclaré : « Le fait qu’Apple offre son système d’exploitation est largement hors de propos. Je ne pense pas que cela aura le moindre impact sur Linux ». Il souligne en effet que Mavericks n’est pas open source, et ne peut donc pas marcher sur ses platebandes, et surtout que le système est totalement lié au matériel Apple pour garantir la compatibilité maximale. On pourrait d’ailleurs souligner qu’il est difficile de considérer Mavericks comme étant gratuit puisqu’il accompagne un matériel vendu relativement cher.
Ars Technica, de son côté, a obtenu l’avis de l’analyste Al Gillen de chez IDC : « Est-ce le début d’un nouveau paradigme dans la tarification des systèmes d’exploitation ? Ce n’est pas certain, même si le standard avec les appareils tels que les smartphones, les tablettes et autres est que vous achetez le produit, puis le logiciel est mis à jour et rafraichi durant la vie de l’appareil, sans frais supplémentaires ». L’utilisateur se retrouve en outre fidélisé par tout un écosystème applicatif et de services, renforçant l’idée qu’un départ vers une autre plateforme serait pénible. Apple renforcerait ainsi l'idée que la grande majorité de ses produits tourne autour de la mobilité et qu'il est donc normal que le système ne soit plus payant.
Au final, jamais le matériel n’a autant compté pour Apple. La société vend des produits dont les principaux logiciels sont tous gratuits et évoluent avec les années. Les rares logiciels payants à Cupertino sont Final Cut Pro, Aperture et Logic Pro X. Pour le reste, jamais Apple n'a autant été tournée vers le grand public, et la fidélisation se fera désormais au moyen d’une arme supplémentaire : la gratuité.