Exclusif PC INpact. Selon nos informations, le 24 septembre prochain, au Tribunal correctionnel de Caen, un important procès sera jugé à la demande de Skype contre ceux qui sont accusés d’avoir publié une partie des sources du fameux logiciel acheté 8,5 milliards de dollars par Microsoft.
Dans les cartons, le projet de la société Vest Corporation était pour le moins ambitieux : mettre en œuvre un système robuste, si ce n’est « incassable », qui servirait à épauler une solution sécurisée interopérable avec Skype. Cette start-up de Lantheuil, non loin de Caen, imagine au-delà la création d’un futur Skype français proposé par exemple aux banques et toute autre structure manipulant des produits sensibles.
Vest Corporation avait été fondée en 2007. Entre ses murs, deux hommes : Sean O’Neil et Christian Durandy. Celui-ci prend les manettes de la gérance et la charge des relations commerciales. O’Neil, mordu de mathématique, s'occupe de la partie technique. Il se fait fort d’avoir participé aux éliminatoires du Concours international de standards organisé par le N.I.S.T. (National Institute of Standards and Technology). Surtout, on attribue au personnage le déchiffrage en 2010 d’une partie des algorithmes secrets de Skype.
Le nom d’O’Neil se retrouve d’ailleurs sur Wikipedia à la page VEST (Very Efficient Substitution Transposition). Quant à la Vest Corporation, elle est justement citée sur le site du russe Efim Bushmanov. Ce chercheur, jusqu’alors inconnu, avait provoqué des remous dans la presse mondiale en 2011 lorsqu’il annonçait avoir décompilé le protocole Skype. Désireux de libérer le logiciel Microsoft, il mettait à disposition ces algorithmes ultra-sensibles en indiquant qu’une partie des codes avait été puisée du côté de la Vest Corporation (la mention est toujours sur son site).
La plainte de Microsoft-Skype
Il n’en fallait pas moins pour attirer les foudres de Microsoft, qui avait mis 8,5 milliards sur la table pour racheter Skype le 10 mai 2011. D’un côté, l’éditeur adressait une pluie de demandes DMCA pour faire retirer ces pièces du site internet du chercheur russe.
De l’autre côté, sur le territoire français, le Dublinois Microsoft-Skype a dès le 16 septembre 2010 déposé plainte auprès du Parquet de Paris. Code pénal sous le bras, Christian Durandy, gérant de Vest Corporation, est accusé d'être responsable de ces faits de contrefaçons. Mais ce n'est pas tout : le prévenu aurait aussi mené un accès frauduleux dans son système de traitement automatisé (STAD), entravé le fonctionnement de Skype et même introduit frauduleusement des données puisqu’une lourde campagne de spams aurait fait suite à cette diffusion de codes. Dans cet article du 8 juillet 2010 de Techcrunch, Skype mettait en cause O'Neil pour ces mêmes faits.
L’éditeur reproche enfin à Durandy d’avoir vendu, ou en tout cas mis à disposition une solution permettant une atteinte au système informatique Skype, infraction là encore pénalement poursuivie. Le gérant estime pour sa part n’avoir rien à voir avec cette diffusion du protocole RC4 localisée à Nice en juillet 2010, il a de plus rompu ses liens avec son ex-partenaire.
Les faits complexes seront détricotés, analysés, qualifiés à Caen fin septembre.
Le statut juridique de l'algorithme, du code, du logiciel
L'affaire porte d’importants enjeux. Au-delà des éventuelles responsabilités, il s’agira en effet de savoir quel est le statut de l’algorithme. Peut-il y avoir un droit d’auteur et donc une contrefaçon lorsqu’on copie et/ou diffuse un algorithme sans autorisation ? Le droit européen, encadré par la directive du 14 mai 1991, semble bien répondre que non. Si les données diffusées sont qualifiées de logiciel, restera pour le tribunal à déterminer si les différentes exceptions au monopole des auteurs ne peuvent pas ici être retenues (exception de décompilation, reproduction de code à des fins d’interopérabilité, etc.).
La solution de cette plainte devra être auscultée avec d’autant plus d’attention que le client sécurisé et interopérable à Skype de la VEST Corporation est resté dans les cartons. D’ailleurs, le fils du gérant avait présenté à Monaco en 2010 un business plan : un projet de paiement bancaire par l’intermédiaire de Skype, étude à laquelle a participé O’Neil. Mais la petite SARL française au capital de 16 800 euros n’a jamais pu obtenir les capitaux nécessaires à son envol du fait de cette plainte.