« L'innovation au service de la gestion des amendes ». Voilà le titre du rapport d'information (PDF) mis en ligne aujourd’hui sur le site Internet du Sénat. Au nom de la commission des finances de la Haute assemblée, le sénateur Vincent Delahaye s’est penché ses derniers mois sur les activités de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), cet établissement public gérant depuis 2011 les infractions relevées par les radars automatiques ainsi que par le biais des appareils dressant les « procès-verbaux électroniques (PVé) ».
Si l’ANTAI est en elle-même « une petite structure de pilotage et de contrôle, composée de 26 agents, qui sous-traite l'essentiel des tâches d'exécution à un prestataire privé », l’établissement public gère à l’aide d’un budget de près de 127 millions d'euros le célèbre Centre national de traitement (CNT) de Rennes. C’est là-bas que sont rédigées puis expédiées les contraventions prises de manière automatisée. L’on apprend ainsi au travers de ce rapport que l’agence devrait adresser environ 40 millions d'avis de contravention en 2013. « Ce sont près d'1,7 milliard d'euros d'amendes qui seront recouvrées pour l'État et les collectivités territoriales par l'intermédiaire de l'Agence » précise le rapport.
42 % des « flashs » des radars automatiques ne donnent pas lieu à contravention
Alors que le déploiement des radars automatiques n’a cessé de se poursuivre depuis 2003, le sénateur Delahaye regrette que « seulement 70 % des « flashs » conduisent à l'envoi d'un avis de contravention ». En effet, 30 % des images prises par les radars automatiques ne font actuellement l'objet d'aucune sanction (ni amende, ni retrait de points). Ce pourcentage s'élève en réalité à 42 % si l'on tient compte des plaques étrangères échappant aux PV. Ceci signifie que ce sont en fait 58 % des « flashs » qui donnent lieu à l’envoi d’une contravention, soit un peu plus d’un sur deux.
« Ces taux s'expliquent par l'impossibilité d'identifier avec certitude le véhicule (motos photographiées de face, plaques sales, plusieurs véhicules sur la même photo, etc.) » affirme le rapporteur. La situation relative aux plaques étrangères devrait cependant évoluer rapidement. L’élu UDI indique en effet que l’entrée en vigueur d’une directive européenne permettra le mois prochain à l'ANTAI d’accéder aux fichiers d'immatriculation des véhicules des autres États membres de l'Union européenne (hors Royaume-Uni, Irlande et Danemark) et réciproquement.
Surtout, le sénateur affirme dans son rapport que les radars automatiques sont à l’origine de « la plus grande masse des contestations » reçues par l’ANTAI. En moyenne, près de 20 % des avis de contravention relatifs aux radars automatiques sont ainsi contestés. Les deux tiers de ces réclamations concernent la désignation d'un autre conducteur que le titulaire de la carte grise.
Bientôt des contestations en ligne sur le site de l’ANTAI ?
Le problème est que ces contestations ne peuvent se faire que par voie postale, ce qui nécessite un nombre important d’agents pour ouvrir puis numériser les courriers reçus des administrés (en moyenne, l’ouverture des plis, la numérisation et la saisie manuelle des données non reconnues par l’outil informatique ont mobilisé 198 personnes en 2012). Tant et si bien que le rapport juge cette méthode « coûteuse pour l'ANTAI et fastidieuse pour le conducteur ».
Vincent Delahaye brandit donc son idée : il pense « qu'une procédure de contestation par Internet devrait être ouverte à partir du site de l'Agence ». Mais que les conducteurs qui imaginent déjà pouvoir économiser quelques euros en frais postaux ne se réjouissent pas trop vite. « Des « frais de dossier », de l’ordre du prix d’une LRAR [lettre recommandée avec accusé de réception, ndlr], pourraient être demandés de manière à couvrir les développements informatiques nécessaires à cette évolution » indique en effet le rapport. Compte tenu de la masse des courriers actuellement reçus, le sénateur estime que la somme dégagée grâce à ces nouveaux frais de dossier « pourrait aisément atteindre plusieurs millions d’euros ».
Une dématérialisation des échanges qui reste problématique
Aussi, pour augmenter davantage les « gains de productivité dans le traitement de la chaîne pénale », le rapport du sénateur Delahaye en appelle à davantage de dématérialisation des échanges entre l’ANTAI et les citoyens. En clair, pour économiser une partie des frais d’affranchissement reposant sur les épaules de l’établissement public (d’un montant de près de 20 millions d’euros en 2012), le rapport se demande s’il ne serait pas possible d’avoir davantage recours aux courriels. « L’exemple de la déclaration annuelle de l’impôt sur le revenu démontre qu’il est possible de traiter une procédure administrative de masse de manière dématérialisée » retient ainsi le rapport Delahaye.
Mais le tout n’est pas sans poser quelques problèmes. « L’enjeu pour l’ANTAI est bien évidemment de se constituer un fichier d’adresses électroniques fiable, sous le contrôle strict de la CNIL » relève-t-il à cet égard. Avec toutefois des pistes : « La connexion avec les fichiers de la DGFiP [Direction générale des finances publiques, ndlr] pourrait être envisagée. De même, le fichier d’immatriculation des véhicules (SIV) ou le fichier des permis de conduire - notamment dans le cadre de la délivrance des nouveaux permis - pourraient comporter cette information. Ou bien encore, il est envisageable que l’ANTAI se constitue son propre fichier, au fil de l’eau, à partir des dossiers qu’elle traite ».
La montée en puissance du PVé devrait atteindre son maximum en 2016
Outre les radars automatiques, l’ANTAI s’occupe également des contraventions dressées par les forces de l’ordre au travers d'appareils dits de « procès-verbal électronique (PVé) ». Au 1er septembre 2013, il s’avère que plus de 1 200 communes avaient ainsi opté pour ces équipements électroniques de type « PDA », lesquels visent à constater les infractions de la circulation et du stationnement.
L'ANTAI, qui centralise l'ensemble des données relatives aux infractions relevées par le biais du PVé pour adresser ensuite les avis de contravention s'y rapportant, a vu son activité connaître un « rythme de croissance exponentiel » depuis le remplacement progressif du traditionnel « carnet à souches », en 2009. Le rapport estime d'ailleurs que cette montée en puissance devrait « se stabiliser vers 2016 », avec plus de 46 millions de courriers envoyés chaque année.
Ces nouveaux outils intéressent en tout cas de près le sénateur Delahaye. « D'après l'ANTAI, le PVé est un outil dont la rentabilité est 78 % plus élevée que le carnet à souches : le taux de recouvrement est supérieur ; le taux de contestation est moindre ; le coût de traitement administratif est réduit (compte tenu du traitement automatisé) ; et il n'est plus possible d'accorder des "indulgences" » se félicite-t-il au travers de son rapport.
L’intéressé estime ainsi que « compte tenu de l'efficacité de l'outil PVé, il serait utile d'étendre son utilisation au-delà du champ de la circulation et du stationnement routiers ». En l’occurrence, il souhaiterait que 1 000 infractions différentes puissent passer par le PVé, contre 687 aujourd'hui. Cette extension pourrait concerner des infractions relatives à l'environnement, à l'urbanisme, à la chasse, aux transports maritimes, aux transports routiers, etc. Le sénateur envisage même des partenariats avec des personnes privées chargées d’une mission de service public, à l’image de la SNCF, les sociétés d’autoroutes,...