Internet, c'est s'adapter ou mourir

Et mieux vaut ne pas choisir

Si Internet est on ne peut plus pratique sur bien des aspects, et la liste serait trop longue à rédiger, le réseau des réseaux a aussi des impacts directs sur certaines professions. Au point que certaines, faute d'évolution suffisante, sont à deux doigts de disparaître. Un constat que nous risquons de faire encore ces prochaines années pour un grand nombre de secteurs d'activités.

 

Depuis plusieurs années, et en particulier ces derniers mois, les fermetures de boutiques liées de près ou de loin au secteur informatique et culturel se sont multipliées (Virgin Megastore, Game, Surcouf, etc.). De nombreux facteurs expliquent ces échecs, mais l'essor des cybermarchands a de façon évidente eu une influence sur certaines de ces fermetures.

 

Si Internet a plusieurs dizaines d'années et que l'invention du Web date de vingt ans, son influence réelle sur d'autres secteurs est bien plus récente et peut être fixée lors du passage au nouveau siècle et millénaire. En terme d'impact, nous mettrons de côté les développeurs. Après tout, toute personne travaillant de près ou de loin dans l'informatique a l'habitude d'évoluer, il s'agit même d'un comportement vital. À l'instar d'un avocat, rester sur ses acquis est rapidement problématique pour quiconque dans le secteur informatique, et les développeurs sont les premiers à le savoir.

Le secteur culturel face à la dématérialisation

Mais intéressons-nous plutôt aux secteurs d'activités à la base très éloignés d'Internet et de l'informatique en général. L'un des premiers à prendre la bourrasque du Net fut sans aucun doute le secteur musical. Ici, c'est en particulier le téléchargement illégal qui a forcé l'industrie du disque à évoluer, même si cela a pris de longues années. L'achat légal de CD neufs via des cybermarchands et de CD d'occasion via des sites de petites annonces ou d'enchères, ou encore l'obtention de fichiers compressés, qu'elle soit légale ou illégale, a eu pour principales conséquences la fermeture massive de disquaires mais aussi une concentration des ventes sur une période plus courte. La sortie de Random Access Memories, le dernier album des Daft Punk, est un bon exemple, avec une place de numéro un quasi partout dans le monde simultanément, en grande partie grâce à iTunes, et avec l'essentiel des ventes réalisées en quelques jours seulement.

 

Le marché de la vidéo est d'ailleurs dans la même situation, avec un léger décalage. Avec Internet, les vidéoclubs se sont raréfiés, la faute à un service loin d'être toujours pratique et aux tarifs parfois élevés. Mais c'est aussi le Net et son piratage massif qui a poussé les producteurs et les distributeurs à lancer leurs films le même jour (ou presque) dans le monde entier. Auparavant, il n'était ainsi pas rare de voir des films américains sortir en Europe des mois voire des années après leur diffusion outre-Atlantique. Sans aller dans les années 50, 60, 70 ou 80, si l'on prend un grand film à succès comme Jurassic Park, ce dernier est sorti aux États-Unis le 11 juin 1993. En France, il fallut attendre le 20 octobre 1993. L'année suivante, Forrest Gump, un autre grand succès, fut disponible en salle outre-Atlantique le 6 juillet, et trois mois plus tard (le 5 octobre) en France. Aujourd'hui, aucun grand film et blockbuster US n'oserait proposer un tel décalage.

 

 

Avec de nouveau un autre décalage, le secteur du livre connait peu ou prou les mêmes symptômes. Les sorties des livres et leurs traductions sont bien plus rapprochées et mondialisées qu'auparavant, accélérant ainsi la concentration des ventes à court terme. Et bien sûr, avec le succès des cybermarchands voire l'essor des livres électroniques (encore mineurs dans de nombreux pays), les libraires pourraient connaître le même sort que les disquaires et les vidéoclubs. Si le papier devrait résister plus longtemps que le CD et le DVD au numérique, le risque reste tout de même évident. Rajoutons que les grands éditeurs de livres sont aussi attaqués par l'auto-édition en ligne et les sites spécialisés.

 

Toujours dans le secteur culturel, l'analogie est évidemment la même pour les jeux vidéo. Du fait de la dématérialisation et des bons prix sur Internet, en sus de la volonté des éditeurs de limiter l'occasion, les boutiques sont en danger et ce n'est pas une folie de penser qu'elles disparaitront à moyen terme.

 

Disquaires, vidéoclubs, libraires, boutiques de jeux vidéo, tous ont été ou sont encore en danger du fait d'Internet, tout du moins partiellement, car jeter la faute sur la toile est un exercice un peu trop aisé et déjà usé par bien des professionnels. Mais ces professions sont très loin d'être les seules à souffrir d'un manque d'évolution, quand ladite évolution est possible.

De la presse aux taxis...

La presse est un bon exemple de secteur qui a du mal à s'adapter. Certes, les sites des grands journaux papier ont réussi à s'imposer dans la plupart des pays du monde, mais le business-model reste encore à trouver et sans l'appui de riches personnalités ou de grandes entreprises, la chanson serait certainement différente. Mais outre le côté financier, c'est le rapport à l'information qui a changé avec Internet. Les personnes ayant soif d'information peuvent multiplier leurs sources en trois clics, ce qui est déjà plus complexe à réaliser avec du papier. Cela permet de croiser ses sources, et surtout de mieux repérer les erreurs de chacun. De nombreux journaux perdent ainsi en crédibilité à force de titre abusif, d'informations erronées, etc. Et nous ne parlons même pas des rapports entre les lecteurs et les journalistes, où la plupart de ces derniers fonctionnent encore comme au siècle précédent, évitant soigneusement de lire ou de répondre à toutes les remarques. L'émergence des blogs influents est aussi à prendre en compte, même si certains se transforment parfois en journalistes sans s'en rendre compte.

 

Nous pourrions aussi aborder un sujet d'actualité. Prenons par exemple les taxis. Ces derniers sont en lutte avec les VTC, les fameux véhicules de tourisme avec chauffeur. Le rapport avec Internet ? Sans le web, le développement des VTC aurait assurément été bien moindre. Les applications de type SnapCar permettent ainsi à n'importe qui de trouver en un clin d'œil un VTC, ce qui fait le bonheur de ceux qui détestent les taxis, et ils sont nombreux. Face à la déferlante de ces véhicules, le lobby des taxis, menacés comme jamais, a donc frappé.

 

Edito internet adapter ou mourir

... en passant par les hôtels et les lunettes

Si le lobby du secteur musical a été de loin le plus influent ces dix dernières années, poussant à faire voter des lois parfois totalement farfelues (ceci dans la plupart des pays du globe, ce qui est une performance), il n'est donc pas le seul à user de son pouvoir. Outre la musique et donc les taxis, nous pourrions aussi aborder les hôtels. Avec l'explosion du web, les internautes ont commencé à s'organiser entre eux afin de s'héberger à moindres frais ou dans des lieux auparavant difficiles d'accès. Au point que certaines sociétés ont commencé à en faire un véritable business. L'Américain Airbnb est la plus connue d'entre elles, et à force de prendre de l'ampleur, l'entreprise s'est rapidement créée des ennemis. Depuis quelques années, New York conteste la légalité même du service. En Europe, où le site s'est développé plus tardivement, c'est cette année que les tensions ont grimpé d'un cran, au point que des difficultés voire des interdictions pointent le bout de leur nez.

 

Justement, en parlant de nez, le marché de l'optique, aux marges très confortables, s'inquiète lui aussi de la montée en puissance des sites proposant des lunettes. Ces derniers osent ainsi vendre des paires de lunettes moins chères, mettant ainsi en danger les marges non négligeables des vendeurs en boutique. Si la légalité d'une telle marchandisation sur internet n'est pas en cause, même si les conditions de vente peuvent s'avérer complexes selon les pays. En France, des amendements récents ont confirmé la légalité totale des sites procurant des lunettes (et des lentilles), ceci comme l'impose le droit européen, néanmoins, la présence d'un opticien-lunetier reste imposée à ces sites. Mais quand on sait qu'il existe plus de 11 000 boutiques physiques de lunettes uniquement dans l'Hexagone, ce qui est considérable, on se doute que le secteur ne laissera pas Sensee.com et les autres sites du genre les détruire si facilement.

 

Edito internet adapter ou mourir

 

D'autres secteurs et domaines pourraient aussi être cités dans cet édito. Il y a par exemple le cas des médecins et des pharmaciens, celui de La Poste, du courtage matrimonial, de divers conseils (assurances, etc.), de la télévision, des imprimeries, et même du pneumatique.

 

Non seulement Internet pousse de nombreux secteurs à se remettre en cause, et à revoir leur façon de vendre aux clients (que ce soit pour les tarifs et/ou les services), mais cela change aussi les règles de certaines professions ultra réglementées, verrouillées depuis des dizaines d'années. Du fait de l'existence même de certains services internet, inarrêtables peu importent les lois qui seront votées, les gouvernements sont forcés de s'adapter, et par là même les entreprises concernées. Malheureusement, le pouvoir de lobbying de nombreuses professions reste encore élevé. Mais n'est-ce pas reculer pour mieux sauter ?

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !